Les baisses de prix les plus importantes de l’histoire récente à Toronto, des transactions moins nombreuses et même la réapparition des saisies immobilières n’augurent rien de bon pour 2024. Un récent rapport de l’agence RE/MAX prévoit une seconde année consécutive de baisses de prix dans la Ville Reine l’an prochain. Le Québec s’en tire mieux. Mais pour combien de temps ?

Ce qu’il faut savoir

  • Le marché résidentiel canadien montre des signes inquiétants, notamment dans la région de Toronto.
  • TD y prévoit une baisse de prix de 10 % d’ici la mi-2024.
  • Les saisies immobilières ont refait leur apparition dans la Ville Reine.
  • Le Québec s’en tire mieux, le choc hypothécaire frappe moins fort en raison de propriétés plus abordables.
  • Néanmoins, 28 % des hypothèques au Québec devront être renouvelés d’ici 18 mois.

« Le prix moyen au Canada se situait à environ 679 553 $ au cours des trois premiers trimestres de 2023, une baisse de 5,3 % par rapport à la même période un an plus tôt », écrit la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), dans le communiqué annonçant ses résultats financiers au troisième trimestre. « Cette baisse représente la diminution la plus importante des prix des logements de l’histoire récente. »

En plus d’être l’organisme fédéral de référence en immobilier résidentiel, la SCHL est un important assureur-prêt.

La SCHL analyse les statistiques du marché de la revente à partir des transactions enregistrées sur le réseau MLS des courtiers immobiliers. Les transactions entre particuliers tout comme celles conclues par le truchement de plateformes internet comme DuProprio ne sont pas comptabilisées.

Pour les neuf premiers mois de l’année, les reventes enregistrées au réseau MLS ont diminué de 14,9 %, pour s’établir à 447 280 unités, la plus forte baisse des transactions depuis le milieu des années 1990, mentionne la SCHL.

Ces données pancanadiennes reflètent d’abord et avant tout l’activité dans la région métropolitaine de Toronto, précise Charles Brant, économiste de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) à qui La Presse a demandé avis.

Signe inquiétant, des courtiers de Toronto ont attiré l’attention du public sur l’accélération rapide du nombre de saisies immobilières, ou « reprises de finance », parmi les propriétés à vendre.

« Le nombre d’inscriptions de logement à vendre présentées comme ‟reprise de finance” en octobre n’a jamais été aussi élevé depuis les années 1990. Cela indique le niveau croissant de détresse des vendeurs, qui ne sont pas en mesure de rembourser leurs prêts hypothécaires, et les prêteurs les ont forcés à vendre », a écrit l’économiste Daniel Foch dans l’analyse de marché de l’Agence RARE, qui se spécialise dans la prévente d’unités de condos neuves entre autres.

D’autres baisses de prix en vue

Le service économique de la Banque TD a publié lundi un rapport qui annonce une baisse additionnelle des prix dans la métropole du Canada les prochains mois.

Les prix de l’immobilier résidentiel en Ontario devraient continuer à baisser dans les mois à venir. En effet, les prix pourraient chuter d’environ 10 % par rapport à leur niveau du troisième trimestre jusqu’au premier semestre de l’année prochaine.

L’économiste Rishi Sondhi, du service économique de la Banque TD

De son côté, RE/MAX a publié le 28 novembre ses perspectives de marché pour 2024. « Pour Peterborough et la région de Toronto (GTA), on prévoit tous deux une légère baisse de 3 % des prix résidentiels moyens [sur l’ensemble de l’année], tandis que la région de Durham et Grand Bend, on s’attend à une baisse de 5 % », y lit-on.

Un marché plus résilient au Québec

RE/MAX est moins catégorique pour le Québec. « À Québec, le prix de vente résidentiel moyen devrait rester inchangé en 2024, mais le marché devrait se rééquilibrer. Entre-temps, Montréal devrait s’orienter vers un marché d’acheteurs en 2024. »

Que comprendre ? « Le marché tourne à un rythme très lent, en particulier à Montréal, moins sur l’ensemble du Québec grâce à la RMR de Québec », commente Charles Brant, de l’APCIQ. Le nombre de reventes au Québec et à Montréal a baissé de 14 et de 16 % en un an, après 10 mois en 2023.

« On ne voit pas de retour de propriétés sur le marché. On est dans un marché de vendeurs sans vendeurs, poursuit-il. Les nouvelles inscriptions ne se comparent absolument pas à ce à quoi on assiste à Vancouver et à Toronto. Là-bas, il se passe vraiment quelque chose dans un contexte où les renouvellements se font et que les propriétaires sont incapables de reconduire leurs hypothèques. Les prix des maisons sont deux fois plus élevés à Toronto et Vancouver qu’à Montréal », dit M. Brant, qui dévoilera ses prévisions de 2024 le 14 décembre prochain.

« Depuis les grèves des infirmières et des enseignants, on voit une baisse au niveau de l’activité sur le marché », indique le courtier Philippe Charbonneau, de l’équipe RE/MAX de Marc Charbonneau, actif sur la Rive-Sud de Montréal, à Brossard notamment. Il a constaté un ajustement de prix par rapport au sommet du marché survenu pendant la pandémie quand les cas de surenchères étaient devenus la norme. Selon lui, les maisons de moins de 650 000 $ se vendent encore relativement facilement dans son marché de prédilection.

Actif dans le centre-ville de Montréal, le courtier Behrooz Davani, de l’enseigne Royal LePage, s’est ajusté au ralentissement de l’activité. « Côté marketing, il faut être créatif pour pouvoir aller chercher des acheteurs potentiels et donner plus d’incitatifs. Beaucoup d’acheteurs assument l’hypothèque du vendeur », souligne-t-il.

Le courtier donne l’exemple d’un condo d’une chambre qu’il vient de revendre 400 000 $ dans Griffintown. « Ils l’ont acheté et ils vont avoir un taux fixe de 1,79 % pour encore 3 ans. La propriété s’est vendue à ce prix-là à cause de l’hypothèque en place, sinon, le prix de vente aurait été à la baisse. »

M. Davani s’attend à une remontée des propriétés à vendre dans les prochains mois. Il cite les données d’un récent sondage Nanos commandé par Royal LePage qui indique que 28 % des titulaires d’un prêt hypothécaire résidentiel au Québec devront renouveler leur contrat de prêt d’ici un an et demi. Parmi eux, 79 % se disent préoccupés par leur prochain renouvellement.