Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean Duguay, d'Eterna.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

C'est la situation en Europe. Tout le monde a les yeux tournés vers les problèmes de dettes de la zone euro. La question est à savoir si l'Allemagne est prête à soutenir le plan de sauvetage des pays en défaut de paiement : la Grèce, le Portugal, l'Irlande et possiblement l'Italie. Ce sera difficile à faire avaler aux électeurs...

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment ?

En fin de semaine, il y a une réunion des 17 pays de la zone euro. Et puis, les 4 et 5 novembre, il y aura une rencontre des pays du G20 pour essayer de trouver une solution aux problèmes. Je vais regarder ce qui ressort de tout ça : est-ce que les mesures annoncées vont rassurer les marchés ou plutôt confirmer les craintes des investisseurs à l'effet que les problèmes vont continuer de s'aggraver ?

J'observe aussi le climat politique aux États-Unis. On en parle moins, parce que l'Europe retient toute l'attention. Mais il y a un comité qui a été formé aux États-Unis pour trouver le moyen de réduire le déficit budgétaire de 1000 milliards. La date butoir est le 23 novembre. Ça s'en vient vite ! Si jamais il n'y a pas d'entente, ça risque de brasser du côté américain.

Mais je suis convaincu que les Américains vont éviter la récession. Ce sont des guerres politiques qui empêchent les Américains de trouver des solutions. Mais j'ai bon espoir qu'ils vont tout mettre en oeuvre pour régler leurs problèmes. Ça m'inquiète moins que la situation en Europe. Mais ça reste à surveiller.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir ?

Pour se prémunir contre la volatilité, je dirais de conserver les liquidités ou d'investir dans des obligations du Canada ou des obligations de sociétés canadiennes solides. Ce sont des placements qui ne rapportent presque rien, mais ça vaut mieux qu'un recul.

Ma recommandation pourrait changer quand on y verra plus clair du côté de l'Europe. Lorsque le pire sera passé, il y a des sociétés américaines qui pourraient offrir de bons rendements. L'économie américaine est peut-être à risque, mais beaucoup de sociétés américaines ont énormément de liquidités qui leur permettent de réinvestir, de maintenir leur dividende ou de racheter leurs actions.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

Il faut éviter les marchés européens et les secteurs cycliques (matières premières, énergie, sociétés industrielles) qui vont rester sous pression si la situation continue de s'aggraver. Soyons extrêmement prudents, quitte à manquer le début du relèvement du marché. C'est la préservation du capital qui compte.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement ?

Je pense qu'on sous-estime la capacité des Américains à redresser leur situation. J'ai tendance à croire que l'économie américaine, sans connaître des taux de croissance extrêmement forts dans le futur, va quand même s'en tirer au cours des prochaines années.

Les données économiques sont moins négatives que tout le monde pense. Il y a peu d'amélioration du côté de l'emploi et de l'immobilier. Mais les indicateurs précurseurs commencent à montrer qu'il y a un redressement dans certains secteurs.

Et puis il y a énormément de liquidités dans les entreprises. Je suis convaincu que lorsque le niveau de confort sera un peu plus élevé, cet argent-là sera réinvesti dans l'économie. Les actionnaires n'endureront pas longtemps des rendements si bas sur une partie importante des actifs des entreprises. Au cours de 2012, on pourrait commencer à voir plus d'investissements. On pourrait avoir de bonnes surprises.

Fort de 25 ans d'expérience en finances, Jean Duguay est premier vice-président et gestionnaire principal chez Gestion de placements Eterna. La firme gère des actifs de plus de 700 millions, à Montréal et à Québec. Relancée il y a plus de 10 ans, Eterna est issue d'une institution qui a ses racines à Québec depuis 1928.