Pour Sylvie*, 58 ans, et Alain*, 64 ans, le mot retraite semble exclu de leur plan de vie. Comme de nombreux travailleurs québécois, ils n’ont pas de fonds de pension offert par leurs employeurs respectifs. Peuvent-ils espérer arrêter de travailler un jour ?

« J’ai visité les sites des gouvernements du Québec et du Canada pour simuler des plans de retraite, écrit Sylvie, et j’ai constaté que nous sommes trop pauvres. On dirait que nous sommes condamnés à travailler jusqu’à la mort… »

Le couple relate n’avoir que de « petites économies ». Sylvie est adjointe administrative et Alain, commis d’entrepôt. L’an prochain, Alain compte changer d’emploi. Il termine actuellement son attestation d’éducateur de la petite enfance et prévoit de travailler à temps partiel. De son côté, Sylvie envisage de faire du bénévolat si elle réussit à prendre sa retraite.

« Mon mari aura une baisse de salaire significative avec cet emploi à temps partiel, explique Sylvie, mais il compte sur la rente de la Régie des rentes du Québec pour combler une partie du déficit. »

Le couple n’a toutefois pas de dettes… pour l’instant. La maison unifamiliale qu’ils habitent a été construite en 1959 et nécessitera bientôt de grandes rénovations.

« J’aimerais que vous me donniez l’heure juste sur notre situation financière. »

Les chiffres

Sylvie

Salaire : 51 400 $
RRQ : 350 $ (à 60 ans) ou 626 $ (à 65 ans)CELI : 50 300 $
REER : 15 500 $
REER inutilisés : 88 700 $

Alain

Salaire : 45 000 $
RRQ : 838 $ (à 65 ans)CELI : 50 300 $
REER : 20 800 $
REER inutilisés : 139 000 $

Informations générales

Compte commun pour imprévus : 18 000 $
Compte-chèques commun : 20 000 $
Valeur de la maison sans hypothèque : 220 000 $
Coût de vie : 3200 $ par mois

Premier constat : faibles intérêts

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Lafond+Associés, tient à rappeler la grande valeur des fonds de pension offerts par les employeurs. « Si l’un des deux en avait eu un, la situation aurait été tout autre. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Lafond+Associés

Le coût de vie du couple reposera donc sur la valeur de leur propriété ainsi que sur les placements en REER et en CELI. Actuellement, le peu d’actif qu’ils peuvent investir est placé dans un compte qui génère des intérêts faméliques.

« Ils ont chacun 50 300 $ de CELI dans un compte d’épargne à intérêt élevé à seulement 0,1 %, observe Antoine Chaume. Ce premier constat me cause un grand inconfort, car ils n’ont pas beaucoup d’actifs investissables et les seuls qu’ils ont, ils ne les font pas travailler. »

Les gens ont tendance à croire que lorsqu’ils arrivent près de la retraite ou qu’ils sont à la retraite, ils doivent transformer leur placement en liquidité ou semi-liquidité. Or, celui qui a 60-65 ans a encore un horizon d’investissement de 30 ans.

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Lafond+Associés

Antoine Chaume explique que même en période de décaissement ou de retraite, il faut garder une stratégie d’investissement équilibrée.

« En respectant leur profil d’investisseur, cet argent devrait être placé dans un environnement équilibré à 50 % d’actions et 50 % d’obligations, ou encore 40 % d’actions et 60 % d’obligations et même jusqu’à 60 % d’actions. Les fonds de pension ont des compositions de type 60 % d’actions et 40 % d’obligations. »

Comme ils ont une capacité d’épargne de 20 000 $ par année, le planificateur leur recommande de faire des cotisations de 5000 $ chacun cette année et l’an prochain dans les fonds des travailleurs (Fonds de solidarité FTQ ou Fondaction). Ils ont jusqu’à 65 ans pour le faire et profiter des crédits d’impôt de 30 % ou 35 % selon le fonds.

Deuxième constat : la maison

Le gros des actifs du couple est immobilisé dans leur propriété qui risque d’avoir besoin de travaux dans les prochaines années. Selon le planificateur financier, Sylvie et Alain n’ont pas les moyens de payer des réparations de 20 000 $ à 40 000 $.

« Je suis très content pour eux qu’ils n’aient ni dettes ni hypothèque. Par contre, s’ils veulent supporter un niveau de vie intéressant, ils auront un jour un choix à faire. »

« S’ils désirent rester dans leur maison le plus longtemps possible, ils pourraient aller chercher une marge de crédit hypothécaire. Ça permet d’avoir accès aux liquidités qui sont immobilisées dans sa propriété à des taux intéressants et de gérer son niveau de vie. »

Selon les analyses de Lafond+Associés, la marge de crédit hypothécaire coûte moins cher que l’autre option qu’est l’hypothèque inversée.

« Avec l’hypothèque inversée, on reçoit de l’argent, qu’on en ait besoin ou pas. Avec la marge hypothécaire, on prend de l’argent au besoin. »

Antoine Chaume précise que s’ils choisissent cette option, Sylvie et Alain doivent en faire la demande pendant qu’ils sont encore au travail afin d’être sûrs de se qualifier.

La retraite demain : impossible

Que se passera-t-il si le couple décide d’arrêter de travailler l’an prochain ? D’après les calculs du planificateur financier, dans 10 ans, Sylvie et Alain auront épuisé toutes leurs économies. Les rentes des deux gouvernements ne seront pas suffisantes pour soutenir un niveau de vie de 3200 $ net par mois, soit 38 400 $ net par année, et ils devront vendre la maison.

À moins de…

Le planificateur a imaginé un scénario dans lequel Alain continue de travailler jusqu’à 70 ans avec un revenu annuel de 30 000 $.

« Ça donne un impact positif sur leur situation, mais on a toujours un déficit de 67 000 $ en excluant la vente de la propriété. S’il prend sa rente de la RRQ à 70 ans, le déficit est de 30 000 $ et la maison n’est toujours pas vendue. »

Repousser le plus longtemps possible le moment d’encaisser la rente de la Régie des rentes du Québec et la pension de la Sécurité de la vieillesse est souvent suggéré aux gens qui n’ont pas de fonds de pension.

« Si une personne est en bonne santé physique et qu’elle a d’autres revenus, il est préférable qu’elle attende à 65 ans, voire à 67 ans, pour retirer la RRQ », explique-t-il.

L’autre option qui aurait un impact significatif sur les revenus du couple, c’est que Sylvie décide de trouver un emploi d’appoint deux jours par semaine plutôt que d’opter pour le bénévolat.

« Quand on décide de faire du bénévolat à la retraite, c’est parce qu’on a une situation financière qui le permet. Sylvie pourrait utiliser ses passions de jardinage et de couture en travaillant, par exemple, dans une boutique spécialisée dans ces domaines. »

Sans revenu d’appoint et en prenant les pensions des deux gouvernements à 65 ans, le couple devra vendre la maison à 70 ans pour supporter le coût de vie désiré. Sinon, ce coût de vie doit être réduit de 7000 $ par année.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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