Créatifs, ils sont souvent basés à l'extérieur du Québec. Leurs victimes ont peu de recours : une enquête n'est ouverte que lorsque le vol excède quelques milliers de dollars. Dans ces circonstances, le mieux que l'on puisse faire, c'est prévenir.

FRAUDE AMOUREUSE : L'HISTOIRE DE VALÉRIE

Valérie fait la connaissance d'Edward en 2009 dans un hôtel tout inclus en République dominicaine. Edward est un animateur de 27 ans, père de deux enfants.

Valérie a 17 ans. Ils passent la semaine ensemble, elle lui rend même visite dans sa chambre.

« C'était plus amical dans ce premier voyage, même si on a eu des rapports, se souvient Valérie. Ma soeur avait rencontré son copain en même temps. On a décidé sur un coup de tête d'y retourner deux mois plus tard. »

Valérie revoit Edward, qui l'amène chez lui et la présente à son frère. De retour au Québec, l'amoureuse Valérie reçoit des messages textes affectueux.

Toutefois, au bout de quelques semaines à peine, le ton change. « Du jour au lendemain, il n'y avait plus beaucoup de travail à l'hôtel, les temps étaient durs, il aurait aimé mieux nourrir ses filles », énumère Valérie.

Edward demande de l'argent et explique à Valérie comment le transférer via Western Union. Elle envoie 100 $. Il en redemande un mois plus tard.

Elle finira par lui envoyer ce montant toutes les semaines. « En tout, environ 10 000 $ », indique Valérie.

Après trois ans et une douzaine de visites en République dominicaine, Valérie comprend qu'Edward ne fréquente pas qu'elle. Il voit régulièrement une Italienne dans la quarantaine, que Valérie croise souvent à l'hôtel.

Elle aussi donne beaucoup d'argent à Edward. « Il a même pu s'acheter une voiture, chose que très peu de Dominicains peuvent se permettre, raconte Valérie. Je n'en avais pas, de char, moi ! »

Si tout s'était déroulé comme prévu, Valérie et Edward se seraient mariés après les Fêtes. Valérie a coupé les ponts, mais elle reçoit encore des messages textes de sa part, dans lesquels il demande de l'argent.

« Tout au long de ma relation, j'avais un léger doute, conclut Valérie. On sent ces choses-là. Je pense qu'on préfère juste fermer les yeux, se dire que lorsqu'il sera ici, ce sera un gars correct, qu'on va vivre une belle vie et que ça va être le passé. »

SANKY PANKY

En République dominicaine, on appelle Sanky Panky les hommes qui se font entretenir par une touriste. Il n'y a malheureusement pas vraiment de recours pour récupérer son argent.

« Il n'y a pas grand-chose à faire, confirme Louis Robertson, gestionnaire du Centre antifraude du Canada. Ça devient une enquête internationale, et il est assez difficile de récupérer l'argent. Son 10 000 $, elle doit l'oublier. »

FRAUDE PAR COURRIER OU PAR COURRIEL

Pour obtenir quelque chose de sa victime, le fraudeur doit entrer en communication avec elle. Quoi de plus facile que le courriel ?

Il ne faut pas cliquer sur des liens dans un courriel douteux, même s'il est transféré par un ami. On risque de se faire implanter un virus malveillant qui peut voler nos informations financières. Il est possible de ne pas s'en rendre compte immédiatement. Parfois le virus n'entrera en action qu'à notre prochaine connexion au service bancaire.

Les courriels nous pressant de venir en aide à un inconnu atteint d'une maladie grave sont à supprimer, avant même l'ouverture. 

Il faut aussi porter une attention particulière à l'adresse courriel, un bon indice de la provenance du courriel. « Yahoo.com, par exemple, est souvent utilisé par les gens d'Afrique de l'Ouest et du Nigeria, en particulier, indique Louis Robertson, gestionnaire du Centre antifraude du Canada. »

PAR COURRIER

Les fraudeurs tentent aussi de nous avoir par le bon vieux courrier. Une lettre à notre nom, à notre adresse, nous informe d'un héritage qu'on peut toucher si on débourse un certain montant. La lettre semble provenir d'Europe.

Attention : le timbre est trafiqué, la lettre vient en fait de Chine, et c'est une arnaque. Pour se protéger, Louis Robertson suggère de surveiller les fautes d'orthographe. Une institution n'entachera pas sa réputation avec une lettre en mauvais français. Par contre, c'est aussi un truc des fraudeurs qui vise un public crédule.

« Les fraudeurs font maintenant exprès de placer des fautes dans les messages pour que les gens moyennement bons en français jettent la lettre, souligne Louis Robertson. Le document vise plutôt des personnes qui ont peu d'instruction et qui risquent de se faire frauder plus facilement. »

FRAUDE PAR CARTE DE CRÉDIT OU CARTE DE DÉBIT

Lorsqu'on se fait cloner ou voler sa carte, on doit évidemment prévenir son institution bancaire pour la faire annuler.

Cependant, la fraude par carte constitue non seulement un vol d'argent, mais aussi un vol d'identité. Il est important de le déclarer à la police de quartier, qui pourra remplir un rapport et en fournir une copie. De cette façon, si des achats sont faits en notre nom par la suite, on pourra les contester auprès de notre banque.

ASSURANCE CONTRE LA FRAUDE

L'assurance contre la fraude peut sembler une bonne option pour se faire rembourser si un jour on est victime de fraude par carte. Est-ce vraiment nécessaire ?

« Si on fait attention à ses renseignements personnels, explique Louis Robertson du centre antifraude du Canada, et qu'on est capable d'expliquer à la banque que toutes les mesures nécessaires ont été prises pour se protéger, les chances que l'on soit mis en cause sont minimes. »

La banque fera une enquête, elle en fait toujours. Mais si on n'a rien à se reprocher, si, par exemple, on n'a pas donné son NIP à quiconque, on sera vraisemblablement remboursé. Assurance ou pas.

QUE FAIRE LORSQU'ON EST VICTIME DE FRAUDE ?

Il faut aller voir le service de police local, qui rédigera un rapport. Si la fraude a eu lieu par carte ou par intrusion dans son ordinateur, on va ensuite voir la banque avec le rapport de police. Si on n'est pas en faute, la banque finira par rembourser les achats qui peuvent avoir été faits en notre nom.

Ça se complique si on donne volontairement l'argent à des fraudeurs, par exemple par MoneyGram ou Western Union. Même si on s'est fait berner, on a probablement perdu cet argent pour toujours.

« Il y a de fortes chances que l'on ne retrouve pas cet argent à cause du fonctionnement des agences telles que MoneyGram, explique Louis Robertson. L'argent peut être dans n'importe quelle succursale au monde. Par exemple, on croit avoir affaire à Jean-Paul qui réside au Québec, mais Jean-Paul habite en France. Si l'argent est déjà parti, comment peut-on enquêter sur une personne qu'on ne connaît même pas, et dont on ignore le lieu de résidence ? Je ne dis pas qu'il n'y a pas de recours, mais pour certaines fraudes, c'est très difficile ! »

SEPT TRUCS POUR ÉVITER LA FRAUDE CHEZ SOI

UN RÉSEAU WI-FI DOIT ÊTRE SÉCURISÉ POUR ÊTRE SÉCURITAIRE

Il est possible d'intercepter des conversations ou des transactions en se connectant au même réseau. Pour éviter ce problème, on doit sécuriser son réseau grâce à un mot de passe. Ça évitera aussi les intrus qui se connectent illégalement à son réseau et qui font grimper la facture d'internet en accédant à des sites payants ou en téléchargeant des données. 

Il faut également être prudent quand on utilise les réseaux publics. Il est rare que des informations filtrent lors du banal furetage en ligne. Toutefois, il serait judicieux de ne pas effectuer de transactions bancaires en utilisant le réseau d'un commerce, même avec son téléphone intelligent.

« Si vous allez sur le réseau wi-fi du Tim Hortons et que vous faites une transaction en ligne avec votre téléphone, vous pouvez avoir des problèmes, prévient le gestionnaire du Centre antifraude du Canada Louis Robertson. Les fraudeurs savent où sont l'argent et les informations personnelles. »

PAS D'INFORMATIONS PERSONNELLES PAR COURRIEL

Les informations personnelles valent de l'or pour les fraudeurs. Avec elles, on peut louer ou acheter des biens, souscrire à des hypothèques, vider un compte bancaire, demander des cartes de crédit et même voyager.

Il est impératif de surveiller jalousement ses propres informations, tout particulièrement sur l'internet. Les auteurs de fraudes par courriel sont de plus en plus créatifs. Certains réussissent même à se faire passer pour Revenu Canada ou une banque en imitant leurs formulaires. Dans ces courriels, on demande des détails que ces organismes ne demandent jamais, comme le numéro de passeport.

« Il est rare que les banques vous contactent par courriel, prévient Jean Jacques Préaux, porte-parole de l'Office de la protection des consommateurs. Habituellement, ça va se faire par téléphone. »

PASSER LES PAPIERS À LA DÉCHIQUETEUSE

Lorsqu'on veut se débarrasser de papiers personnels, on les met généralement au bac de recyclage, et on descend le bac sur le trottoir. Attention ! Des renseignements personnels se trouvent aussi dans les lettres et les factures.

« Les gens ne devraient jamais au grand jamais jeter des papiers personnels dans le bac, soutient le sergent Claude Denis, porte-parole de la Sûreté du Québec. L'usurpation d'identité se produit quand quelqu'un obtient et utilise des renseignements personnels à des fins criminelles, comme des relevés bancaires. »

La solution ? La déchiqueteuse, ou encore une bonne paire de ciseaux. Il faut une patience d'ange pour reconstituer le casse-tête des papiers réduits en copeaux, et aucun ange ne devient fraudeur.

La Sécurité du Québec organise d'ailleurs une opération déchiquetage dans plusieurs villes du Québec le 28 mars prochain, dans le cadre du Mois de la prévention de la fraude. Il suffit d'apporter ses boîtes de documents.

PROTÉGER SON ORDINATEUR

Pour se protéger contre les intrusions dans son ordinateur personnel, le logiciel antivirus est essentiel. Malheureusement, le logiciel gratuit téléchargé en ligne ne suffit plus, selon le gestionnaire du Centre antifraude du Canada Louis Roberston. « Personne n'a envie de payer 90 $ par année pour un antivirus, mais c'est plus sûr d'acheter un bon antivirus », insiste-t-il.

Les ordinateurs contiennent trop d'informations personnelles pour être traités à la légère. Il est important d'en bloquer l'accès grâce à un mot de passe et aussi d'effacer le disque dur d'un ordinateur qui ne servira plus.

« Les gens peuvent se servir d'un logiciel qui détruit de façon permanente ce qui se trouve sur le disque dur, un utilitaire de formatage », indique le sergent Claude Denis.

IL N'Y A PAS D'AMOUR EN TROIS MESSAGES

Les fraudes amoureuses menées sur Facebook sont de plus en plus courantes. Ça commence par le gentil message d'un avocat ou d'un médecin vivant de l'autre côté de l'océan. Docteur Untel tombe follement amoureux de vous après un ou deux clavardages. Après quelques semaines de bonheur électronique, la mère dudit Docteur tombe malade et a besoin d'argent. De votre argent.

La fraude est évidente, mais bien des gens s'y font encore prendre. Pour se protéger, il faut modifier ses paramètres de sécurité Facebook de manière à ne pas recevoir de messages d'inconnus. Il faut aussi un brin de jugeote.

« Comment peut-on tomber en amour après le troisième courriel ?, s'étonne Louis Robertson du Centre antifraude du Canada. Si vous n'êtes pas en mesure d'aller prendre un café avec la personne, ne lui faites pas confiance. Ce n'est peut-être pas la personne de vos rêves. »

SE DÉCONNECTER À LA FIN DE LA SESSION

Les sessions bancaires doivent être quittées de façon sécuritaire, après quoi on doit vider la mémoire cache. Fermer la fenêtre ne suffit pas. Cela évitera la perte d'information ou d'argent en cas d'intrusion dans son ordinateur.

« La page d'accueil de l'institution financière expliquera sûrement comment quitter son site et vider la mémoire cache », souligne le sergent Claude Denis.

C'est aussi valable pour les sites de courriel, les sites d'achats en ligne et pour Facebook.

UN INDICATIF CONNU

Mieux vaut ne pas décrocher le combiné lorsque l'on voit s'afficher un indicatif régional que l'on ne connaît pas.