(Mexico) « Nos clients nous ont demandé de venir ici. GM, qui a trois usines de construction de véhicules au pays, nous a dit : si vous voulez continuer à être notre fournisseur, vous allez devoir vous installer au Mexique. »

Cet ultimatum, Exo-S, dont le siège social est situé à Sherbrooke, ne pouvait l’ignorer. L’entreprise spécialisée dans la fabrication de conduits en plastique pour les systèmes de ventilation, de chauffage et de refroidissement des véhicules compte actuellement cinq usines, deux au Québec, deux aux États-Unis et une à San Juan del Rio, dans l’État de Querétaro au Mexique.

Attablé dans la cour intérieure d’un restaurant du quartier San Angel dans la capitale mexicaine, François Ouellet, directeur général d’Exo-S Mexico, explique que, pour l’entreprise, venir s’établir plus au sud il y a 10 ans était devenu une nécessité pour conserver ses clients et en faire croître le nombre. L’idée n’était pas de déplacer la production du Québec vers le Sud, mais simplement d’accentuer sa présence dans le Mexique voisin (vecino) tout en demeurant dans la Belle Province.

« Comme on fait des pièces de plastique, il faut normalement être près physiquement du lieu de fabrication des véhicules. » Les grands acteurs de l’industrie automobile comme GM, Stellantis, Ford, Nissan, Toyota, Volkswagen, Kia, Honda, Mazda, Hyundai, BMW et Audi ont tous des usines dans le troisième pays d’Amérique du Nord.

Le Québécois, qui a adopté le Mexique il y a 24 ans, souligne que cette proximité permet d’épargner des coûts de transport « qui sont souvent plus chers que la pièce elle-même ».

« Fabriquer une pièce de plastique au Québec et l’envoyer au Mexique, ça n’a carrément pas de bon sens parce qu’on doit passer la frontière américaine, puis la frontière mexicaine », illustre-t-il en sirotant son café.

Dans un monde idéal, mieux vaut se situer dans un rayon de 300 à 400 km de distance des constructeurs automobiles, l’équivalent d’une journée de transport, pas plus.

Et cette décision de s’implanter en terre mexicaine semble avoir été la bonne stratégie à adopter pour Exo-S. Le fabricant a vu son nombre d’employés travaillant à l’usine de San Juan del Rio passer de 135 à 400. « On a multiplié les ventes par 10 », ajoute M. Ouellet, sans toutefois donner de chiffres plus précis.

PHOTO FOURNIE PAR EXO-S

Installée à San Juan del Rio, l’usine du Mexique est passée de 135 à 400 employés.

Selon Stéphanie Allard-Gomez, déléguée générale du Québec à Mexico depuis 2017, le pays est devenu en quelque sorte une destination « incontournable » pour les entreprises d’ici qui veulent se rapprocher de « la chaîne de valeur ».

« Elles viennent s’établir ici, et ça leur permet de se rapprocher d’autres donneurs d’ordres qui ne sont pas nécessairement québécois. »

En 2023, il y a eu 36 milliards US investis au Mexique, c’était la plus grande année d’investissement étranger depuis 1995. On est dans un contexte de nearshoring, ajoute-t-elle. On se rapproche de nos clients. On se rapproche de nos fournisseurs.

Stéphanie Allard-Gomez, déléguée générale du Québec à Mexico

« Pour les entreprises du Québec, c’est une très belle opportunité, soutient Mme Allard-Gomez. L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) prévoit une augmentation progressive de [la proportion de pièces d’une voiture devant être fabriquées en Amérique du Nord]. On était 62,5 % et on passe à 75 % du contenu d’un véhicule qui doit être fabriqué en Amérique du Nord pour être considéré comme étant fabriqué en Amérique du Nord dans le cadre de l’Accord de libre-échange et être revendu avec une exemption de douane. »

Les constructeurs automobiles sont donc à la recherche de fournisseurs nord-américains.

D’autres défis

Cette ruée vers le Sud vient avec son lot de défis. En plus de la main-d’œuvre spécialisée (voir autre texte), l’eau et les terrains commencent aussi à se faire de plus en plus rares.

La déléguée générale du Québec à Mexico parle même d’un stress hydrique et énergétique notamment causé par la mise en place de mégaprojets comme le Train maya qui traverse la péninsule du Yucatán et la raffinerie Dos Bocas. « Il y a des régions où l’approvisionnement est plus difficile à maintenir. Il faut faire des ententes, souligne-t-elle. Ça fait partie des enjeux auxquels les entreprises qui viennent s’installer ici doivent faire face. Le choix du site est l’un des éléments les plus importants. »

Les espaces disponibles pour élire domicile se font également plus rares… et plus chers. « On a vu une carte du Mexique avec le prix, par mètre carré, des espaces industriels. Il y a une grande disparité de coûts, ça coûte plus cher si le terrain est collé sur la frontière américaine. Le prix a augmenté et il y a des endroits où il n’y a plus de terrains disponibles. »

Malgré tout, Stéphanie Allard-Gomez croit que les occasions favorables pour les entreprises québécoises sont énormes. « Le nombre d’entreprises québécoises qui ont du succès sur le marché mexicain et qui sont présentes sur le territoire a augmenté de façon exponentielle depuis la fin de la pandémie. On est concurrentiels, on est bons, on n’est pas loin. »

Quelques chiffres

475 milliards

Montant en dollars américains des exportations mexicaines vers les États-Unis en 2023, surpassant pour la première fois celles de la Chine.

41 %

C’est l’augmentation des investissements directs étrangers (IDE) durant la première moitié de 2023 comparativement à l’entièreté de 2022. Elle s’explique notamment par la relocalisation de la production des entreprises chinoises au Mexique.

130 millions

Nombre d’habitants au Mexique

3,8 millions

Nombre de voitures produites au Mexique en 2023

Source : Investissement Québec