Claude n'est pas de ceux qui comptent les jours avant leur retraite. À 67 ans, il occupe encore avec bonheur son emploi dans une organisation parapublique. Il y jouit d'excellentes conditions de travail. Une fois la journée terminée, il retrouve sa femme qui, elle, est retraitée. Ensemble, ils courent les activités dans leur ville de banlieue et prennent soin de leurs quatre enfants et trois petits-enfants. « Ma vie actuelle me satisfait pleinement », résume Claude.

Mais voilà, Claude sait très bien qu'il n'en sera pas toujours ainsi. En prévision de ses vieux jours, il s'interroge sur la meilleure utilisation de son temps et de son patrimoine. « Devrais-je prendre ma retraite maintenant, vivre correctement de mes économies et faire du bénévolat pour des causes qui me sont chères ? s'interroge-t-il. Ou devrais-je plutôt quitter mon emploi dans quelques années, accumuler plus de capital que nécessaire pour le temps qu'il me reste et en léguer l'excédent à des organismes caritatifs ? »

Pour l'heure, Claude penche pour l'option du don en argent. Non seulement cela lui permettrait de s'épanouir encore sur le marché du travail, mais cela lui donnerait l'occasion de bonifier les sommes à léguer.

Présentement, il gagne un salaire net de 90 000 $. Il a épargné plus de 1,5 million de dollars (régime de retraite de l'employeur, REER, CELI et autres économies). Selon ses estimations, s'il reste en emploi, il pourrait mettre de côté annuellement 8000 $ dans son REER personnel et 5500 $ dans son CELI. En outre, après ses dépenses, il lui resterait 31 000 $ supplémentaires à placer. Claude n'a aucune dette et évalue ses dépenses domestiques annuelles à 32 000 $.

« Je veux donner, mais je ne sais pas par où commencer, confie-t-il. D'abord, ai-je assez d'argent pour le faire ? Dois-je procéder de mon vivant ou à mon décès ? Quelles sont les options qui s'offrent à moi ? Y a-t-il des avantages fiscaux qu'on peut retirer de cette opération ? »

DONNER AU SUIVANT

Claude ne croit pas que ses proches verront un inconvénient à ce qu'il partage une partie de son patrimoine avec des organismes de bienfaisance, car il leur a déjà beaucoup donné de son vivant. Il a payé les études de ses enfants, en plus d'offrir à chacun 35 000 $ pour les aider à acheter leur propriété. Il contribue aussi généreusement aux REEE de ses petits-enfants.

Au décès de Claude, ses enfants seront bénéficiaires d'une assurance vie de 160 000 $. Dans son testament, l'homme a prévu entre autres l'achat d'une rente viagère pour son épouse et un legs de 100 000 $ à ses neveux, ses filleuls et ses petits-enfants.

Maintenant, il souhaite que d'autres puissent profiter de son patrimoine.

« J'ai longuement réfléchi à ce qu'on hérite et à ce qu'on mérite, poursuit-il. J'ai le sentiment d'avoir hérité de pas mal de choses. Mes parents étaient des immigrants pauvres, et pourtant, je n'ai jamais manqué de rien. J'ai eu la chance d'immigrer au Canada et d'y faire mes études. La vie m'a beaucoup donné et aujourd'hui, je veux redonner. »

Deux causes lui tiennent particulièrement à coeur : l'immigration, évidemment, et l'éducation des enfants. « Dans ces situations, un petit coup de pouce financier peut avoir un impact considérable », croit-il.

PORTRAIT

Claude, 67 ans, employé dans une organisation parapublique

Revenu net : 90 000 $

ACTIFS

Régime de retraite : 1 185 000 $

REER : 185 000 $

CELI : 52 000 $

Autres épargnes : 125 000 $

Copropriétaire d'une maison d'une valeur de 400 000 $ (entièrement payée)

Dettes : aucune

Dépenses domestiques annuelles : 32 000 $

PRIVILÉGIER LE DON PLANIFIÉ

ue Claude soit rassuré, il a les moyens de donner.

« Cet homme a un bon revenu, n'a pas de dette et possède un excellent régime de retraite et de bonnes épargnes. Si, à la retraite, il conserve son coût de vie qui me semble déjà très raisonnable, il aura amplement d'argent pour réaliser ses projets philanthropiques tout en assurant ses propres besoins pour plusieurs années », analyse Hélène Marquis, directrice régionale, planification fiscale et successorale, chez Gestion privée de patrimoine CIBC.

L'experte rappelle que nul n'a besoin d'être riche pour faire des dons. « C'est une conception erronée qu'entretiennent bien des gens, remarque-t-elle. Il est vrai que donner comporte un coût, mais il existe des avantages fiscaux qui en diminuent l'impact sur les finances personnelles. »

Hélène Marquis recommande à Claude de faire un don planifié. « Un don planifié est un don auquel on a réfléchi, explique-t-elle. On s'engage de notre vivant auprès d'un organisme. On choisit le meilleur actif à donner - celui qui avantagera toutes les parties - et on cherche des façons de le maximiser. Avec un don planifié, on peut donner beaucoup plus avec les mêmes ressources. »

Selon l'experte, cette façon de faire est moins périlleuse que l'inscription d'un don d'argent dans son testament. « On peut perdre le contrôle : s'il y a des membres de la famille qui ne sont pas d'accord, on s'expose à une contestation du testament », estime-t-elle.

Le don planifié se décline de plusieurs façons. Voici quatre suggestions de notre experte.

LA POLICE D'ASSURANCE VIE

Claude étant en bonne santé, il peut souscrire à une police d'assurance vie qu'il donnera de son vivant à l'organisme de son choix. « Après avoir versé la première prime, il transférera la propriété de l'assurance à l'organisme qui en sera aussi le bénéficiaire, indique Hélène Marquis. Chaque année, il lui versera la prime et, en échange, il se verra accorder un crédit d'impôt pour don de bienfaisance de 48,2 % [taux applicable pour des dons de plus de 200 $]. » À la mort de Claude, l'organisme récupérera le capital-décès libre d'impôt.

Claude pourrait aussi choisir de demeurer propriétaire de la police et désigner l'organisme comme bénéficiaire. Le crédit d'impôt ne s'appliquera alors qu'à sa mort. « Cette stratégie comporte des risques de se priver d'avantages fiscaux, car une partie des crédits d'impôt pourraient être perdus si les impôts dus par la personne décédée et sa succession ne sont pas assez élevés », fait remarquer Mme Marquis.

Bon à savoir : l'Agence du revenu du Canada tient à jour une liste des organismes de bienfaisance enregistrés et autorisés à remettre des reçus officiels.

DON D'UN REER OU D'UN FERR

Claude dispose d'un très bon régime de retraite. Peut-être suffira-t-il à subvenir à ses besoins. Son REER (ou son FERR, du moment où il aura 71 ans) deviendrait du coup un actif excédentaire. Si c'est le cas, Hélène Marquis fait remarquer qu'il pourrait en faire don selon un plan échelonné sur plusieurs années. « Le crédit d'impôt qu'il en retirera lui permettra d'effacer en partie l'impôt payable sur ces sommes qu'il sera obligé tôt ou tard d'encaisser », dit l'experte.

DON DE BIENS IMMOBILIERS

Claude peut aussi choisir de léguer sa propriété à un organisme caritatif au décès du dernier conjoint survivant. Pour plusieurs philanthropes, cette façon de faire ouvre la porte à un don plus important que ce qu'ils croyaient pouvoir faire.

Comme il s'agit de la résidence principale de Claude, sa succession sera exonérée de payer l'impôt sur le gain en capital. S'il fait don de sa propriété de son vivant tout en continuant de l'habiter, il pourrait avoir recours à la fiducie résiduaire de bienfaisance. Placé dans la fiducie, le bien immobilier génère des intérêts viagers qui sont versés au donateur. L'organisme remet aussi un reçu fiscal équivalant à la valeur de l'intérêt résiduel applicable pour l'année du don et les cinq suivantes.

DON DE TITRES 

Ce type de don permet au donateur d'être exempté de l'impôt sur le gain en capital. L'organisme caritatif émet en outre un reçu correspondant à la juste valeur marchande à la date du transfert des titres (actions, obligations ou fonds communs de placement), moins les frais de transaction.

LA PRÉFÉRENCE DE L'EXPERTE

Parmi toutes ces options, Hélène Marquis préfère de loin le don du vivant d'une police d'assurance vie. « Le donateur fait d'une pierre deux coups : il reçoit un crédit d'impôt qu'il peut réinvestir dans le prochain paiement de la prime et il donne une somme substantielle à son décès », insiste-t-elle. De plus, il devient impossible pour qui que ce soit de contester le don. Claude serait donc assuré d'atteindre son but.