Le courtier immobilier David Tardif, vedette de l’émission Numéros 1 à Casa, vient de voir son permis suspendu. Le Comité de discipline l’a reconnu coupable de s’être placé en conflit d’intérêts en achetant lui-même la propriété de son client, un homme vulnérable.

La vedette de l’immobilier David Tardif, cofondateur avec son frère jumeau d’Équipe Tardif, située à L’Île-des-Sœurs, ne pourra pas pratiquer son métier de courtier du 15 juin au 12 octobre 2023. Pour le Comité de discipline, « le conflit d’intérêts est non seulement flagrant, il est délibéré, institutionnalisé et constitue un modèle d’affaires privilégié par » David Tardif, écrit le Comité dans son jugement.

David Tardif est la deuxième vedette de l’émission Numéros 1 qui doit passer devant le Comité de discipline. La courtière de Repentigny Christine Girouard revient devant le Comité ce mercredi avec son partenaire d’affaires Jonathan Dauphinais-Fortin. Le couple est accusé d’avoir participé à un stratagème d’offres bidons visant à créer une surenchère artificielle sur au moins quatre propriétés, selon l’enquête du syndic de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), soit deux de plus que ce qu’avait révélé La Presse à la mi-mai.

Ancien policier, David Tardif investit dans l’immobilier depuis la fin des années 1990 avec son frère, ancien policier aussi. Ensemble, ils ont « acquis, au fil du temps, un impressionnant parc immobilier », mentionne leur site internet.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

David Tardif

Comme David Tardif « cherche à se bâtir un parc immobilier tout en se présentant comme courtier immobilier auprès de vendeurs potentiels », cette autre activité est de nature à compromettre son intégrité et son indépendance de courtier, affirme le Comité de discipline.

C’est donc ce qui s’est produit lorsque David Tardif a signé un contrat de courtage avec M. Gendron pour la vente de son logement dans un quadruplex de l’arrondissement de Verdun, à Montréal, en 2018.

Lors des audiences devant le Comité de discipline en septembre 2022, David Tardif décrira lui-même son client comme étant vulnérable tandis que la conjointe de M. Gendron dira qu’il est sans défense et fait face à certains problèmes cognitifs.

Vivant dans un quadruplex en indivision, M. Gendron avait mentionné aux autres propriétaires du quadruplex qu’il souhaitait vendre son unité 165 000 $ et avait refusé une offre de l’un d’eux à 145 000 $.

Lorsque David Tardif signe le contrat de courtage avec M. Gendron, il lui fait une promesse d’achat pour sa propriété le jour même à 155 000 $. M. Gendron l’accepte, mais les copropriétaires du quadruplex en indivision se prévalent de leur droit et rejettent l’offre du courtier.

David Tardif présente alors une nouvelle offre à 155 000 $ de la part de son adjointe, Mme Bonneville, qui fait partie de l’Équipe Tardif. Le courtier refuse toutefois d’envoyer cette offre aux autres propriétaires, qui insistent pour l’avoir.

Finalement, Mme Bonneville annule sa promesse d’achat, invoquant qu’elle ne pourra pas s’entendre avec les copropriétaires et qu’elle ne pourra pas effectuer les travaux souhaités dans le logement.

Or, deux semaines plus tard, David Tardif présente une nouvelle promesse d’achat à M. Gendron, plus basse, à 150 000 $, qu’il accepte encore. David Tardif achète par l’entremise de son entreprise « Gestion Gabchar inc. ».

Cette fois, le courtier n’avertit pas les copropriétaires et modifiera par la suite la promesse d’achat pour faire en sorte de se faire financer par M. Gendron au moyen d’une balance de vente. Selon les conditions qu’il met dans le contrat, David Tardif obtient 80 000 $ sans intérêt sur 5 ans.

Généralement, ce type de financement est utilisé par un propriétaire pour vendre plus vite et obtenir des intérêts sur le prêt plus élevés que ce que rapportent d’autres types de placements offerts sur le marché.

Le 15 juin 2018, devant le notaire Pierre Lacoste, M. Gendron cède ses 30 % indivis de l’immeuble à Gestion Gabchar inc. et cette transaction est exécutée à l’insu des autres copropriétaires. Une plainte est finalement déposée auprès de l’OACIQ en juin 2019 par l’un des copropriétaires.

David Tardif « nous apparaît définitivement aveuglé par son conflit d’intérêts puisqu’il n’a absolument rien fait pour que cette transaction se déroule avec au moins un semblant des règles de l’art », indique le jugement d’octobre 2022.

Dans ce cas-ci, le courtier immobilier ne peut pas mettre en marché de manière à ce que celui-ci y trouve le meilleur prix de vente, car il cherche à obtenir les conditions les plus avantageuses pour lui-même.

Le Comité de discipline a reconnu coupable David Tardif d’avoir exigé de l’un des copropriétaires de retirer sa demande d’assistance auprès de l’OACIQ, de ne pas avoir averti les copropriétaires de leur droit d’achat et de refus, ainsi que d’avoir un contrat de courtage avec un client tout en lui faisant accepter de façon concomitante sa promesse d’achat.

Bien que le jugement ait été rendu en octobre 2022, la suspension du permis est effective à partir du 15 juin.

Copropriété en indivision

« Aucun des indivisaires n’est propriétaire d’une partie de l’immeuble. Chacun d’eux possède une part dans la totalité de l’immeuble », explique la Chambre des notaires du Québec. Si un copropriétaire veut vendre, il doit d’abord proposer sa part à ses co-indivisaires. Les co-indivisaires peuvent aussi écarter un nouvel acquéreur en lui remboursant le prix de la vente.

La balance de vente

Elle permet à l’acheteur d’être financé par le vendeur, qui lui peut vendre plus rapidement, toucher des revenus d’intérêt du prêt qu’il fait à l’acheteur et reporter son imposition sur le gain en capital.