Une « catastrophe ». Un « coup dur ». Une « nouvelle terrible ». Les salles de nouvelles régionales de TVA peinent à encaisser le choc de l’annonce des 98 suppressions d’emplois. De Sherbrooke à Trois-Rivières en passant par Rimouski et Chicoutimi, des dizaines de travailleurs ont reçu une lettre de licenciement depuis jeudi soir.

« Les régions, c’est comme si on était des gens de seconde classe. On n’aura plus la même qualité d’information qu’à Montréal ou à Québec, carrément », se désole Michel Boivin, de Chicoutimi, employé de TVA depuis 33 ans. Il a appris qu’il perdait son travail tout comme 19 de ses 26 collègues.

Comme dans les autres stations régionales de TVA, seuls quatre journalistes et deux caméramans resteront en poste d’ici 16 semaines. Leurs reportages seront assemblés à Québec, puis les bulletins de nouvelles seront préenregistrés et lus par un lecteur ou une lectrice de nouvelles dans la Vieille Capitale.

« Le Saguenay–Lac-Saint-Jean, c’est grand. D’un bout à l’autre, ça prend trois ou quatre bonnes heures. Il y a certainement des endroits qui vont être moins couverts dorénavant », s’inquiète M. Boivin qui est également vice-président Saguenay du syndicat provincial des employés de TVA.

À Rimouski, le lecteur de nouvelle vedette, Martin Blanchet, a appris qu’il ne lira plus les nouvelles, mais il ignore s’il sera réaffecté comme journaliste sur le terrain. Dans cette station du Bas-Saint-Laurent, qui compte 29 employés dont un journaliste à Sept-Îles et un autre à Baie-Comeau, les employés ont aussi été informés que seuls quatre journalistes et deux caméramans conserveront leur emploi.

Partout à travers le réseau, les coupes seront en vigueur dans 16 semaines.

« On perd encore du terrain au profit des grands centres, souligne M. Blanchet. Les gens ici, sincèrement, ils aiment voir leur monde, leur lecteur, leurs journalistes. Mais ils vont maintenant se faire imposer quelqu’un qui n’a aucune connaissance de la région. C’est un lecteur de Québec qui va leur parler de leur région. ».

Pas que les journalistes

La station de Rimouski, qui couvre toute l’actualité de l’Est-du-Québec, a aussi appris qu’elle déménagera puisque les grands studios ne seront plus utilisés et que les effectifs seront réduits de près de 80 %.

Mais ce ne sont pas que des journalistes et des caméramans qui perdront leur emploi, précise M. Blanchet. Les opérateurs de production, les techniciens, les réalisateurs, les coordonnateurs aux ventes sont tous touchés, sans exception, par les licenciements.

« C’est vraiment un gros choc à encaisser […] Les gens sont ébranlés, c’est terrible pour notre personnel », dit-il, parlant d’une « catastrophe » pour les régions.

À Sherbrooke, le journaliste d’expérience Jean-François Desbiens, qui a couvert de grands évènements comme le déraillement de train à Lac-Mégantic ou la mort de la fillette de Granby, estime que près de 50 personnes travaillent à la station régionale. C’est que TVA y a un département qui réalise des publicités. Là aussi, seules six personnes resteront en poste.

M. Desbiens, qui travaille à TVA-Sherbrooke depuis 25 ans, ne s’inquiète pas pour son sort, mais pour les jeunes journalistes qui rêvent de faire carrière dans le domaine.

« On a plusieurs jeunes qui ont investi beaucoup de temps en formation, en études parce qu’ils ont des aspirations. J’espère qu’on ne leur coupera pas l’herbe sous le pied et qu’on va leur donner les moyens de pouvoir cheminer là-dedans », a-t-il dit quelques minutes avant d’entrer en ondes avec un reportage sur… l’information régionale.

Gatineau et Rouyn épargnés

À Gatineau et à Rouyn-Noranda, les stations TVA sont exploitées de façon indépendante par le diffuseur RNC Média. Ces salles de nouvelles ne sont pas touchées par les compressions.

« On est hyper solidaires de nos collègues. Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour notre industrie, mais les téléspectateurs de l’Outaouais, qui ont l’habitude d’écouter nos bulletins locaux, ne verront aucun impact », a indiqué Sébastien Côté, directeur général et de l’information à TVA Gatineau-Ottawa. Il a ajouté que les deux stations, en Outaouais et en Abitibi-Témiscamingue, vivent toutefois « sous pression » elles aussi, dans le contexte de la crise des médias.

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) s’est également dite inquiète pour l’information régionale, d’autant que les Coops de l’info ont aussi annoncé, plus tôt cette année, la fin de l’impression de leurs six quotidiens. Le groupe abolira une centaine de postes en région d’ici la fin de l’année.

« En région, les distances sont grandes. Est-ce que les journalistes de TVA vont avoir les moyens de se déplacer, de faire leur travail, ou ils seront concentrés dans les villes centres comme Rimouski ? », se demande Éric-Pierre Champagne, vice-président de la FPJQ. Ce dernier deviendra président de la Fédération dès le 12 novembre.

Sur 98 postes supprimés, TVA affirme qu’une vingtaine concernent des journalistes. « Nous avons fait le choix de protéger un maximum de postes de journalistes afin de préserver la qualité de l’information que nous livrons au public, a indiqué l’équipe des Affaires publiques de Québecor, par courriel. Ainsi, une vingtaine de journalistes, majoritairement temporaires, verront leur poste aboli en région et à Montréal. »