Élisabeth a un emploi stable et bien rémunéré, mais elle a envie de nouveaux défis et de plus de flexibilité dans son mode de vie. Elle souhaite se lancer à son compte et se demande si, pour des raisons fiscales, elle devrait s’incorporer.

La situation

Élisabeth*, 36 ans, est comptable professionnelle agréée (CPA) et travaille dans une institution financière. Son conjoint de fait, François, est aussi CPA dans une institution financière et il compte rester en poste.

Le couple a deux enfants et un mode de vie frugal. « Nous avons des places en CPE, une seule voiture achetée usagée complètement payée et nous contrôlons nos dépenses », précise Élisabeth.

Les conjoints payent chacun la moitié des dépenses familiales, excepté pour le condominium, qui appartient à Élisabeth. Elle en assume tous les frais. Ils ont un testament, mais pas de contrat de vie commune. Le couple se questionne aussi sur la séparation des dépenses, puisqu’Élisabeth a un revenu et un actif net plus élevés que François, qui a financé un retour aux études.

En se lançant à son compte, Élisabeth se demande s’il serait avantageux de s’incorporer pour réduire sa facture fiscale et augmenter ses allocations familiales. Elle souhaite aussi atteindre l’indépendance financière et vise la retraite dans 10 ou 15 ans.

« Si je m’incorpore, j’aimerais laisser le plus possible d’argent dans mon entreprise afin d’y retirer un petit montant par année une fois retraitée. Est-ce que mon plan est logique ? Quels sont les frais pour garder une entreprise ouverte ? »

Les chiffres

Dépenses annuelles de la famille
31 000 $ assumés par Élisabeth
18 000 $ assumés par François
5000 $ pour les voyages hors COVID-19

Salaires
Élisabeth : 90 000 $
François : 70 000 $

Actifs d’Élisabeth
Valeur du condo sur lequel il reste 60 000 $ à payer : 300 000 $
REER : 115 000 $
CELI : 91 000 $
Épargne non enregistrée : 19 500 $
REEE portion capital : 12 500 $
Régime de retraite aux États-Unis : 50 000 $
Régime de retraite à prestations déterminées de son employeur : 120 000 $

Actifs de François
REER : 90 000 $
CELI : 91 000 $
Épargne non enregistrée : 69 500 $
REEE portion capital : 12 500 $
Régime de retraite à prestations déterminées de son employeur : 40 000 $

Les taux d’imposition entreprise/particulier

Longtemps, des travailleurs autonomes se sont incorporés pour bénéficier du taux d’imposition des entreprises plus bas que celui des particuliers et pour profiter de la possibilité de se payer avec des dividendes peu imposés. Mais les règles ont changé depuis quelques années. Pour obtenir le taux d’imposition réduit accordé aux petites entreprises au provincial, il faut atteindre 5500 heures rémunérées par ses employés pour l’année d’imposition.

« Seule, elle n’y aurait pas droit, donc le taux d’imposition de son entreprise serait de 20,50 %, et il faut considérer la hausse importante des taux d’imposition des dividendes », explique Sandy Lachapelle, planificatrice financière à la tête de Lachapelle Finances intelligentes, qui sert nombre d’entrepreneurs.

Les avantages de l’incorporation

Mais le cas d’Élisabeth est particulier, parce que sa famille a seulement 54 000 $ de dépenses annuelles. « La famille pourrait donc utiliser l’entreprise pour y économiser des sommes afin de repousser l’impôt à payer », précise Mme Lachapelle.

Avec l’hypothèse qu’Élisabeth gagnerait 60 000 $ en revenus nets à son compte, la solution la plus avantageuse pour le couple serait d’aller vers l’incorporation et l’intégration de ses finances afin de créer un plan fiscal commun.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Sandy Lachapelle, planificatrice financière à la tête de Lachapelle Finances intelligentes

« Les revenus de François pourraient payer presque toutes les dépenses de la famille, indique Mme Lachapelle. L’essentiel des revenus d’Élisabeth pourrait donc être préservé dans la société et elle pourrait se verser un dividende de 10 000 $ pour combler le reste des besoins sans qu’elle ait à payer d’impôts. »

L’avantage est aussi tangible du côté des allocations familiales. « Par exemple, avec 60 000 $ de revenu de travail autonome et le salaire de François, l’allocation canadienne pour enfant est de 430 $ par mois, mais si Élisabeth a seulement 10 000 $ en dividendes, l’allocation sera de plus de 700 $ », indique Mme Lachapelle.

Les sommes laissées dans l’entreprise seraient investies de la même façon qu’Élisabeth le ferait pour son argent personnel en regardant sa tolérance au risque, son horizon de placement et son besoin de liquidités.

Sandy Lachapelle a fait ses prévisions avec un profil de croissance modérée, avec les hypothèses de rendement de l’Institut québécois de planification financière, qui donnent un rendement d’environ 4 %. Résultat ? Le couple pourrait prendre sa retraite à 50 ans et aurait une valeur nette projetée d’environ 4 millions à 75 ans. Si Élisabeth ne s’incorpore pas, ce serait plutôt 3 millions. Si le couple n’intègre pas ses finances et qu’Élisabeth sort environ 35 000 $ net par année de son entreprise qui en gagne 60 000 $, la meilleure solution ne serait pas aussi tranchée. « Avec les revenus précis de l’entreprise, il faudrait regarder différents scénarios de rémunération », précise Sandy Lachapelle.

Contrat de vie commune

Si le couple intègre ses finances pour optimiser la planification fiscale, il faudrait protéger François.

« Le couple devrait réaliser un contrat de vie commune parce que, comme la famille vivrait avec les revenus de François, la somme accumulée dans l’entreprise d’Élisabeth devrait être considérée comme un actif du couple, affirme Sandy Lachapelle. Pour faire ce travail, il faudrait aller chercher l’expertise d’un notaire. »

Peu de frais liés à l’entreprise

Pour s’incorporer, il faut prévoir des frais d’environ 1500 $, évalue Sandy Lachapelle. Puis, il faut produire chaque année les états financiers et la déclaration de revenu de l’entreprise.

« Il faut prévoir 2000 ou 3000 $, mais comme Élisabeth est comptable, elle pourrait faire ce travail elle-même. »

Le test du réel

Les scénarios de Sandy Lachapelle ont été réalisés avec des revenus d’entreprise nets de 60 000 $. Mais seront-ils au rendez-vous ? « Si elle gagne beaucoup moins, il est fort possible que l’incorporation ne soit pas pertinente fiscalement, affirme-t-elle. Pour prendre une décision éclairée, il faudrait avoir une bonne idée de combien elle gagnera à son compte. Elle pourrait aussi commencer comme travailleuse autonome et s’incorporer lorsque les résultats de son entreprise dépasseront significativement ses besoins. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ? Soumettez votre cas à l’équipe de Train de vie.