RE/MAX D’ICI a mis fin aux contrats de Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin, mercredi, à la suite de l’enquête de La Presse qui révélait que les deux courtiers avaient fait des offres bidon à l’aide de proches pour créer des enchères artificielles. L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a déclenché une enquête.

« L’ensemble de notre réseau est choqué par de tels agissements », a soutenu la direction de RE/MAX Québec dans une déclaration par courriel. L'enseigne « tient à souligner la prise en charge immédiate de ce dossier par les dirigeants de l’agence RE/MAX D’ICI ».

Lisez « Des offres bidon pour hausser les prix »

Les informations publiées par La Presse ont aussi eu pour effet de déclencher une enquête à l’OACIQ.

« Quand nous recevons des informations graves de cette nature-là, nous ouvrons une enquête », explique en entrevue MCaroline Champagne, vice-présidente, encadrement de l’OACIQ.

« Ce mercredi, la personne avait encore son permis, sauf qu’il existe des moyens d’intervenir rapidement. Dans les cas les plus graves, on peut faire une demande au comité de discipline d’une radiation provisoire », poursuit MCaroline Champagne.

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Les courtiers immobiliers Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin

L’OACIQ affirme qu’elle soutiendra les acheteurs floués et les invite à faire une demande de dédommagement pour fraude au Fonds d’indemnisation du courtage immobilier (FICI). La compensation financière maximale s’élève à 100 000 $.

Mackenson Latour et sa femme Marie Magdala Azar ont appris à l’aide de documents obtenus par La Presse qu’ils avaient payé leur maison 40 000 $ trop cher en raison d’un stratagème orchestré par Mme Girouard et M. Dauphinais-Fortin.

Si des gens ont été témoins de ce type de stratagème de la part de Mme Girouard ou d’autres courtiers, l’OACIQ les encourage à leur fournir des informations. Tout est confidentiel, rappelle l’organisme.

RE/MAX Québec « entend collaborer entièrement avec les autorités dans le cadre de toute éventuelle enquête », a déclaré l'enseigne.

« Ce cas-là, moi, je ne l’ai jamais vu, je n’en ai jamais entendu parler, assure en entrevue Marc Lacasse, courtier et président de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). Et je vous le confirme, il n’y a aucune entente de confidentialité qui m’empêcherait d’appeler l’OACIQ et de dénoncer un collègue qui fait ça. »

« On dénonce ces situations-là, parce qu’on travaille fort pour maintenir et améliorer la réputation des courtiers », souligne le président.

Faire des offres bidon contrevient à l’article 380 du Code criminel. Les personnes impliquées dans le stratagème pourraient être accusées de fabrication de faux et usage de faux, selon des spécialistes du droit consultés par La Presse.

Est-ce que les courtiers sont au courant que faire des offres bidon est criminel ? s’est enquise La Presse auprès de l’Association. « Je ne pense pas. J’ai été le premier surpris en lisant votre article », explique Marc Lacasse, qui souligne que l’APCIQ fait actuellement circuler l’information à tous ses membres.

« C’est devenu un Far West »

Appelés à commenter le dossier, les trois partis de l’opposition à Québec ont souligné l’enjeu d’accès à la propriété qui est exacerbé par le type de malversations mis au jour par La Presse.

« C’est encore une fois la preuve qu’avec le contexte de crise du logement non seulement dans le secteur locatif, mais aussi dans le secteur de l’accès à la propriété, c’est devenu un Far West, explique en entrevue le député Andrés Fontecilla, porte-parole en matière d’habitation de Québec solidaire. La réglementation et nos mécanismes actuels ne suffisent pas à enrayer une spirale spéculative qui nuit grandement à l’abordabilité d’une propriété. »

Déjà en 2021, Québec solidaire avait fait la proposition de rendre les offres d’achat transparentes pour contrer la surenchère. Andrés Fontecilla indique que d’enlever l’opacité qui entoure les transactions permettrait aux acheteurs de faire des offres en connaissance de cause. « Surtout dans le jeu des contre-offres, c’est là que ça se joue. »

« Les agissements de cette courtière immobilière doivent nécessairement inciter le gouvernement à agir pour mieux protéger la population », soutient de son côté le député Joël Arseneau, porte-parole du Parti québécois en matière d’habitation.

« On peut d’ailleurs se demander s’il s’agit d’un fait isolé, poursuit-il. Une vérification diligente nous apparaît nécessaire pour circonscrire le problème et éviter que de tels abus ne se reproduisent. Encore une fois, on a un exemple concret des impacts réels pour la population qu’a la crise de l’habitation. »

La députée Virginie Dufour, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d’habitation, affirme qu’on lui a déjà fait part de cas d’offres bidon. Or, la députée n’est pas certaine que rendre les transactions plus transparentes aiderait les consommateurs à y voir plus clair.

« Même si les informations étaient accessibles, est-ce que ce serait vraiment la vraie information ? Les gens qui veulent frauder trouveraient quand même le moyen de frauder », soutient-elle en précisant que l’OACIQ doit aller au-delà de la révocation du permis du courtier et imposer des sanctions financières dissuasives.