Après avoir tourné le dos à Gildan il y a quelques années parce que le fabricant montréalais de vêtements ne payait pas sa juste part d’impôt, la Caisse de dépôt et placement du Québec entend redevenir un important actionnaire de l’entreprise.

La Caisse a décidé de s’insérer dans le feuilleton qui se déroule chez Gildan depuis cinq mois en révélant mercredi son intention d’investir 200 millions dans l’entreprise.

Une bataille pour le contrôle de l’entreprise a été déclenchée en décembre après le licenciement soudain du fondateur et PDG de longue date Glenn Chamandy pour des questions de succession et de stratégie.

Plusieurs actionnaires institutionnels ont rapidement exprimé publiquement leur désaccord et demandé le retour en poste de Glenn Chamandy. La firme d’investissement américaine Browning West est l’actionnaire portant le flambeau pour les dissidents.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Glenn Chamandy, ancien PDG de Gildan

Browning West souhaite reconstituer le conseil d’administration afin de remettre Glenn Chamandy aux commandes pour remplacer Vince Tyra, qui est devenu PDG l’hiver dernier. Browning West a présenté sa liste de candidats pour les postes d’administrateurs en vue du vote qui se déroulera à l’assemblée des actionnaires à la fin de mai.

La direction de Gildan vient de donner une nouvelle tournure à la situation en annonçant en fin de journée mercredi que l’entreprise entendait émettre pour 200 millions de dollars de billets de premier rang non garantis à la Caisse de dépôt dans le cadre d’un placement privé.

Gildan dit vouloir utiliser l’argent récolté auprès de la Caisse pour financer son programme de rachat d’actions ordinaires et pour rembourser une tranche de sa dette arrivant à échéance.

La clôture de la transaction est toutefois prévue en juin, après l’assemblée des actionnaires qui se tiendra le 28 mai, ce qui laisse planer un doute sur l’opération de financement advenant une « victoire » de Browning West lors du vote servant à élire les administrateurs.

L’opération annoncée avec la Caisse est conditionnelle à l’exécution réussie de la « vérification diligente de confirmation et d’autres exigences de clôture habituelles ».

Appelée à offrir des précisions sur les conditions, la direction de Gildan n’a pas souhaité s’exprimer davantage. Également interpellée par La Presse, la Caisse a simplement indiqué qu’elle effectuerait une vérification diligente « usuelle ».

Un porte-parole a cependant précisé que la Caisse ne détenait toujours aucune action de Gildan et qu’elle ne pourrait donc pas voter lors de l’assemblée des actionnaires dans trois semaines.

En annonçant l’investissement de la Caisse mercredi, Gildan a souligné avoir convenu de maintenir une direction locale « solide » et son siège social mondial au Québec pour au moins sept ans, en plus de s’engager à payer l’impôt minimum mondial.

La décision de la Caisse d’investir à nouveau dans Gildan survient deux ans après que le plus important investisseur institutionnel du Québec a perdu patience et vendu toutes ses actions de Gildan parce que l’entreprise ne payait pas à ses yeux sa juste part d’impôt.

La décision de la Caisse arrive aussi alors que Gildan a révélé en mars être en pourparlers avec des acquéreurs potentiels et après que la direction a fait savoir en avril que l’acquisition de la société continuait de susciter un intérêt externe et que le processus se poursuivait.

« Avec son conseil d’administration renouvelé et son nouveau chef de la direction, Gildan a le bon plan d’affaires et prend des engagements clairs pour maintenir son siège social au Québec et pour payer l’impôt minimum mondial. C’est pourquoi la CDPQ a décidé d’appuyer la croissance de cette grande entreprise québécoise », a commenté par communiqué la première vice-présidente et cheffe pour le Québec de la Caisse, Kim Thomassin.

Il s’agit d’une première étape vers un partenariat plus large avec notre intention de devenir un actionnaire important de l’entreprise dans ce nouveau contexte.

Extrait du communiqué de Kim Thomassin, première vice-présidente et cheffe pour le Québec de la Caisse

Cet investissement de la Caisse dans Gildan réjouit évidemment la direction de l’entreprise. « Nous considérons qu’il s’agit d’une importante validation de notre conseil, de notre équipe de direction et de notre engagement continu envers la création de valeur pour nos actionnaires », a aussi indiqué par communiqué Tim Hodgson, président du conseil de Gildan.

Joint en début de soirée, Browning West s’est refusé à tout commentaire. Il n’a pas tout de suite été possible d’obtenir la réaction du gestionnaire d’actifs montréalais Jarislowsky Fraser, l’un des plus importants actionnaires de Gildan, qui s’oppose aussi depuis décembre au changement de PDG. Sa décision pèsera lourd dans l’issue du vote le 28 mai.