Le déclin prévisible d’Énergir fait des remous depuis un certain temps déjà chez les consommateurs industriels de gaz naturel, qui sont inquiets de voir leur facture exploser.

« Inquiets, vous dites ? Vous n’imaginez même pas ! », s’exclame Nazim Seeba, vice-président de l’Association des consommateurs industriels de gaz naturel (ACIG). L’ACIG a peu de membres au Québec, mais ce sont de gros canons, comme RioTinto, Parachem, ArcelorMittal.

Ces entreprises consomment la moitié du volume total de gaz naturel qui passe par le réseau d’Énergir. L’autre moitié est consommée dans le secteur résidentiel et commercial, où une réduction du volume de 50 % est prévue par la direction du distributeur.

Comme les tarifs sont fixés par la Régie de l’énergie en fonction du volume de gaz transporté, la réduction de la consommation résidentielle et commerciale entraîne automatiquement une hausse de tarifs pour les autres clients d’Énergir, dont les industriels.

La spirale de la mort

C’est la spirale de la mort pour un réseau gazier, dit Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire en énergie de HEC Montréal, parce que les quelques grands clients industriels qui restent ne seront pas en mesure de soutenir ces tarifs plus élevés.

On sait qu’on ne pourra pas se passer de gaz pour encore 40 à 50 ans. On sait aussi qu’on ne peut pas s’approvisionner ailleurs parce qu’Énergir a le monopole de la distribution au Québec.

Nazim Seeba, vice-président de l’Association des consommateurs industriels de gaz naturel

La solution passe nécessairement par une refonte de la tarification basée sur le volume, selon lui. « Il faut que la tarification change, dit Nazim Seeba, mais il faudra une somme de solutions. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Outre les grands clients industriels, des quartiers entiers se développent en comptant sur le gaz naturel.

La récente décision de l’Ontario Energy Board, qui empêchera les transporteurs et les distributeurs de gaz d’amortir le coût de leurs prolongements de réseaux sur plusieurs années, est un élément déterminant qui change tout pour toute l’industrie, estime le porte-parole.

Selon lui, Énergir comprend que son réseau a une date d’expiration et essaie de reporter cette date avec une stratégie qui mise sur le gaz naturel renouvelable et sa contribution au réseau d’Hydro-Québec en période de pointe.

Pour les grands industriels, ce qui compte est de maintenir un réseau gazier et un coût du gaz concurrentiel.

À qui refiler la facture ?

Comme les autres distributeurs, Énergir devra vraisemblablement radier une partie de ses actifs, selon Nazim Seeba. « Et à qui refiler la facture ? demande-t-il. À ses actionnaires, au gouvernement, à l’ensemble de la société ? C’est la question à plusieurs milliards de dollars. »

Le professeur Pierre-Olivier Pineau croit qu’il est dans l’intérêt du Québec de sauver Énergir, à cause des industries qui en dépendent et pour lesquelles il n’y a pas d’électrification envisageable à court et à moyen terme. « Si ces industries déménagent en Ontario ou aux États-Unis, le Québec a perdu et la planète n’a pas gagné. »