À la veille de l’Halloween, le spectre de l’hypothèque peut venir vous hanter. Surtout si votre contrat est à taux variable, si c’est le moment de le renouveler ou de signer un prêt hypothécaire pour la toute première fois. Pour ne pas en faire des cauchemars, voici des réponses à 10 questions simples et pratiques.

Que faire ?

Mon hypothèque est à taux variable, quelles sont mes options ?

Si c’est votre cas, vous ressentez déjà l’effet de la hausse des taux d’intérêt. Surtout si vous faites des paiements variables, c’est-à-dire qui s’adaptent aux hausses du taux directeur de la Banque du Canada qui vient de faire un nouveau bond vers le haut.

Si vous avez une hypothèque avec un taux variable, mais des paiements fixes, la part de votre versement mensuel consacrée aux intérêts a augmenté ces derniers mois.

Vous ne vous en êtes pas rendu compte ?

Vous allez peut-être avoir une surprise si vous atteignez ce qu’on appelle dans le jargon financier « le point de déclenchement », où tout l’argent versé pour le paiement hypothécaire sert à payer les intérêts du prêt.

Certains propriétaires commencent d’ailleurs à recevoir des appels de leur banque leur demandant d’ajuster leurs paiements.

Que faire si je ne peux pas hausser mes paiements mensuels ?

« Allez rencontrer votre banquier pour trouver des stratégies avant de commencer à avoir des retards de paiement au bureau de crédit, que ça soit pour l’hypothèque ou les autres prêts », dit Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine à la Banque Laurentienne.

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Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine à la Banque Laurentienne

Selon ce planificateur financier, un paquet de stratégies peut être mis en place, dont celles de rallonger l’amortissement ou de consolider les dettes dans l’hypothèque.

Les gens, dit-il, attendent souvent trop longtemps avant de consulter un expert en finances. Parce qu’ils croient pouvoir s’en sortir ou parce qu’ils croient qu’ils n’y arriveront pas.

Les gens qui ont leur maison depuis quelques années vont avoir plus d’outils dans leur coffre que ceux qui viennent d’acheter.

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine à la Banque Laurentienne

La saisie existe toujours, mais elle est rare et il s’agit du dernier recours.

Comment peut-on se retrouver avec une maison qu’on n’a plus les moyens de payer ?

Lorsque les institutions acceptent de prêter de l’argent, elles calculent le risque. Ce taux de qualification est le potentiel de payer de l’emprunteur, même s’il y a des hausses de taux d’intérêt et de paiements.

On calcule normalement la capacité de payer de 2 % ou 3 % au-dessus du taux en vigueur, soit au-dessus de ce que l’emprunteur va payer, explique Pierre-Raphaël Comeau, de la Banque Laurentienne. « Cependant, dit-il, depuis le mois de mars, les taux ont augmenté de 3,25 %. Quelqu’un qui passait juste va être plus vulnérable. »

Est-ce que je devrais allonger ma période de remboursement et garder les mêmes paiements ?

« Si votre choix est d’étirer vos paiements ou de perdre votre maison, la décision est facile à prendre », lance Serge Lafrenière, président du cabinet de courtage Performance hypothécaire.

Selon lui, un propriétaire qui doit allonger la durée de son prêt ne doit pas paniquer, car la tempête actuelle ne durera plus très longtemps.

« Dans deux ans, il pourra réévaluer la situation », dit Serge Lafrenière.

Son conseil : quelqu’un qui a ajusté son budget autour de nouveaux versements hypothécaires (plus élevés) pourrait les conserver une fois les taux redescendus et réduire sa période d’amortissement. De toute façon, les termes de l’hypothèque devront être renouvelés.

Est-ce grave si je dois allonger les paiements plus loin que ma retraite prévue ?

« La retraite évolue », dit Pierre-Raphaël Comeau.

« Un bon plan de retraite, c’est vivant, poursuit ce planificateur financier. Ça doit être adapté aux conditions en cours. Et si les dépenses manquent d’air présentement, rallongez la période d’amortissement. On ajustera la date de la retraite. Planifier, c’est avoir le luxe de faire des choix. C’est choisir plutôt que subir. »

Qui sera le plus touché par ces hausses ?

« Les gens les plus mal pris présentement sont ceux qui ont acheté dans les 18 derniers mois », estime Pierre-Raphaël Comeau, de la Banque Laurentienne.

Au plus fort de la pandémie, le télétravail était à son apogée, comme les prix des propriétés. Les prêts étaient accessibles grâce à de bas taux d’intérêt.

« Ces gens ont pris une hypothèque à taux variable pour avoir la plus grosse maison possible avec des plus petits paiements possibles », estime M. Comeau.

Un client m’a déjà dit : “On s’adapte quand les revenus montent et on s’adapte quand ils baissent.” Dans ce cas-ci, c’est l’inverse. Ce sont les paiements qui montent. La majorité des gens vont s’adapter, vont changer des comportements, réduire le restaurant, changer ce qu’ils achètent à l’épicerie.

Dominic Claude, banquier privé chez Desjardins Gestion de patrimoine

Les gens de la classe moyenne et les moins nantis vont évidemment être plus touchés par les hausses, rappelle le courtier hypothécaire Serge Lafrenière. « Une hausse de 2 %, c’est très important », dit-il.

À titre d’exemple, Serge Lafrenière rappelle qu’un taux fixe de 2 ans qui est à 5,64 % actuellement était à 3,09 % en avril dernier.

Les gens qui renouvellent leur hypothèque seront les plus touchés, dit-il, car cette hausse aura un effet immédiat sur leur budget.

Selon lui, à l’inverse, les gens aisés ne devraient pas être trop importunés par cette hausse momentanée des taux d’intérêt.

« Je dis souvent que certaines personnes ont plus peur de la fin du monde que de la fin du mois », image Serge Lafrenière pour expliquer à quel point la situation actuelle touche différemment les uns et les autres, principalement selon les revenus.

Changer maintenant ?

Est-ce que je peux changer mon hypothèque en cours de contrat ?

C’est possible, mais pas idéal, explique Dominic Claude, banquier privé chez Desjardins Gestion de patrimoine.

Normalement, le taux variable est plus payant sur une période de cinq ans, dit-il. Mais nous sommes dans une situation inverse : ceux qui ont contracté une hypothèque à taux fixe alors que les taux étaient à moins de 2 % sont gagnants.

Résultat : « Depuis le début de l’année, beaucoup de gens viennent nous voir pour convertir des taux variables en taux fixes. »

La plupart changent d’idée lorsqu’ils réalisent que leurs nouveaux paiements seraient calculés avec le taux en cours, plus élevé.

Et c’est tant mieux, puisqu’il n’y a pas de pénalités lorsque l’on passe d’un taux variable à un taux fixe, alors que des pénalités s’appliquent quand on fait le chemin inverse, dit Dominic Claude.

Le banquier le déconseille aussi pour une autre raison, plus comportementale. Quelqu’un qui ferait ce mouvement pour se sécuriser maintenant serait tenté de retourner à un taux variable quand les taux vont rebaisser.

« Il voudra être certain de ne pas manquer le bateau, mais quand la tempête est là, la tempête est là, dit Dominic Claude. Ça n’est pas toujours le meilleur choix de changer de navire à ce moment-là. »

Je suis sur le point de contracter une nouvelle hypothèque. Que faire ?

Ne pas prendre un taux fixe de cinq ans, conseille avec conviction le courtier Serge Lafrenière. Selon lui, mieux vaut opter pour un taux variable à court terme et fixer son taux quand ça fera notre affaire, si ça fait notre affaire.

Même sans avoir une boule de cristal, on sait que les taux vont redescendre dans un an, un an et demi.

Serge Lafrenière, président du cabinet de courtage Performance hypothécaire

Chaque situation est unique et la tolérance au risque varie d’une personne à l’autre. « C’est toujours la première question que l’on pose à un client », explique Philippe Simard, directeur hypothécaire au Québec à Ratehub.ca.

La recommandation sera alors adaptée selon la personnalité de l’emprunteur. Toutefois, Philippe Simard penche lui aussi vers des taux variables.

Particulièrement depuis quelques jours, depuis cette dernière hausse du taux directeur. « La prédiction de la Banque selon laquelle l’inflation descendra à 3 % d’ici la fin de 2023 rend un taux variable plus attrayant, car lorsque l’inflation diminue, la Banque pourrait décider de baisser les taux, ce qui réduirait l’hypothèque à taux variable. »

Est-ce que les gens plus craintifs devraient opter pour des taux fixes ?

« En général, oui, mais pas maintenant », estime la courtière Véronique Beaudin, qui travaille pour Planiprêt dans la région de Rimouski.

Véronique Beaudin assure que le meilleur remède contre le stress financier causé par la hausse des taux d’intérêt est l’éducation. « Oui, les gens sont plus nerveux, mais on arrive à les rassurer en leur expliquant la situation. » Résultat : plusieurs opteront pour un taux variable, sur deux ou trois ans, dit-elle.

Si le stress financier est trop intense, le courtier Serge Lafrenière conseille alors de prendre une hypothèque de courte durée à taux fixe et de profiter de ce répit pour mieux comprendre l’état de ses finances pour ensuite renégocier son taux, une fois le gros de la tempête passé.

Plusieurs décident plutôt de retarder leur achat, ce qui mène au ralentissement du marché.

« Beaucoup de personnes qui étaient dans le processus de recherche de maison font une pause, relate la courtière hypothécaire Véronique Beaudin. Ceux qui décident d’acheter maintenant le font beaucoup parce qu’ils sont mal pris. Ceux qui ont le choix vont préférer attendre, surtout que tout le monde leur dit que le prix des maisons va baisser. »

Mon hypothèque est à taux fixe, est-ce que je peux être proactif ?

« Faites-vous une simulation. Regardez ce que seraient vos paiements à 5 % ou 6 % et mettez l’argent de côté ou, encore mieux, augmentez votre paiement d’hypothèque dès maintenant », dit Dominic Claude, de Desjardins Gestion de Patrimoine.

« Tout ce qui va avoir été appliqué sur l’hypothèque est de la dette de moins à l’échéance », dit-il.