Après la littératie financière, une nouvelle notion a fait son apparition en finances personnelles : le bien-être financier. Et ça se mesure ! Ressentez-vous un malaise, côté portefeuille ?

Jouissez-vous de sérénité financière ? Êtes-vous confiant à l'égard de vos finances personnelles ? Vous sentez-vous en contrôle de vos leviers économiques ?

Cet état d'esprit enviable s'appelle le bien-être financier.

Il s'agit d'un nouveau concept qui gagne en popularité dans les officines gouvernementales intéressées au comportement financier des particuliers.

L'expression n'est pas encore très répandue, mais elle semble s'appuyer sur des données concrètes.

À tel point qu'en novembre dernier, les résultats préliminaires d'une récente enquête, menée à l'instigation de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), ont révélé que les Canadiens obtenaient en moyenne un indice de 65 sur 100 sur l'échelle du bien-être financier.

Fort bien, mais de quoi parlons-nous, exactement ?

Trois définitions

La définition officielle est indigeste : par bien-être financier, « on entend la facilité avec laquelle les individus sont capables de respecter tous leurs engagements financiers et répondre à leurs besoins actuels tout en ayant la résilience financière nécessaire pour continuer d'en faire autant à l'avenir », nous apprend le site de l'ACFC.

Bruno Lévesque, directeur de l'éducation des consommateurs, de la recherche et de la politique à l'ACFC, résume le concept plus concrètement.

« Jusqu'à quel point une personne est en mesure de respecter ses engagements financiers à court et à long terme, exprime-t-il. Jusqu'à quel point les personnes sont en confiance par rapport à leur avenir financier. Jusqu'à quel point elles sont en mesure de prendre des décisions responsables, oui, mais aussi qui leur permettent de profiter de la vie. »

La notion n'est pas étrangère à la planificatrice financière Nathalie Bachand, également présidente de l'organisme de sensibilisation Question Retraite. « Santé financière, bien-être financier, etc., sont tous des synonymes que nous n'avons pas le choix d'aborder avec nos clients ! », indique-t-elle.

Sa définition du bien-être financier est encore plus simple : « C'est d'avoir géré ses choses en fonction de bien dormir la nuit et d'être à l'aise avec ses décisions. »

THERMOMÈTRE DU BIEN-ÊTRE

La notion semble aussi molle et imprécise qu'une motte de gélatine tiède, mais détrompez-vous : le bien-être financier se mesure !

En s'appuyant sur le modèle théorique élaboré par Elaine Kempson et son collègue norvégien Christian Koppe, l'ACFC et les agences similaires de quatre autres pays ont pu mesurer le bien-être financier de leur population respective.

Au Canada, un questionnaire d'environ 140 questions a été soumis à un échantillon de 1935 répondants âgés de 18 à 91 ans.

Avec un indice de 65, le Canada se place « dans la bonne moyenne », relève Bruno Lévesque.

« Les Canadiens réussissent généralement bien à respecter leurs engagements financiers. Ils prennent de manière relative des décisions financières qui sont quand même éclairées. Ils comprennent en général les risques qui sont liés à leurs décisions. »

Il n'y a pas lieu de se claquer ostensiblement les bretelles, toutefois.

Car les Canadiens montrent des faiblesses à l'égard de deux facteurs prépondérants dans le bien-être financier.

BONUS MALUS

Selon l'enquête de l'ACFC, seulement la moitié des Canadiens mettent régulièrement de l'argent de côté pour faire face aux imprévus, comme des réparations au véhicule ou le remplacement d'un électroménager.

Pourtant, ils peuvent prévoir que les imprévus surviendront, inéluctablement. Les seules inconnues sont leur nature, le moment et le montant.

Par ailleurs, un Canadien sur sept recourt au crédit à court terme pour payer des dépenses courantes comme l'épicerie. Au risque d'épicer sa vie financière.

« Qu'on tourne les données comme on voudra, ce sont ces deux facteurs-là qui ont le plus gros impact sur le bien-être financier. »

- Bruno Lévesque, directeur de l'éducation des consommateurs, de la recherche et de la politique à l'ACFC

« Chez les familles qui n'épargnent pas de manière active et qui utilisent le crédit de façon non judicieuse, le niveau de bien-être financier se trouve à 46 sur 100, observe Bruno Lévesque. Et si la même famille, avec le même profil, a les bons comportements, son bien-être financier est à 76. »

« Le même phénomène s'observe à l'égard d'une jeune femme célibataire et locataire.

- Le bien-être financier ne dépend donc pas du revenu ou de la situation familiale...

- Non, parce qu'on a contrôlé pour le revenu, pour le sexe, pour le profil familial, pour l'âge, indique Bruno Lévesque. En contrôlant tout ça, on se retrouve avec deux facteurs qui ont un impact sur l'indice de bien-être. »

Une évidence ?

On se sent plus serein sur le plan financier si on épargne et on évite l'endettement.

N'est-ce pas une évidence ?

« Oui, ce n'est pas une surprise, convient Bruno Lévesque. Mais ça nous donne des outils additionnels pour essayer de changer les comportements et ça nous permet de mesurer la progression au fil du temps, l'impact que ces changements peuvent avoir sur les Canadiens. »

L'ANTIDÉPRESSEUR FINANCIER

Que faut-il faire pour jouir d'un plus grand bien-être financier ?

« Vous ne serez pas surpris si je vous dis que ça passe par un changement de comportement au niveau de l'épargne et de l'utilisation judicieuse du crédit, informe Bruno Lévesque. Comment y parvenir ? Nous, on a observé que la mise en place d'un budget est une stratégie vraiment privilégiée, qui apporte des résultats tangibles, concrets, à court terme. »

Eh oui, encore le budget ! On y revient toujours.

« Pour nous, c'est là que ça commence, insiste Bruno Lévesque. Une épargne régulière, aussi petite soit-elle, va quand même parvenir à régler certains problèmes financiers en cours de route. »

« Il y a quelquefois des gens qui ne se sentent pas en contrôle, et ce n'est pas parce que ça ne va pas bien financièrement. C'est juste qu'ils n'ont pas pris le temps de se sentir en contrôle. Ils n'ont pas regardé leur situation », affirme la planificatrice financière Nathalie Bachand.

BIENFAITS PHYSIQUES

« Il est vraiment difficile de parler seulement de bien-être financier, parce que ça a tellement de répercussions sur le bien-être en général ! », s'exclame la conseillère budgétaire Martine Marleau, de l'ACEF de l'Est de Montréal.

« Je vois ça de façon plus holistique. Le bien-être financier a un impact sur le bien-être physique, sur le bien-être mental. C'est très rare qu'il y ait des gens qui arrivent ici en total déséquilibre, qui n'ont pas de bien-être financier, alors que tous les autres aspects de leur vie vont super bien. »

Cette observation pragmatique est confirmée par la recherche.

« On a vu qu'avec la définition du bien-être financier, la question du stress ressort énormément. »

- Bruno Lévesque, directeur de l'éducation des consommateurs, de la recherche et de la politique à l'ACFC

Il y a un remède : la tenue d'un budget procure le sentiment de prendre les choses en main.

« Selon une étude récente, les gens qui n'ont pas l'impression qu'ils vont être capables d'y arriver ne font rien, souligne la planificatrice financière Nathalie Bachand. Il faut avoir l'impression qu'on a la capacité de faire quelque chose, sinon on fait l'autruche. »

En travaillant à améliorer son bien-être financier, on peut donc encaisser des bénéfices pour son bien-être physique et mental.

C'est une version volontariste de l'immortel constat d'Yvon Deschamps : mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade.

Prescription pour le bien-être financier

• Faire un budget

• Établir un fonds d'urgence

• Fixer des objectifs d'épargne

• Établir un plan pour éviter d'avoir recours au crédit lorsqu'on est à court d'argent

Source : ACFC