Le grand patron de la Banque Nationale dénonce la hausse d’impôt sur le gain en capital et souhaite plutôt un allègement du contexte réglementaire et fiscal.

« Le signal lancé par l’annonce de l’augmentation de la taxe sur le gain en capital n’est pas bon. Ça n’envoie pas le bon message pour la prise de risque, l’innovation, la création d’entreprise et ultimement la création de richesse et du tissu social du pays », a dit Laurent Ferreira vendredi.

Le PDG de la plus grande banque québécoise a fait ces commentaires en marge de l’assemblée annuelle des actionnaires de l’institution financière au centre-ville de Montréal.

« À long terme, on ne verra pas une augmentation de la productivité au pays avec une telle mesure », dit-il.

Ottawa a annoncé dans son budget déposé mardi que les gains supérieurs à 250 000 $ réalisés dans une année seront désormais imposables aux deux tiers au lieu de la moitié.

Québec a rapidement suivi en annonçant que son régime fiscal allait s’aligner sur celui du gouvernement fédéral. Le gouvernement québécois a dit prendre cette décision pour maintenir une cohérence avec le système fiscal fédéral.

Laurent Ferreira soutient que le facteur clé pour stimuler l’investissement demeure l’allègement du contexte réglementaire et fiscal.

« Il faut aller plus vite. C’est difficile en ce moment dans plusieurs industries. En construction résidentielle, notamment, il y a un fardeau important au niveau réglementaire. Il y a énormément de complexité dans l’obtention de permis. Il faut que ce soit simple », dit le banquier de 53 ans.

« Au niveau fiscal, on commence à ne plus être compétitif vis-à-vis des États-Unis. La différence était d’approximativement 6 % au niveau de l’impôt sur le gain en capital entre le Canada et les États-Unis. C’est rendu à 16 %. Les capitaux privés bougent. Si on conserve ces mesures en place, je crains de voir les capitaux se diriger vers les États-Unis au lieu de rester au Canada. Pour encourager l’entrepreneuriat, il faut abaisser le taux d’imposition des PME », dit-il.

« C’est là où on va dynamiser la prise de risque, l’investissement et l’innovation. »

Lettres ouvertes

La productivité doit être une priorité, dit-il, et ça requiert une stratégie d’investissement forte. Il souligne que la situation a d’ailleurs été exposée le mois dernier dans une lettre ouverte présentée par le gestionnaire d’actifs montréalais Letko Brosseau. Cette lettre a été signée par des dizaines de PDG, dont Laurent Ferreira.

La lettre de Letko Brosseau visait notamment à encourager Ottawa et les gouvernements provinciaux à modifier la réglementation sur les pensions afin d’amener les caisses de retraite canadiennes à investir davantage au pays.

Lisez notre texte « Tir groupé pour plus d’investissement au pays »

Le patron de la Banque Nationale précise que l’intention était d’alimenter la discussion entourant le défi à relever sur l’investissement et la productivité au pays.

Tous les investisseurs et les banques doivent contribuer pour renforcer l’économie canadienne en investissant à l’intérieur de nos frontières. Le rôle du gouvernement est essentiel pour créer un environnement opérationnel qui stimulera et encouragera les investissements au Canada pour nos investisseurs nationaux et étrangers.

Laurent Ferreira, PDG de la Banque Nationale

Pour ce faire, poursuit-il, les barrières réglementaires et fiscales qui entravent aujourd’hui l’attractivité du Canada doivent être levées. « C’est le seul moyen d’accroître la productivité et d’empêcher une nouvelle baisse du niveau de vie des Canadiens. Cela implique que nous travaillions tous en partenariat avec les universités, le secteur privé et le gouvernement pour construire des écosystèmes solides et des industries compétitives qui attireront les capitaux. »

Les propos de Laurent Ferreira font écho à ceux du Conseil canadien des innovateurs (CCI). Cet organisme créé par des chefs d’entreprise technologiques a signé une lettre ouverte cette semaine demandant au fédéral de revenir sur sa décision d’augmenter l’impôt sur les gains en capital.

Cette organisation craint que les changements fiscaux freinent l’innovation et amoindrissent la productivité. Ce regroupement de gens d’affaires souligne notamment que les travailleurs hautement qualifiés sont plus mobiles que jamais, et parmi les entreprises innovantes à forte croissance, les options d’achat d’actions (assujettis à l’impôt sur le gain en capital) constituent une forme clé de rémunération.