(Ottawa) « Les lois C-11 et C-18 sont-elles suffisantes pour sauver le monde des médias québécois ? » C’est la question posée par le député bloquiste Martin Champoux au lendemain du licenciement de près du tiers des employés de Groupe TVA. « Le temps joue contre nous », reconnaît la ministre Pascale St-Onge qui espère voir le résultat de cette modernisation législative « au cours des prochains mois, au cours des prochaines années ».

« Et idéalement, j’aimerais voir à l’issue de tout ça des salles de nouvelles qui réengagent des journalistes. C’est ça qu’on essaie de faire avec la modernisation de nos lois », a-t-elle affirmé.

La ministre du Patrimoine canadien s’est dite « touchée et attristée » par les coupes à TVA, mais elle ne s’est pas avancée sur une aide d’urgence. Elle a rappelé que le gouvernement offre un crédit d’impôt de 25 % sur la masse salariale des salles de nouvelles et qu’il a bonifié le Fonds canadien des médias et l’enveloppe de Téléfilm Canada pour soutenir l’industrie audiovisuelle.

Pascale St-Onge était de passage à Montréal vendredi pour la signature d’un traité de coproduction audiovisuelle avec la Suisse en marge du festival Cinemania.

Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, avait annoncé la veille le licenciement de 547 employés de TVA pour sauver le réseau de télévision. C’est la fin de la production interne pour les émissions de divertissement. Les coupes touchent également les stations de nouvelles régionales.

« C’est catastrophique, mais malheureusement prévisible », a déploré le bloquiste Martin Champoux lors de la période des questions vendredi à la Chambre des communes. « Si cela arrive à TVA, ce sont tous nos médias qui sont à risque. »

Si on ajoute cela aux médias écrits et locaux qui sont en pleine crise, on a une recette parfaite pour que nos régions disparaissent de l’écran radar.

Martin Champoux, député bloquiste

Aucune des deux lois pour soutenir les médias n’est encore entrée en vigueur depuis qu’elles ont reçu la sanction royale au printemps dernier. C-11 a modifié la Loi sur la radiodiffusion pour y ajouter une obligation pour les plateformes numériques d’investir dans du contenu canadien et québécois. Les consultations pour moderniser la réglementation du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes en ce sens doivent commencer la semaine prochaine.

C-18 sur les nouvelles en ligne force les géants du web à conclure des ententes de rémunération avec les médias d’information en échange de leur contenu. Depuis son adoption, Meta bloque les articles d’actualité sur ses plateformes pour se soustraire à la législation et Google menace de faire la même chose. La loi doit entrer en vigueur le 19 décembre.

« Bien essentiel »

« Il faudrait minimalement s’assurer que C-18 ne fasse pas plus de mal que de bien, c’est-à-dire que moi, j’espère qu’il y a des négociations en ce moment, qu’elles sont sérieuses parce qu’en ce moment, les médias sont trop fragiles pour qu’ils aient à subir le fait que tous les contenus seraient retirés », a réagi la sénatrice indépendante Julie Miville-Dechêne.

Son amendement pour que la négociation des ententes de rémunération tienne compte également de l’avantage pour les médias de la diffusion de leur contenu sur les plateformes numériques avait été rejeté par le gouvernement.

« Peut-être que le fait d’avoir une orientation qui était des négociations à la carte, pièce par pièce, donnait en fait trop de pouvoirs aux géants du web et peut-être qu’il y aurait dû avoir un système plus universel de redevances qui auraient été imposées par le gouvernement », a reconnu en entrevue le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, qui a déjà travaillé à TVA au tournant des années 2000.

« Là, on dirait que c’est vrai qu’en ce moment, on a l’impression qu’on est un petit peu dans une impasse avec C-18 », a-t-il continué.

M. Boulerice estime que l’ensemble des médias pourrait bénéficier d’une aide d’urgence étant donné que « l’information est un bien essentiel à la vie démocratique ».

Une telle aide ne s’improvise pas, selon le député conservateur et ex-journaliste, Gérard Deltell, qui croit que le gouvernement a fait fausse route. Les coupes à TVA lui rappellent celles qui l’avaient privé de son poste à TQS en 2008.

« Ce qu’on voit actuellement avec le C-18, c’est que personne n’a gagné là-dedans jusqu’à maintenant, a fait remarquer Gérard Deltell. Il y a moins d’information qui est diffusée, les journalistes sont perdants, les médias sont perdants, les citoyens sont perdants. »

La ministre St-Onge a confirmé que les discussions se poursuivent avec Google qui préférerait financer un fonds indépendant pour le journalisme au lieu de conclure des ententes à la pièce avec chaque média. Elle a blâmé au passage les conservateurs qui ont se sont opposés à C-18 et à C-11.

Avec La Presse Canadienne