Le week-end dernier, nous avons présenté un guide pour y voir plus clair dans son prêt hypothécaire, avec la hausse des taux d’intérêt qui peuvent causer bien des soucis. Des propriétaires racontent maintenant leurs réalités et, surtout, dévoilent leurs trucs pour traverser cet automne trouble sans déprimer.

Consultez l’article « L’inquiétude hypothécaire en 10 questions »

Se concentrer sur l’essentiel

INFOGRAPHIE JULIEN CHUNG, LA PRESSE

Stéphanie

  • A acheté une fermette dans le Centre-du-Québec avec son conjoint, alors que les taux hypothécaires étaient imbattables.
  • Le taux à la signature a augmenté de plus de deux fois et demie depuis l’achat.
  • Sa solution pour passer au travers : adopter un style de vie plus frugal et négocier ses paiements fixes avec les fournisseurs.

Je ne sais pas comment les gens vont faire. Je suis inquiète, mais la première étape est de rester calme et de relativiser.

Stéphanie Guilbault

Stéphanie Guilbault a fait ses premiers calculs lorsque son conjoint et elle se sont retrouvés contraints de laisser leur logement, dans Lanaudière.

Avec le prix des loyers, elle s’est dit qu’il serait, finalement, peut-être plus économique d’acheter une propriété.

Comme elle venait d’accepter un poste en télétravail, elle a fait le grand saut : fermette à la campagne, grange, vie de village au Centre-du-Québec. Le forfait complet.

« Mon voisin le plus près est à 2 kilomètres ! On a la paix ! »

La visite à la banque s’est déroulée à merveille : on lui propose un emprunt hypothécaire avec un taux de 1,87 %.

C’était il y a 12 mois.

Le couple doit maintenant payer 4,89 %, ce qui a fait grimper les paiements mensuels de plus de 350 $.

« C’est loin d’être banal », dit Stéphanie, qui est pleinement consciente que ce n’est pas la dernière hausse.

« À 2,39 %, j’ai appelé mon banquier. Je n’étais pas en panique, mais je voulais savoir quoi faire », raconte la nouvelle propriétaire, à qui on a conseillé d’attendre que les taux, et ses paiements, redescendent.

Sauf qu’il fallait réussir à boucler le budget durant ce temps-là.

Exit le resto. Le vin a été réduit de moitié. Par contre, il a fallu racheter une souffleuse, indispensable l’hiver quand on a grand à déneiger.

« Je me concentre sur l’essentiel », dit Stéphanie qui se lance dans une énumération de petits bonheurs.

Des marches dans le bois ou au parc quand le temps manque. Jeux de société et musique en famille, soirées Netflix.

Cet été, on est allés visiter un champ de canneberges. On est allés à Victoriaville. On reste dans le coin.

Stéphanie Guilbault

Quand le budget coince, Stéphanie Guilbault fait des gestes pour réduire les dépenses qui peuvent l’être, ou simplement aménagées. Elle s’est entendue avec Hydro-Québec pour une répartition de ses paiements qui l’avantage. Elle compte faire le tour de ses dépenses fixes, comme les assurances.

Il faut rester calme, dit-elle, pour éviter de prendre des décisions précipitées que l’on pourrait regretter.

Son conseil : parlez à vos proches de vos soucis financiers.

« Les gens n’osent pas, dit-elle. On est gêné de parler d’argent. »

Travailler plus, dépenser moins

INFOGRAPHIE JULIEN CHUNG, LA PRESSE

Marie-Christine

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Marie-Christine Veilleux

  • Vit avec ses filles dans son condo de Boucherville, acheté en janvier 2022
  • Ses paiements hypothécaires mensuels ont bondi depuis l’achat, une hausse autour de 30 %
  • Sa solution pour passer au travers : a trouvé un deuxième boulot et a ressorti son livre de recettes végés !

Les petits contrats vont me donner les revenus supplémentaires qu’il me faut pour arriver moins serré.

Marie-Christine Veilleux

Marie-Christine Veilleux a aussi été tentée par une hypothèque à taux variable à l’achat de son condo.

Moins d’un an après la signature des papiers, elle doit trouver un petit boulot complémentaire pour boucler son budget puisque ses paiements ont augmenté du tiers.

Découragée ? Un peu, mais pas assez pour attendre que la tempête passe, les bras croisés.

Elle ajoute donc du temps de travail le soir et les week-ends.

J’ai décidé d’être proactive. J’ai deux filles, je ne peux pas réduire les dépenses des enfants ou d’épicerie.

Marie-Christine Veilleux

Pas faire de coupes dans l’épicerie, certes, mais Marie-Christine a adapté les soupers de famille qui sont passés au végé.

« J’ai décidé de réduire la viande », dit-elle, avec en tête ce souci d’économie.

Autre moyen de transformer cette mauvaise passe financière en quelque chose de positif : la réduction obligée des dépenses est devenue prétexte pour de l’éducation financière familiale.

« Les filles doivent comprendre pourquoi on fait maintenant des choix et pourquoi je leur dis non quand on se trouve à côté des caisses, au magasin, explique Marie-Christine. Elles sont assez vieilles pour comprendre. Elles savent qu’il va y avoir moins de cadeaux à Noël cette année. »

Malgré ces actions pour réduire la pression, ultimement, oui, le stress s’est installé.

« C’est très anxiogène, tout ça, dit-elle, mais je relativise : ça n’est pas la fin du monde. »

Ne pas céder à la panique

INFOGRAPHIE JULIEN CHUNG, LA PRESSE

Jean-François

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Jean-François Brien

  • Propriétaire d’un condo acheté en 2021 à Montréal
  • Le taux d’intérêt de son prêt hypothécaire a triplé depuis son achat
  • Sa solution pour passer au travers : faire une étude globale de sa situation financière, ce qui l’a mené à consolider ses dettes

Je vis seul et absorber cette hausse avec un salaire n’est pas évident. Jamais je n’aurais cru que mon paiement puisse augmenter autant !

Jean-François Brien

Jean-François Brien, début quarantaine, a mis la main sur son premier condo dans le tourbillon immobilier de 2021.

Les prix à l’achat étaient hauts, mais les taux d’intérêt, bas.

Une circonstance exceptionnelle a fait en sorte que, pour lui, c’était le bon moment pour (enfin !) accéder à la propriété.

Après trois semaines de recherches, Jean-François trouve l’appartement qui lui convient, dans Ville-Marie, à la limite du Plateau Mont-Royal.

« Ça faisait longtemps que je voulais acheter, mais seul, c’est plus difficile », concède-t-il.

L’excellente nouvelle : il obtient son condo sans surenchère.

Il contracte une hypothèque à taux variable avec en main un taux d’intérêt très bas.

Le vent a tourné depuis et ses paiements hypothécaires ont augmenté de plus de 200 $ toutes les deux semaines. Énorme pour un propriétaire seul.

Première chose à faire, conseille-t-il : consulter son courtier hypothécaire pour éviter de céder à la panique.

Je reste positif. Sur la période de cinq ans de mon hypothèque, mon taux moyen sera probablement encore plus avantageux qu’un taux fixe. Je dois seulement accepter de vivre avec les fluctuations de mon paiement.

Jean-François Brien

Et faire des aménagements dans son budget.

Exit les vacances pour lui cette année.

Par contre, le nouveau propriétaire avait pris soin de faire le ménage de ses finances au moment de son achat.

Ça lui a permis de consolider ses dettes en un seul paiement. Aujourd’hui, ce petit ménage lui procure une certaine paix d’esprit, ne serait-ce qu’en évitant d’avoir plusieurs paiements qui pèsent plus lourd sur le portefeuille et sur l’esprit.

L’autre petit soulagement lui provient de ses proches qui sont là, s’il devait y avoir des imprévus, et à qui il a fait part de ses soucis hypothécaires. Car, pour le moment, impossible de se construire un coussin de sécurité en marge du reste.

« On m’avait dit que ça coûtait cher d’être propriétaire parce qu’il y avait toujours des imprévus, raconte Jean-François Brien. Mais là, ça n’est pas un frigo qui brise, c’est la hausse des paiements qui est devenue l’imprévu. »

Cerise sur le gâteau, ce bond de plus de 30 % de son évaluation foncière qui lui fait craindre une augmentation de taxes municipales l’année prochaine.

En dernier recours, il envisage de mettre une pancarte devant ce condo qu’il désirait tant.

« Pour l’instant, je ne crois pas devoir vendre, mais je peux comprendre que certains ménages doivent le faire. »

Quiétude perturbée

INFOGRAPHIE JULIEN CHUNG, LA PRESSE

Josée

  • A acheté un condo dans les Cantons-de-l’Est en 2020 et veut s’y installer à temps plein
  • Doit vendre sa résidence principale alors que le marché est au ralenti
  • Sa solution pour passer au travers : envisage de louer sa résidence principale

Nous verrons, dans quelques années, le problème de l’inflation se déplacer vers les locataires qui paieront beaucoup trop cher pour leur logement…

Josée Blanchette

Le plan de Josée Blanchette était simple : achat d’un nouveau condo sur plan à l’été 2020, qu’elle devait habiter l’année suivante. À Bromont, directement sur les pentes.

Avec le télétravail, cette professionnelle de la santé, qui donne maintenant beaucoup de formation, pouvait s’installer en nature. La grande paix.

Sauf que…

Plusieurs éléments sont venus perturber cette quiétude. À commencer par des retards dans la livraison du condo qu’elle attend toujours. La livraison initiale était prévue à l’automne 2021.

Ajoutez à cela une première hausse de la facture, assez élevée, mais présentée comme une amélioration de la structure de la bâtisse. Et une seconde, attribuée à la hausse du prix des matériaux due à la guerre en Ukraine, mais qui a été refusée par les nouveaux propriétaires.

Et ça n’est pas tout : Josée doit vendre sa résidence principale à Saint-Lambert dans un marché qui tourne au ralenti. La vente de ce condo de la Rive-Sud était au cœur de sa planification financière dès le départ.

« J’aurais pu bénéficier de toute cette effervescence qu’il y a eu, mais ça ne me tentait pas de déménager deux fois et de louer un entrepôt, dit-elle. J’avais confiance dans le fait de vendre, je n’avais pas connu de périodes d’incertitude comme celle qu’on vit actuellement. »

« Je vis du découragement et de la frustration, confie-t-elle. De la peur aussi. Je me demande ce que je vais faire si je ne réussis pas à vendre mon condo [de Saint-Lambert] parce que j’utilisais cette mise de fonds pour diminuer l’hypothèque de l’autre. »

En ce début novembre, l’ambiance financière est morose. La valeur des placements descend. Ça n’est pas une bonne idée de vendre maintenant, dit-elle.

Pour Josée, la solution sera peut-être de louer le condo plutôt que de le vendre, si c’est possible.

Bref, beaucoup de pression imprévue.

C’est toute la notion de contrôle qui est affectée. On a besoin d’autonomie, de maîtrise, et là, c’est entre les mains de la Banque du Canada !

Josée Blanchette

Si tout le monde faisait sa part en réduisant simplement certaines dépenses, ça donnerait un coup de main pour réduire naturellement l’inflation, estime Josée Blanchette, qui propose d’oublier les cadeaux de Noël et de changer le menu du réveillon cette année.

« Modifions le repas de Noël, mangeons des pâtes. Pourquoi pas ! »

La motion a été rejetée dans sa propre famille…

Toutes les dépenses remises en question

INFOGRAPHIE JULIEN CHUNG, LA PRESSE

Leila

  • Est devenue propriétaire seule d’une maison à Laval qu’elle habite avec sa fille
  • Avait obtenu un taux imbattable à la signature de son hypothèque, il y a deux ans, lequel a plus que triplé
  • Sa solution pour passer au travers : a décidé de consacrer l’entièreté de ses paiements hypothécaires aux intérêts, en attendant que les choses se calment

J’espère bien ne pas perdre ma maison si je ne pouvais plus faire mes paiements d’hypothèque, surtout après avoir attendu plusieurs années pour finalement être propriétaire.

Leila

« C’est sûr que l’augmentation des taux d’intérêt depuis les derniers mois a été très inquiétante pour moi, en tant que mère seule », indique Leila qui a acheté une maison à Laval en septembre 2020.

Pour Leila et sa fille, cette maison est plus que quatre murs et un toit. C’est synonyme de fierté, de liberté et de sécurité.

Après sa vie de locataire, Leila a décidé de faire le saut vers la vie de propriétaire, mais un saut qui lui permettait de se rapprocher de sa famille, son soutien.

Son père l’a aidée à faire les rénovations pour donner l’amour qu’il manquait à son refuge.

La jeune maman a alors signé son hypothèque au taux imbattable de 1,5 %. Il est passé à plus de 5 % maintenant.

« Mes paiements ne couvrent même plus les intérêts et j’ai reçu un appel de ma banque pour m’aviser que je suis en amortissement négatif. On me demandait d’augmenter mes paiements mensuels », raconte Leila.

La banque lui a aussi offert de transférer à une hypothèque à taux fixe. « C’était 1 % plus élevé que ce que je payais déjà ! », lance Leila qui a alors refait ses calculs, avec les dernières données en main.

Sa conclusion : elle ne peut que payer les intérêts pour l’instant, même en augmentant ses versements d’autour de 10 %.

Cette hausse imprévue emporte avec elle les cours de ski de la petite planifiés pour l’hiver prochain.

Leila remet désormais en question toutes ses dépenses. Elle a emprunté des meubles à ses parents plutôt que d’en acheter. Elle économise dès que c’est possible de le faire.

Ça n’est pas une mauvaise chose de remettre ses dépenses en question, mais le faire tous les jours, ça reste présent dans ta tête tout le temps.

Leila

Ce qui l’inquiète le plus est de ne pas pouvoir faire face aux imprévus, s’il y en avait, car elle n’a plus de capacité d’épargne. Elle a décidé de garder sa voiture plus longtemps, mais s’il y avait des réparations, ça serait difficile à assumer.

« Si j’étais malade et que je me mettais en arrêt de travail, ça deviendrait vraiment difficile. »