Mélanie*, 49 ans, est travailleuse autonome en services professionnels. Elle possède à part entière sa propre entreprise.

La situation

Après de nombreuses années de prospérité, Mélanie a subi en 2020 une chute de revenus de sa PME personnelle provoquée par la pandémie.

En contrepartie, ce choc sur les activités professionnelles de Mélanie a alimenté sa réflexion sur un projet de retraite hâtive du travail, d’ici deux à trois ans.

Elle serait alors au début de la cinquantaine, avec un patrimoine personnel approchant le million de dollars, dont environ 150 000 $ en comptes enregistrés (REER, CELI) et 835 000 $ en actifs financiers dans sa PME.

S’ajouterait au patrimoine de Mélanie la moitié de la valeur nette (libre de dettes) d’environ 430 000 $ de la maison en copropriété qu’elle possède avec son conjoint en union libre, qui serait alors à une dizaine d’années de sa retraite.

Dans ce contexte, Mélanie fait part de deux préoccupations quant à la faisabilité financière de son projet de retraite du travail d’ici deux ou trois ans :

« Quand pourrais-je arrêter de travailler, considérant que j’estime mon coût de vie aux environs de 40 000 $ [après 2022] et que je souhaite avoir suffisamment d’épargne-retraite au moins jusqu’à 85 ans, en l’absence de revenus externes autres que les rentes d’origine gouvernementales ?

« Lorsque je cesserai de travailler, l’essentiel de mon patrimoine sera dans l’actif financier de ma PME personnelle, dont je prévois continuer de tirer mes revenus sous forme de dividendes. Est-ce une bonne approche en planification financière de retraite ? »

La situation et les questions de Mélanie ont été soumises pour analyse-conseil à Sylvain Chartier, planificateur financier et conseiller chez Banque Nationale Gestion privée 1859, à son bureau du centre-ville de Montréal.

Les chiffres

Mélanie, 49 ans

Actifs personnels :
– régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 83 000 $
– compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 62 000 $
– 100 % du capital-actions d’une PME personnelle avec 835 000 $ en actifs financiers
– immobilier : copropriétaire (à 50 % avec son conjoint) d’une maison évaluée à 430 000 $
– automobile : environ 20 000 $
Passif personnel :
– part (50 %) du solde hypothécaire sur la maison : environ 21 500 $ (échéance en juillet 2022)
Budget personnel :
Revenu :
– environ 54 000 $ par année en dividendes extraits de la PME personnelle
Revenus bruts de la PME : environ 125 000 $ par an
Principaux débours :
– liés à la résidence (env. 15 000 $/an), au style de vie (env. 27 000 $/an), aux assurances maladie et salaire (env. 3600 $/an), à l’épargne-retraite (REER, CELI : env. 5000 $/an)
Train de vie actuel : environ 51 000 $ par année
Train de vie estimé après la retraite du travail : environ 40 000 $ par année
(fin des paiements hypothécaires et des frais d’assurance salaire)

Les conseils

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Sylvain Chartier, planificateur financier et conseiller chez Banque Nationale Gestion privée 1859

D’emblée, Sylvain Chartier nous avertit que l’âge de 85 ans envisagé par Mélanie pour la longévité de son patrimoine financier personnel, sans égard à celui de son conjoint, « est inapproprié selon les normes de l’Institut québécois de planification financière [IQPF] ».

Selon ces normes, rappelle M. Chartier, « une femme âgée de 50 ans a 25 % de probabilité d’être encore en vie à 96 ans, ce qui est le seuil minimal à considérer. J’ai donc analysé la situation financière de Mélanie et son projet de retraite du travail autour de ses 52 ans en fonction d’une durée de vie jusqu’à 96 ans, soit 11 ans de plus qu’envisagé par Mélanie ».

Pourquoi cette mise en garde particulière ?

« Prévoir la longévité financière de Mélanie jusqu’à 96 ans est d’autant plus nécessaire alors que nous savons qu’elle aura très peu de revenus de rentes gouvernementales [RRQ québécois et PSV fédérale] et pas de rente d’un régime de retraite d’employeur qui la protégeraient contre son “risque de longévité”, c’est-à-dire le risque d’épuiser ses ressources financières avant sa fin de vie », explique Sylvain Chartier.

En fait, précise-t-il, « à partir de ses 65 ans, soit une douzaine d’années après son début de retraite envisagé, Mélanie aurait droit au maximum de la PSV fédérale. Mais en qui concerne le RRQ québécois, Mélanie n’aurait droit qu’à une faible rente parce qu’elle n’y a pas accumulé de cotisations durant ses années de travail rémunéré en dividendes extraits de sa PME, plutôt qu’en salaires réguliers avec déductions à la source ».

Comme premier conseil, donc, Sylvain Chartier recommande à Mélanie de transformer sa rémunération de travail de dividendes à salaire régulier pendant les quelques années d’ici son début de retraite.

En procédant ainsi, Mélanie ajouterait quelques années de cotisations à son compte du RRQ québécois afin de bonifier sa rente admissible à partir de son 65anniversaire, jusqu’à sa fin de vie.

Comme second conseil à Mélanie, et après analyse de ses moyens financiers en prévision d’une quarantaine d’années de vie après la retraite, Sylvain Chartier lui recommande de reporter d’au moins deux ans son projet de retraite.

À son avis, Mélanie serait financièrement avantagée à long terme en planifiant sa retraite du travail autour de son 55e anniversaire, soit dans cinq ans, plutôt que dans deux ou trois ans, comme elle l’envisage présentement.

Quelle raison principale pour un tel report ?

Considérant le maintien d’un train de vie personnel prévu autour de 40 000 $ par année après la retraite, Sylvain Chartier estime que les avoirs financiers accumulés par Mélanie – même proches du million de dollars – pourraient s’avérer insuffisants pour lui éviter le risque d’un épuisement de ses ressources financières autour de ses 90 ans.

« Ça serait six ans plus tôt que prévu selon les normes de planification financière. Et d’autant plus préoccupant pour Mélanie, une fois à un âge avancé, alors que nous savons que ses rentes viagères d’origine gouvernementale s’annoncent déjà moindres », souligne Sylvain Chartier.

D’où l’importance pour Mélanie de réduire son « risque de longévité financière » en profitant de ses quatre ou cinq prochaines (et dernières ?) années de travail avec une rémunération salariale de sa PME personnelle, plutôt qu’en dividendes.

Mais aussi, dit Sylvain Chartier, Mélanie pourrait renflouer son compte au RRQ québécois de quelques années de cotisations, tout en maximisant son épargne-retraite personnelle dans ses comptes REER (avec crédit d’impôt) et dans son compte CELI non imposable.

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