Le nombre de plaintes a grimpé en flèche depuis la parution de l’enquête de La Presse sur les courtiers immobiliers Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin, a-t-on appris lors de leur audience disciplinaire mercredi à Brossard. C’est notamment ce qui a permis au syndic de l’OACIQ d’identifier un dossier où Mme Girouard aurait menti pour faire gonfler les enchères.

C’est en fouillant dans les demandes d’assistance de consommateurs que les enquêteurs de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) ont découvert une autre adresse où l’on semble relever un stratagème pour créer une surenchère artificielle, a expliqué le syndic adjoint Martin Cayer, lors de l’audience devant le Comité de discipline des deux courtiers. M. Dauphinais-Fortin tente d’éviter la suspension de son permis jusqu’à la fin des procédures disciplinaires, à l’automne.

Cette demande d’assistance avait été faite en 2022. Le vendeur se disait mécontent des services de Mme Girouard, parce qu’elle avait omis de mentionner lors de la mise en marché de sa maison qu’il voulait la vendre sans « garantie légale ». Or, en analysant en profondeur ce dossier, le syndic a découvert que Mme Girouard avait transmis de fausses informations pendant la réception des promesses d’achat.

En pleine surchauffe, le vendeur représenté par Mme Girouard avait reçu cinq promesses d’achat pour sa propriété dont le prix de vente était de 349 700 $.

Les deux premières offres s’élevaient à 350 000 $, la troisième à 375 000 $, la quatrième à 381 000 $, tandis que la cinquième atteignait 390 000 $.

Par l’entremise du système de communication des courtiers Immocontact, le courtier représentant les acheteurs de l’offre la plus élevée avait demandé à Mme Girouard : « Est-ce que je suis dans la course ou pas ? »

« Il s’informe auprès de Mme Girouard pour se faire répondre que non, il n’est pas dans la course, relate le syndic adjoint Martin Cayer. Alors il fait une bonification. »

En fonction de fausses informations, l’acheteur bonifie son offre à 405 000 $ et le vendeur l’accepte, indique-t-il.

Selon le syndic adjoint, la protection du public est compromise si ces deux courtiers continuent d’exercer leur profession, parce que « ce sont des actions qui sont volontaires, qui sont planifiées, c’est un stratagème. C’est répété. Ce n’est pas un geste isolé ».

Explosion de plaintes

Depuis la parution de l’enquête de La Presse, 69 demandes d’assistance ont été faites à l’OACIQ au sujet de Christine Girouard et 7 pour Jonathan Dauphinais-Fortin.

Ces demandes d’assistance sont en cours d’analyse et d’enquête par le syndic, qui affirme qu’elles suscitent déjà à ce stade des enjeux importants pour la protection du public.

Mercredi, le syndic adjoint de l’OACIQ et Jonathan Dauphinais-Fortin ont témoigné devant le Comité de discipline. Mme Girouard témoignera plus tard à l’automne lors des audiences sur culpabilité, a indiqué son avocat.

« Je lui fais confiance »

D’entrée de jeu, Jonathan Dauphinais-Fortin a fait part au Comité de ses intentions dans l’éventualité où il ne serait pas suspendu. « Redemander mon permis, a-t-il déclaré, je vais regarder pour une agence qui est d’accord pour me prendre sous son aile. C’est sûr que faire partie d’une équipe, pour moi, c’est primordial. »

M. Dauphinais-Fortin est notamment accusé d’avoir déposé une offre bidon au nom de sa conjointe de l’époque, dans le but de favoriser une surenchère dans un dossier où sa patronne, Mme Girouard, représentait les vendeurs.

Alors que le syndic adjoint a rapporté que l’ex-conjointe de M. Dauphinais-Fortin avait été incitée avec insistance à remplir cette promesse d’achat, M. Dauphinais-Fortin a raconté qu’il avait parlé du projet à son ex-conjointe dans le salon une heure avant de faire l’offre, qu’elle lui faisait confiance et qu’elle avait signé.

Selon M. Dauphinais-Fortin, c’est sa patronne qui lui a demandé de faire cette offre, car elle savait qu’il voulait investir.

« En 2022, on est en surchauffe, Mme Girouard vous dit “fais-moi une promesse d’achat” et vous ne demandez pas pourquoi ? », a demandé l’avocate de l’OACIQ, Isabelle Martel.

« Bien, je lui fais confiance », répond M. Dauphinais-Fortin, dont l’offre était bien en dessous du prix demandé, et qui, malgré la surchauffe, n’a pas fait de bonification.

« Parce que moi, j’y vais selon le budget qu’on était prêt à mettre », a-t-il affirmé.

Mme Girouard a signifié au syndic adjoint lors de l’enquête qu’elle ne connaissait pas l’ex-conjointe de Jonathan Dauphinais-Fortin et qu’elle ne regardait pas les noms sur les promesses d’achat, seulement le prix.

L’offre présumée bidon de son ex-conjointe a fait en sorte que les acheteurs ont payé leur maison 40 000 $ de plus.

Lorsque le syndic adjoint a demandé les offres présumées bidon à l’agence RE/MAX D’ICI, elles avaient disparu. Le syndic adjoint a dû se tourner vers l’entreprise de signatures électroniques eZsign pour les obtenir.

La décision du Comité sur la suspension des permis sera rendue ce jeudi. Les audiences sur culpabilité sont à l’horaire du 25 septembre au 6 octobre prochain.

Une troisième vedette devant le Comité

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Mathieu Arsenault

Après Mme Girouard et David Tardif, dont le permis a été suspendu, voici qu’une troisième vedette de l’émission Numéros 1 doit passer devant le Comité de discipline. Mathieu Arsenault, flamboyant courtier qui se déplace en hélicoptère, et sa conjointe aussi courtière, Catherine Gosselin, ont rendez-vous le 7 novembre prochain. M. Arsenault aurait omis de vérifier l’identité d’un client tandis que Mme Gosselin doit répondre pour exercice ou acte illégal et prête-nom.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait que les deux courtiers, M. Dauphinais-Fortin et M
me Girouard, tentaient d’éviter la suspension de leur permis jusqu’à l’automne. Ce n’est pas le cas de Mme Girouard, qui s’en remet à la décision du Comité, sans admission aucune.