Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici le dimanche.

« Vas-tu parler du bitcoin dans ton livre ? »

C’était il y a un an. Je terminais le manuscrit de mon plus récent bouquin, qui portait sur les meilleures pratiques en matière d’investissement boursier. Dans les conversations autour de moi, le sujet du bitcoin revenait en boucle. Le bitcoin venait de tripler de valeur en quelques mois. On en entendait parler chaque jour.

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Je suis la pire personne pour me prononcer sur l’utilité du bitcoin. Pour moi, les cryptomonnaies sont, pour reprendre les mots du comédien John Oliver, « tout ce que je ne comprends pas au sujet des ordinateurs, combiné à tout ce que je ne comprends pas au sujet des devises ».

Ce qui m’intéresse, en revanche, c’est la psychologie de l’investissement. Et je n’ai pas été déçu par les cryptomonnaies.

Après avoir séduit des millions d’investisseurs avec ses hausses spectaculaires, le bitcoin, la plus populaire des cryptomonnaies, a lâché 73 % de sa valeur au cours de la dernière année. Un investissement de 10 000 $ il y a un an vaut 2700 $ au moment où j’écris ces lignes.

Si vous ou une personne que vous connaissez a perdu de l’argent dans l’effondrement des monnaies numériques cette année, ne soyez pas découragé. Aucun investisseur n’a de parcours parfait. Tout le monde s’est planté un jour ou l’autre, et parfois royalement — moi le premier. L’important est de se relever, d’apprendre, et de mieux faire la prochaine fois.

Les purs et durs haussent les épaules. « Et puis après ? Le bitcoin s’est déjà écrasé avant, et il remontera, c’est sûr ! C’est le prix à payer pour s’enrichir. »

Une partie de moi admire les gens qui pensent de cette façon. C’est la bonne attitude à avoir quand on investit à long terme.

Pourtant, pour adopter les bonnes pratiques en matière d’investissements financiers, le pourcentage de notre portefeuille alloué aux cryptomonnaies devrait avoisiner le zéro — et c’est pour ça que je n’ai pas parlé du bitcoin dans mon livre.

Mettre les chances de son côté en investissement commence par avoir un portefeuille diversifié et équilibré. L’idée est d’avoir nos billes dans plusieurs classes d’actifs, réparties dans plusieurs secteurs, répartis dans plusieurs pays.

De cette façon, on peut profiter de la croissance offerte par les marchés, tout en nous assurant de ne pas subir de pertes catastrophiques si une entreprise (disons Meta, société mère de Facebook) devait perdre près de 70 % de sa valeur en moins d’un an, comme c’est arrivé cette année.

Depuis 50 ans, un portefeuille équilibré composé à 60 % de fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels diversifiés et à 40 % d’obligations a rapporté 8,59 % par année en moyenne.

Ça, c’est ce qu’on sait. C’est la base.

Plusieurs partisans des cryptomonnaies ont décidé que « la base » ne s’appliquait pas à eux. Ils soutiennent que les cryptomonnaies sont l’avenir, et donc qu’il est logique d’embarquer le plus tôt possible dans l’aventure.

Donnons-leur raison, et soyons généreux : imaginons un instant que les cryptos vont provoquer des changements sociaux et économiques aussi importants que l’a été l’arrivée de l’internet.

Si on pouvait retourner 25 ans en arrière en sachant que l’internet allait tout changer dans nos vies, comment investirait-on ? Parmi les étoiles de l’époque, on comptait les entreprises AOL, Yahoo !, Excite, Lycos, Compaq Computer, WorldCom, Nortel...

Si vous avez moins de 40 ans, ces noms ne vous disent sans doute rien. Aucune de ces entreprises n’existe dans sa forme d’origine aujourd’hui, et les investisseurs qui se sont précipités pour les acheter ont collectivement perdu des milliards de dollars.

L’internet n’est pas une exception : historiquement, investir dans ce qui est nouveau et excitant a causé beaucoup plus de larmes que de cris de joie, comme ç’a été le cas avec l’électricité, l’automobile et l’aviation, entre autres.

Il est possible que les cryptomonnaies soient partout dans quelques décennies, et que les personnes qui investissent dans les cryptomonnaies aujourd’hui ne profitent pas de la manne.

Il est tout aussi possible que le cours du bitcoin décolle à nouveau vers la lune demain matin.

Je ne connais pas l’avenir des cryptomonnaies. Personne ne connaît l’avenir des cryptomonnaies.

Je vous demandais la semaine dernière si vous aviez pris l’habitude d’épargner et d’investir depuis votre jeunesse. Voici certaines réponses reçues :

Valérie écrit : « Quand je travaillais pendant mes études secondaires et au cégep, j’épargnais pour le court terme : voiture, voyages... Puis à l’université, j’ai épargné pour une mise de fonds pour mon premier duplex. Maintenant, j’épargne pour ma retraite et pour l’indépendance financière. À 31 ans, j’ai 100 000 $ et deux immeubles locatifs. On ne va jamais assez vite à notre goût, mais je suis constante dans mon épargne. »

Sébastien écrit : « Je n’investis pas depuis ma jeunesse, mais je le fais depuis huit, neuf ans. Aujourd’hui, à 45 ans, j’épargne plus de 60 % de mon revenu malgré le fait que nous avons quatre enfants et qu’on voyage aussi souvent qu’on peut, nos dépenses sont vraiment au minimum. Mais nos besoins sont minimes aussi, alors ça aide à pouvoir épargner. »

Michel écrit : « Mon épouse et moi avons aujourd’hui 74 ans. Nous avons débuté sur le marché du travail autour de l’âge de 18 ans. Nous avons toujours fait un budget et le poste le plus important était l’épargne et l’investissement. Cela nous a permis de prendre notre retraite à la mi-cinquantaine avec le loisir de faire ce que nous voulons [voyages, sports, restos, etc.] sans vivre de stress au sujet de l’argent. »

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