On dit souvent qu'il n'y a pas d'âge pour tomber amoureux mais ce dicton s'applique-t-il aussi lorsqu'on veut changer de carrière? En tout cas, Charlotte, 63 ans, de Montréal, n'a pas hésité une seconde. L'année dernière, elle s'est inscrite à une formation de huit mois en restauration architecturale, un domaine qui la passionne depuis toujours. Voilà qui est bien courageux pour cette traductrice de carrière.

Sauf qu'aujourd'hui, après réflexion, elle se demande si elle a vraiment envie de retourner sur le marché du travail, surtout à temps plein, elle qui n'a presque pas travaillé depuis 2002 et qui a eu quelques problèmes de santé.

«Je ne me vois pas du tout faire du 9 à 5 à l'année longue», dit Charlotte, qui perçoit son nouveau métier davantage comme un hobby.

L'ennui, c'est qu'elle ne sait pas si elle a les moyens financiers de choisir de travailler ou pas. Sans revenu d'emploi depuis quelques années, elle vit de sa rente de la RRQ et surtout de son coussin accumulé grâce à quelques beaux coups d'argent réalisé en immobilier, lorsque après avoir acheté et rénové un immeuble à revenus et un condo, elle les a revendus à profit.

Idéalement, dit-elle, elle aimerait racheter une maison en banlieue - elle vit en logement et déteste payer un loyer - et la retaper comme elle l'a déjà fait. Ce serait une façon de mettre en pratique ce qu'elle a appris durant sa formation, sans le stress d'être obligée de se pointer au boulot tous les matins.

«Mais je ne sais pas si c'est possible, dit-elle. Chaque fois que je demande conseil à un planificateur financier, tout ce qu'il essaie de faire est de me vendre des produits!»

Même si, comme traductrice, elle a travaillé toute sa vie pour un employeur sans fonds de retraite, puis quelques années comme pigiste, Charlotte s'est bien débrouillée financièrement. Elle dispose d'un capital hors-REER de 370 000$, d'un REER de 250 000$, d'un CELI de 15 000$ et d'un portefeuille de rente garantie à vie qui lui assurera à compter de 65 ans, une rente de 3760$ par année.

Son plan serait donc d'utiliser 200 000$ de ses économies, ainsi que 25 000$ de son REER, pour acheter sa maison en banlieue. Pour 225 000$, elle pense trouver quelque chose de potable.

Un budget avant tout

La première chose à faire dans toute planification financière est de déterminer son train de vie, souligne le planificateur financier indépendant Éric F. Gosselin. C'est une information cruciale, qui varie énormément d'un individu à l'autre, et que bizarrement, beaucoup de gens ne connaissent pas lors du processus de planification de la retraite. Ils vont généralement sous-évaluer le besoin véritable, ce qui ne donne pas de bons résultats. Charlotte, elle, n'avait pas fait de budget depuis fort longtemps; M. Gosselin lui a donc demandé de faire cet exercice, qu'elle a d'ailleurs trouvé très enrichissant et éclaircissant.

Première surprise, ses besoins qu'elle qualifie de modestes - à 22 200$ par année - pourront être comblés en totalité par le capital amassé, les pensions gouvernementales et sa petite rente, malgré l'utilisation de 225 000$ pour l'achat de la maison. Le spécialiste estime que Charlotte peut même hausser son style de vie à 29 675$ par année net d'impôt et utiliser son capital jusqu'à l'âge de 95 ans (sans obligation de vente de sa maison). Sa nouvelle profession n'est donc pas essentielle à sa survie. Les revenus générés serviront à lui permettre de se gâter, pas de stress en perspective!

Pas de RAP!

L'une des stratégies envisagée par Charlotte serait de profiter du Régime d'accession à la propriété (RAP). Ce programme permet de retirer jusqu'à 25 000$ de ses régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER) pour acheter ou construire une maison. Elle en aurait le droit puisqu'elle n'a pas été propriétaire d'une habitation pendant plus de quatre ans.

Éric Gosselin ne le lui conseille pas.

D'abord, elle dispose de suffisamment de liquidités hors-REER pour financer complètement sa propriété; ensuite, cela n'est pas la meilleure stratégie sur le plan fiscal. Le planificateur fait valoir que de piger dans des placements dont les revenus s'accumulent à l'abri de l'impôt alors que d'autres investissements, dont les revenus sont imposés annuellement, pourraient être utilisés, n'est pas optimal. En fait, si Charlotte utilisait le RAP, son capital serait réduit à zéro deux ans plus tôt. Ou encore, elle devrait réduire son niveau de vie de près de 1000$ par année pour obtenir le même résultat.

«Ça vaut la peine de faire les calculs!» dit Éric Gosselin.

Parlant «d'efficacité fiscale», M. Gosselin lui suggère de convertir tous les ans en CELI, 5000$ de ses investissements hors-REER. Cette stratégie lui permettra de payer moins d'impôts sur les revenus de placement, d'augmenter légèrement son niveau de vie ou laisser un peu plus d'argent en héritage à sa fille.

Vraiment, la situation financière de Charlotte lui permet d'envisager sa nouvelle carrière avec optimisme mais surtout, sans stress financier l'obligeant à prendre tous les contrats qui passent; elle pourra choisir.

«C'est ça la retraite; faire ce que l'on veut, comme on veut, quand on veut», conclut le planificateur financier.