Comment envisager une retraite hâtive sans régime de retraite lié à l’emploi ? Comment optimiser la planification financière et fiscale de cette prochaine retraite durant les dernières années de revenu d’emploi ? Telles sont les préoccupations de François*, 60 ans, par rapport à son projet de retraite dans trois ans de son emploi rémunérateur – environ 180 000 $ par an –, mais dépourvu de tout régime de retraite.

La situation

« Je souhaite prendre ma retraite du travail à 63 ans, donc deux ans avant le début des prestations de rentes publiques (RRQ québécoise et PSV fédérale). Et durant ces deux années avant 65 ans, je projette de revendre ma maison en ville pour acheter une petite propriété à moindre coût dans une région de villégiature », explique François lors d’une conversation avec La Presse.

« Mais sans régime de retraite, est-ce que j’aurai les moyens de financer un train de vie de retraite prévu aux environs de 45 000 $ par an après mon 65anniversaire ? Sinon, comment m’y prendre pour optimiser mon épargne-retraite au cours des prochaines années ? », demande cet homme célibataire et sans enfant ou autre personne à charge.

À première vue, le bilan en actifs financiers de François, évalué à hauteur de 455 000 $ (REER, CELI, compte d’épargne), semble relativement bien pourvu. Et c’est sans compter la valeur nette de sa maison en ville, aux environs de 600 000 $, après le solde hypothécaire de 150 000 $.

Toutefois, considérant les montants élevés en cotisations non utilisées dans son REER (168 000 $) et des liquidités dans son compte d’épargne courant (85 000 $), François a besoin de conseils en matière d’optimisation financière et fiscale de son épargne-retraite durant ses dernières années de revenu d’emploi à taux d’imposition élevé.

En parallèle, François cherche conseil sur la meilleure utilisation du gain net en liquidités – environ 200 000 $ – qu’il anticipe après la revente de sa maison en ville et le rachat d’une résidence en campagne « pour 350 000 à 400 000 $ ».

Les chiffres

François*, 60 ans, préretraité célibataire, sans enfant ou autre personne à charge

Actifs financiers

  • en régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 266 000 $
  • en compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 108 000 $
  • en compte d’épargne-placement non enregistré : 5000 $ (parts du Fonds de solidarité FTQ)
  • en compte d’épargne courant : 85 000 $

Actifs non financiers

Maison : environ 700 000 $

Passif

Solde de prêt hypothécaire : 150 000 $

Revenus annualisés

Emploi : 180 000 $

Principaux débours annualisés

  • liés à l’habitation : 38 000 $
  • liés au style de vie personnel : 25 000 $
  • liés à l’épargne dans les comptes enregistrés (REER, CELI) : 30 000 $

Les conseils

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière (rentes, assurances) chez la firme DMA Gestion de Patrimoine

La situation et les préoccupations de François ont été soumises pour analyse-conseil à Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière (rentes, assurances) chez la firme DMA Gestion de Patrimoine, à Brossard, en banlieue sud de Montréal.

Alexandre Beaulieu est aussi membre du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

« À première vue, je constate que la planification financière de François pour sa retraite manque de marge de manœuvre pour ce qui est de ses revenus, si jamais les rendements de son épargne-placement (REER, CELI, etc.) s’avéraient inférieurs aux attentes », avertit d’emblée Alexandre Beaulieu.

En contrepartie, il note deux éléments favorables pour l’optimisation de cette planification financière de retraite.

Avec son train de vie actuel aux environs de 63 000 $ par an, et son revenu net d’emploi [après impôts] relativement élevé, François bénéficie d’une bonne capacité d’épargne de l’ordre de 45 000 $ par an.

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez DMA Gestion de Patrimoine

D’autre part, poursuit Alexandre Beaulieu, « avec un revenu net et un train de vie à la retraite prévus aux environs de 45 000 $ par an, le taux marginal d’imposition (TMI) des revenus de François à la retraite s’annonce inférieur de 12 points de pourcentage (à 37 %) par rapport à son TMI courant (49,9 %) sur son revenu d’emploi élevé. Or, un tel écart de TMI s’avère intéressant pour optimiser l’épargne-retraite de François au cours de ses prochaines années de préretraite et de début de retraite ».

Par conséquent, poursuit M. Beaulieu, le « premier conseil pour François est qu’il continue à maximiser ses cotisations annuelles à ses comptes d’épargne enregistrés, en priorité son REER ».

Pourquoi ?

« Considérant son taux marginal d’imposition (TMI) sur son revenu d’emploi, il est très important d’en tirer avantage au maximum de ses cotisations inutilisées [estimées à 168 000 $] à son REER pour les trois prochaines années d’ici sa retraite, tout en se gardant un minimum de liquidités en fonds d’urgence », indique M. Beaulieu.

Stratégie de prêt REER

Il suggère aussi à François d’envisager une « stratégie de prêt REER » à court terme en cas d’insuffisance de liquidités pour combler toutes ses cotisations inutilisées en REER d’ici la fin de son revenu d’emploi à taux d’imposition élevé.

« Cette stratégie de prêt REER pourrait être réalisée en contractant une marge de crédit hypothécaire à faible taux d’intérêt. François pourra utiliser ses remboursements d’impôt pour rembourser cette marge de crédit », explique Alexandre Beaulieu.

Par la suite, c’est la vente de sa résidence en ville et l’achat d’une autre en campagne que prévoit faire François durant ses premières années de retraite (entre 63 et 65 ans) qui devraient lui procurer un gain net d’environ 200 000 $.

« Je lui suggère de planifier l’utilisation de ce capital afin de bonifier davantage ses actifs financiers en épargne-retraite non enregistrée, notamment en investissant dans des fonds communs de placement en catégories de société (FCPS) », indique M. Beaulieu.

« La caractéristique principale des FCPS cadre très bien avec quelqu’un à l’aube de la retraite, puisqu’ils offrent des attributs fiscaux intéressants. Pour l’essentiel, les FCPS effectuent la conversion de revenus de placement pleinement imposables, tels que l’intérêt et les dividendes étrangers, en gains en capital à taux d’imposition moindre. Et ce, sans augmenter pour autant le risque global du portefeuille de placements. »

Report des rentes gouvernementales

« François nous a indiqué qu’il n’avait pas de personnes à charge ni d’enfants. Cela me porte à croire que les plus grands risques dans sa planification financière de retraite sont son espérance de vie, l’inflation et les rendements », signale Alexandre Beaulieu.

Or, « l’une des manières les plus optimales de pallier ces risques est de reporter les rentes gouvernementales au Québec (RRQ) et au fédéral (PSV) ».

Quels sont les avantages d’un tel report ?

Reporter ces rentes gouvernementales de 65 à 70 ans, par exemple, bonifiera le montant de ces rentes payables à vie de l’ordre de 42 % pour le RRQ provincial et de 36 % pour la PSV fédérale.

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez DMA Gestion de Patrimoine

« Une telle bonification de ces rentes garanties à vie est supérieure au rendement qu’il pourrait anticiper dans ses placements en épargne-retraite. De plus, ces rentes bonifiées pourraient réduire les risques financiers de François lorsqu’il sera rendu à un âge avancé, et qu’il devra recourir à de l’assistance externe – et rémunérée – en cas d’inaptitude à s’occuper de lui-même ou à gérer ses biens. »

En contrepartie, note Alexandre Beaulieu, le report des rentes gouvernementales signifie que les revenus de retraite de François avant 70 ans proviendraient entièrement des décaissements et des rendements de ses actifs financiers en épargne-retraite.

« Cette stratégie a comme défaut de réduire le montant d’actifs qui pourraient être laissés en héritage. Mais François étant célibataire et sans enfant ni personne à charge, il n’a pas signalé de projet particulier en matière de succession. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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