(Montréal) Le flou persiste à savoir si le financement de CBC/Radio-Canada sera amputé de 3 %, comme le reste de l’appareil fédéral, au moment où l’industrie des médias est sous pression. La réponse n’est pas sans conséquences sur le nombre d’emplois qui seront vraiment abolis au diffuseur public.

Chez CBC/Radio-Canada, on confirme que les compressions d’environ 125 millions annoncées aux employés, lundi, tiennent compte de l’effort budgétaire demandé à l’appareil fédéral. La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, affirme pour sa part qu’aucune décision n’a encore été prise à cet égard.

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Dans ses calculs, le diffuseur public a tenu compte de la réduction des dépenses de 3 % demandée aux organismes de l’appareil fédéral d’ici l’exercice 2026-2027, confirme la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, en entrevue lundi en soirée.

« On a reçu des directives comme tous les ministères et les sociétés d’État, répond-elle. Le chiffre est dans nos prévisions. »

Encore mardi, la ministre St-Onge réitère que la décision n’a pas encore été prise à savoir si CBC/Radio-Canada devrait participer à cet exercice. « Ce n’est pas nécessairement quelque chose qui va être appliqué sans prendre en considération les impacts que ça peut avoir », assure-t-elle en avant-midi.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a évité de s’avancer lorsqu’on lui a demandé si CBC/Radio-Canada était concernée par la directive du 3 %. « Je dis juste que c’est important pour nous (la mission de Radio-Canada) et on continuera d’être là. »

Pour sa part, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, affirme que le « processus n’est pas terminé ». Elle a évoqué une possible réponse au cours du mois de février.

CBC/Radio-Canada a annoncé à ses employés, lundi, qu’elle va supprimer 600 emplois dans le cadre de compressions budgétaires de 125 millions. En tenant compte des quelque 200 postes déjà vacants, cela représente 800 postes, ce qui équivaut à près de 10 % des effectifs.

Si Ottawa décide d’exempter le diffuseur public de l’exercice budgétaire imposé aux autres organismes, le nombre de pertes d’emplois serait moins important, reconnaît Mme Tait. « Si la situation change, on aura la possibilité d’ajuster le nombre de postes coupés. »

Les compressions seront « progressives » et s’échelonneront sur les 12 prochains mois. Mme Tait a précisé que la majorité des mises à pied surviendrait au début de l’exercice 2024-2025, soit en avril.

La réduction des dépenses de 3 % représente environ 38 millions annuellement. Au Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada (STTRC-CSN), on juge que le montant en jeu a un effet important sur les pertes d’emplois annoncées.

Du plan budgétaire de 125 millions, une tranche de 25 millions est destinée à la réduction des dépenses discrétionnaires et une autre tranche de 40 millions à la réduction des dépenses pour les productions indépendantes.

« Il reste 60 millions à trouver et il coupe 800 postes, réagit le président du STTRC-CSN, Pierre Tousignant, en entrevue. Le 38 millions qu’Ottawa n’exige pas de Radio-Canada, ça représente un bon paquet d’emplois qui auraient pu ne pas être touchés par l’annonce. »

Les compressions budgétaires fédérales représentent toutefois une partie relativement « pas si élevée » dans l’ensemble des difficultés qu’affronte CBC/Radio-Canada, nuance Mme Tait. Elle ajoute que le secteur des médias traverse une « tempête parfaite ».

L’industrie médiatique affronte de nombreux vents contraires au moment où les géants du web accaparent 80 % du marché publicitaire canadien. « Je crains que le diffuseur public, malgré son financement public, ne soit pas à l’abri. […] Nos modèles financiers ont été entièrement bouleversés par ces géants du numérique. »

Contrairement aux géants de la diffusion en continu, les médias canadiens n’ont pas accès aux mêmes bassins d’auditeurs. « On n’a pas l’avantage lié aux auditoires mondiaux. On est limité dans notre marché canadien. »

Équitable pour le service français ?

Mme Tait s’est aussi défendue de ne pas être équitable envers le service français. Des 600 pertes d’emplois prévues, environ 250 seront liés à Radio-Canada tandis qu’un autre 250 proviendra du réseau anglophone CBC. Une centaine de postes seront liés aux services administratifs.

Le nombre égal de compressions entre les deux services soulève des critiques de la part d’employés tandis que le réseau CBC représente une plus grande part du budget de la société d’État.

À Québec, le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, estime que Radio-Canada écope pour les difficultés de CBC. « Difficile de comprendre, par ailleurs, comment une antenne compétitive comme celle de Radio-Canada peut autant faire les frais du manque de performance de CBC », a-t-il déclaré sur le réseau social X.

Pour sa part, Mme Tait juge que le plan de la société d’État est équitable. Elle ajoute que si les pertes d’emplois sont équivalentes en français et en anglais, la réduction des dépenses en production sera plus importante à CBC, soit 25 millions, qu’à Radio-Canada (15 millions).

« Tous les secteurs sont mis à contribution, répond-elle. Nous sommes une seule et même organisation. »