Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

Françoise et Michel* se sentent à l’étroit dans le logement qu’ils occupent dans leur quadruplex. Le couple rêve de récupérer l’un des trois autres logements pour agrandir la cuisine, faire un bureau, ajouter une salle de bains et une vraie salle de lavage, car cette tâche ménagère se fait actuellement dans un placard de la salle à manger.

« C’est un projet d’envergure, écrit Françoise. Un entrepreneur en construction nous a fait une estimation du coût des travaux. Ils s’élèveront à 125 000 $. De plus, nous avons certaines réparations à effectuer d’ici quelques années : les balcons avant et arrière, la toiture et un mur de briques. »

Âgés tous deux de 57 ans, les conjoints de fait ont acheté le quadruplex en 2004, qui leur procure des revenus locatifs intéressants. Françoise peut aussi compter sur un poste bien rémunéré dans une société d’État tandis que Michel a des revenus irréguliers et plus modestes de travailleur autonome.

Les Montréalais estiment leur coût de vie à 40 000 $ par année. Ils prévoient de le revoir à la baisse lorsqu’ils auront fini de rembourser, en août 2021, un prêt destiné à la rénovation d’un autre logement. Le solde est de 18 020 $.

« J’aimerais prendre ma retraite dans environ trois ans, planifie Françoise, et j’ai bien peur que ce projet soit un peu trop ambitieux pour nos moyens financiers et notre âge. »

Oui pour le projet, mais…

Lorsqu’on fait des travaux, de mauvaises surprises peuvent survenir. Lorsqu’on sous-estime son coût de vie aussi. Le couple doit donc s’assurer que la somme annuelle de 40 000 $ tout inclus est la bonne.

C’est en tenant compte de ce coût de vie que Chantal Matos et Sylvain B. Tremblay, respectivement directrice, gestion privée, et vice-président chez Optimum Gestion de placements, ont analysé le projet de transformation du quadruplex. Le résultat ravira à coup sûr Françoise et Michel.

« Oui, ils peuvent le faire, affirme au téléphone Chantal Matos. J’ai fait une projection jusqu’à 95 ans et j’arrive avec des surplus. »

« Monsieur n’a pas besoin de travailler après 65 ans, poursuit-elle, même si on ajoute des paiements supplémentaires de 1000 $ par mois pour ces rénovations. Le nouveau prêt sera remboursé en 2028. »

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Chantal Matos et Sylvain B. Tremblay, respectivement directrice, gestion privée, et vice-président chez Optimum Gestion de placements

Les planificateurs ont inclus dans les calculs l’hypothèque actuelle, un budget de 8000 $ pour des vacances, le prêt restant de 18 020 $ et des dépenses équivalant à 30 % des revenus locatifs « parce qu’il y a toujours des dépenses qui surviennent », souligne Chantal Matos.

Mais son collègue Sylvain B. Tremblay fait une mise en garde : « Si le coût de vie est de 70 000 $, ça ne fonctionnera pas. »

En prenant sa retraite à 60 ans, en 2023, Françoise pourra compter sur son régime de retraite et les revenus locatifs, tandis que Michel continuera ses contrats de travailleur autonome jusqu’à 65 ans. Ensemble, leurs revenus s’élèveront à 108 000 $.

À noter que les revenus locatifs sont admissibles pour les cotisations au REER. Comme le calcul des planificateurs dégage des surplus, Françoise pourrait cotiser au REER de son conjoint et obtenir la déduction d’impôts.

Comment financer les rénovations

Le couple pourrait choisir de renégocier une nouvelle hypothèque traditionnelle en incluant les travaux. Or, les planificateurs suggèrent d’opter pour une marge de crédit hypothécaire.

François et Michel pourraient même transférer l’hypothèque restante avec le nouvel emprunt. Ainsi, ils n’auraient plus d’hypothèque, mais une marge hypothécaire de 247 000 $.

« Ça va coûter de 500 $ à 600 $ de frais de notaire et les taux d’intérêt sont légèrement plus élevés, explique Sylvain B. Tremblay. Mais le couple pourra choisir de rembourser le capital et les intérêts ou seulement les intérêts, même si, selon nos calculs, il est capable de rembourser les deux d’ici 2028. »

Il faut cependant être discipliné, préviennent les planificateurs. « Une marge de crédit hypothécaire, c’est comme si on recevait d’un coup un chèque de 500 000 $, avertit Sylvain B. Tremblay. Ça peut être dangereux. C’est d’ailleurs pour ça qu’on voit autant de Porsche dans les rues. »

Si le couple décidait de ne payer que les intérêts, la marge hypothécaire de 247 000 $ serait alors remboursée lors de la vente du plex, actuellement évalué à 750 000 $.

La vente du plex

Au moment de la vente du plex, les gains en capital seront calculés en fonction du prix d’achat et du prix de vente, mais aussi en fonction de son occupation comme résidence principale par le couple. De 2004 à 2020, l’imposition sera calculée sur 75 % de l’immeuble puis, à partir de 2020, sur 50 % puisque Françoise et Michel prendront possession d’un logement supplémentaire.

Les 125 000 $ investis pour changer la structure de l’immeuble seront ajoutés comme dépenses d’immobilisation et feront baisser le gain en capital imposé.

Pour ce qui est des intérêts de l’hypothèque ou de la marge de crédit hypothécaire, ils sont déductibles d’impôts chaque année tout comme les frais destinés au bureau à domicile.

Mieux vaut prévenir

Le grand projet de rénovation est donc viable. Toutefois, si les conjoints de fait se séparent ou si l’un d’eux meurt, la situation financière sera ébranlée.

C’est pourquoi Chantal Matos et Sylvain B. Tremblay suggèrent aux tourtereaux de faire un testament, un contrat d’union civile, voire un contrat d’achat-rachat comme les associés d’une entreprise, pour ensuite prendre une assurance vie payable au décès du premier des deux conjoints.

« Étant donné qu’ils sont conjoints de fait, s’ils n’ont pas de testament ni de contrat d’union civile, il y en a un qui sera désavantagé en cas de décès ou de séparation. Si Françoise décède, par exemple, les REER et tous les autres placements iront à son fils. Michel ne sera peut-être plus en mesure de soutenir le plex. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Les chiffres

Françoise

Salaire : 113 000 $
Régime de retraite : 56 670 $ (de 60 à 65 ans) et 45 990 $ (à 65 ans)
REER : 111 000 $
CELI : 47 000 $
Autres économies : 18 000 $

Michel

Revenus de travailleur autonome : 30 000 $
REER : 60 000 $

Valeur du quadruplex : 750 000 $
Hypothèque restante : 123 000 $
Revenus des loyers après récupération du logement : 1599 $ par mois (comparativement à 2233 $ actuellement)