Le Barreau du Québec appuie le principe d’une réforme de la Loi sur expropriation qui a 50 ans, mais déplore le recul des droits des expropriés à une indemnité équitable et entière qu’on y trouve.

« Le but du projet de loi est de trouver un équilibre, pas simplement de réduire les coûts liés aux acquisitions par expropriation, mais davantage d’éviter les abus tout en assurant la sauvegarde des droits des expropriés », a estimé MSylvain Bélair devant les membres de la commission parlementaire.

« C’est peut-être là-dessus que le projet de loi, à notre avis, manque un peu, c’est-à-dire qu’afin de réduire les coûts liés aux expropriations, on sacrifie à certains égards les droits des expropriés d’être compensés équitablement entièrement », a ajouté Me Bélair, représentant du Barreau en matière d’expropriation avec 35 ans d’expérience dans le domaine.

Mercredi, l’Institut de développement urbain du Québec, lobby des promoteurs immobiliers, avait déploré lui aussi que le projet de loi déposé par la ministre des Transports Geneviève Guilbault enlevait des droits aux personnes expropriées.

Le témoignage de l’ordre professionnel des avocats était attendu, comme l’a souligné en commission le député libéral de l’Acadie, André Albert Morin, lui-même juriste. La raison étant que le Barreau n’a pas de parti pris en la matière, contrairement aux villes, qui veulent exproprier à moindre coût, et aux promoteurs immobiliers, qui ne veulent pas se faire racheter au rabais.

Durant son témoignage, MBélair a tenu à remettre les pendules à l’heure en soulignant que les causes traitées par le Tribunal administratif du Québec ne souffraient pas de délais indus.

« Il n’y a pas besoin de faire une réforme aussi substantielle au niveau de l’indemnisation, a-t-il poursuivi. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui ont dit qu’il y a un glissement et qu’il y a un abus dans les dossiers qui sont devant le Tribunal administratif. J’aurais quantité d’exemples du contraire. »

L’avocat a en outre rappelé aux élus que la Loi sur l’expropriation a une portée générale qui ne concerne pas seulement les promoteurs, propriétaires de terrains boisés d’intérêt et de terrains de golf, mais aussi des résidences privées que l’on doit exproprier lors du réaménagement d’une intersection, par exemple.

« Il faut faire très attention de ne pas révolutionner tout le système d’indemnisation au motif qu’on veut répondre à des défis qui existent, mais qui peuvent être réglés, à mon avis, autrement qu’au détriment du propriétaire privé d’un immeuble », a mis en garde MBélair.

Un député solidaire s’interroge sur le droit de propriété

Le député solidaire de Taschereau, Étienne Grandmont, a mentionné qu’on lui avait indiqué que le droit de propriété n’était pas enchâssé dans les chartes. Il a lu l’article de la Charte québécoise indiquant qu’un individu a droit à la jouissance de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi. « J’aimerais que vous m’expliquiez, si la loi est modifiée, en quoi est-on correct pour avancer ? », a demandé M. Grandmont aux représentants du Barreau du Québec. « On reconnaît le pouvoir aux corps expropriant de faire des expropriations en échange d’une indemnité juste et préalable. C’est une question d’équilibre. Le message de notre mémoire, c’est qu’il y a moyen d’avoir un équilibre d’une meilleure façon », a répondu Nicolas Le Grand Alary, secrétaire de l’ordre professionnel.

Une réforme qui risque de nuire à l’offre de logements

Après les promoteurs immobiliers, l’Institut de développement économique de Montréal et l’Ordre des évaluateurs agréés, l’association patronale des constructeurs de maisons s’est jointe aux critiques de la loi 22 visant à moderniser la Loi sur l’expropriation. « Aujourd’hui, on envoie le message aux entrepreneurs qu’ils ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et qu’ils peuvent à tout moment être dépossédés de leur bien sans compensation juste et équitable. Nous craignons que cette réforme occasionne un frein aux investissements au Québec et mette en péril des projets immobiliers en faveur des autres provinces canadiennes, à un moment où les besoins en habitation sont criants », souligne, dans un communiqué, Maxime Rodrigue, PDG de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).