« Dans nos dossiers, on a besoin de comptables, de planificateurs financiers, de fiscalistes, de psychologues, d’évaluateurs agréés, note Me Josée Tremblay. On a besoin souvent de professionnels pour venir établir des valeurs ou donner un point de vue expert sur une situation. »

En litige, chaque partie fait souvent intervenir son propre expert, qui pourra avoir un avis divergent de celui d’en face. Ceux appelés à intervenir dans un dossier de droit collaboratif reçoivent un mandat donné par les deux parties.

« En droit collaboratif, on a besoin d’experts conjoints qui vont avoir une certaine sensibilité à la situation d’une séparation pour être en mesure de livrer leurs propos en tenant compte des préoccupations et des sensibilités de l’un et de l’autre », résume l’avocate.

Et les experts, que pensent-ils du droit collaboratif ?

Deux expertes

La planificatrice financière Nathalie Bachand et la notaire Guylaine Lafleur, du cabinet Bachand Lafleur Groupe conseil, sont intervenues toutes les deux – et quelques fois ensemble – comme témoins experts lors de litiges.

« On l’a fait aussi dans des contextes de médiation », rappelle Nathalie Bachand, en conférence téléphonique.

Guylaine Lafleur a également participé à des conférences de règlement à l’amiable (CRA) devant juge, une démarche « quand même judiciarisée, mais où il y a un peu de tordage de bras par le juge pour qu’on arrive à une entente avant de passer devant le tribunal », décrit la notaire.

Or, « le droit collaboratif, c’est pour éviter de judiciariser » le différend, souligne-t-elle.

La planificatrice et la notaire voient d’un œil très favorable cette démarche avec laquelle elles n’ont été familiarisées que récemment.

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Guylaine Lafleur, notaire du cabinet Bachand Lafleur Groupe conseil

Je le vois comme un engagement de la part des parties et des avocats à négocier et travailler de façon à ce qu’on obtienne une solution qui soit correcte pour tous.

Guylaine Lafleur, notaire

« On obtient du conseil juridique qu’on n’a pas en médiation », ajoute Nathalie Bachand.

Mais rien n’est parfait.

Glissade sur le serpent

« L’inconvénient, c’est que si ça ne marche pas, c’est retour à la case départ », observe la planificatrice.

« Par contre, les parties vont quand même avoir été sensibilisées aux enjeux de leur dossier, fait valoir sa collègue. Tu ne retournes pas à la case 1 du jeu de serpents et échelles, mais tu recules. Tu vas avoir payé des honoraires, mais finalement, il n’y a pas de règlement et ça va se judiciariser quand même. »

Ce n’est pas une solution universelle ni un remède à tous les maux conjugaux. Il faut un minimum de bonne volonté de part et d’autre. Mais avec cette prémisse, l’intervention d’un expert peut être plus fructueuse en droit collaboratif qu’en contexte de litige.

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Nathalie Bachand, planificatrice financière du cabinet Bachand Lafleur Groupe conseil

Ça vient idéalement avec un seul expert, ce qui fait en sorte qu’il n’y a pas de batailles d’experts sur des futilités.

Nathalie Bachand, planificatrice financière

Guylaine Lafleur donne l’exemple d’un litige où elle est intervenue à titre d’experte. Elle a déposé au tribunal un rapport auquel une des parties a opposé quatre jours plus tard une contre-expertise mal fondée. Guylaine Lafleur et Nathalie Bachand ont travaillé tout le week-end suivant pour démonter son argumentaire.

« Ça a coûté une fortune en honoraires d’experts, indique la notaire. Notre but, ce n’est pas d’avoir gain de cause sur l’autre. Notre but, c’est de faire une bonne job et de savoir qu’on a livré quelque chose qui se tient. »

C’est pourquoi le droit collaboratif leur semble une avenue utile et prometteuse.

« Pour nous, c’est plaisant de travailler dans un contexte comme celui-là, confirme Nathalie Bachand. Nous sommes des gens plus conciliants de nature. Notre objectif ultime comme expert, c’est d’aider les parties à trouver un terrain d’entente. Ce n’est pas de se gargariser qu’on est meilleur que l’expert d’en face. »