Une centaine de gens d’affaires appellent le gouvernement à modifier la réglementation sur les pensions

Une centaine de gens d’affaires bien en vue joignent leur voix à celle du gestionnaire d’actifs montréalais Letko Brosseau pour encourager Ottawa et les gouvernements provinciaux à modifier la réglementation sur les pensions, afin d’amener les caisses de retraite canadiennes à investir davantage au pays.

Les investisseurs les plus importants pour l’avenir du Canada n’investissent presque plus au pays, regrettent-ils à l’unisson.

Letko Brosseau déplore depuis plusieurs années que les caisses de retraite du pays se défassent des actions canadiennes, une situation ayant des répercussions sur la croissance économique et qui, selon le gestionnaire d’actifs, devrait représenter un enjeu politique important pour les Canadiens et le gouvernement.

Pour sensibiliser la population à cet enjeu et tenter d’élargir le débat, une lettre ouverte signée par Letko Brosseau et une centaine de personnalités du milieu des affaires est publiée ce mercredi dans la section Dialogue de La Presse, le Globe & Mail, Le Devoir et le Financial Post.

La liste des signataires compte notamment les noms d’Alain Bouchard (Couche-Tard), Laurent Ferreira (Banque Nationale), Eric La Flèche (Metro), Pierre Karl Péladeau (Québecor), Louis Audet (Cogeco) et Éric Martel (Bombardier).

Les caisses de retraite canadiennes ont réduit leur participation dans les sociétés canadiennes cotées en Bourse de 28 % de leur actif total à la fin de l’année 2000 à moins de 4 % à la fin de 2023.

Extrait de la lettre adressée au ministre des Finances du Canada et aux ministres provinciaux des Finances

Il est précisé que les investissements effectués au Canada ont un impact sur les portefeuilles, mais aussi sur l’économie canadienne : création d’emplois, amélioration des revenus et augmentation des cotisations aux régimes de retraite. Moins d’investissement dans les entreprises canadiennes augmente leur coût de capital, diminue leur valeur, et réduit leur capacité de croissance, ce qui rend le Canada moins attrayant, souligne-t-on.

« Sans le parrainage du gouvernement et une aide fiscale considérable, les fonds de pension n’existeraient pas. Le gouvernement a le droit, la responsabilité et l’obligation de réglementer le fonctionnement de ce régime d’épargne », est-il ajouté.

Favoriser l’investissement au Canada devrait être une priorité nationale, selon les signataires, et ces derniers affirment qu’ils appuieraient un effort politique visant à modifier les règles régissant les caisses de retraite afin de les encourager à investir au Canada.

Il faudrait également, selon eux, envisager d’inciter d’autres investisseurs à consacrer davantage de capitaux aux investissements nationaux.

Des solutions

Daniel Brosseau, l’un des cofondateurs de Letko Brosseau, dont l’actif sous gestion s’élève à environ 17 milliards, a documenté la situation et présenté ses préoccupations aux autorités compétentes. Lui et son collègue Peter Letko croient que les gouvernements réfléchissent actuellement à des mesures qui pourraient être mises de l’avant.

« L’impact des caisses de retraite ne se limite pas aux pensions », dit Daniel Brosseau en entrevue. « Les investissements ont aussi un impact sur l’économie qui n’est pas à négliger. C’est peut-être hors de la capacité des gestionnaires de caisses de retraite d’en tenir compte. Ça ne veut toutefois pas dire qu’il faut l’ignorer si eux ne peuvent le faire. Les gouvernements pourraient créer un petit avantage qui permettrait au système d’en tenir compte. »

Les caisses de retraite doivent pouvoir investir là où il leur semble être le mieux, au Canada ou ailleurs, et dans le secteur qu’elles veulent, dit Daniel Brosseau. Mais des solutions relativement simples existent au problème soulevé, selon lui.

Il propose notamment une réglementation comportant une réserve. « Si une caisse de retraite investit au Canada, elle n’a pas de réserve à prendre, mais si elle investit à l’étranger, il y aurait une réserve à prendre et le rendement sur cette réserve lui appartiendrait, mais ne compterait pas dans son évaluation actuarielle de solvabilité. » Ça ferait en sorte, ajoute-t-il, que si un gestionnaire croit pouvoir obtenir un bien meilleur rendement ailleurs, il pourra le faire en acceptant de prendre une réserve.

Et si à cas égal il préfère ne pas être forcé de mettre de l’argent de côté en prenant une réserve, l’investissement au Canada serait favorisé. « C’est un remède doux et c’est dans cet esprit qu’on a présenté nos solutions », dit Daniel Brosseau.

Les investissements nationaux ayant un impact ne se limitent par ailleurs pas à l’achat d’actions d’entreprises, souligne-t-il, car les caisses de retraite sont très « actives » dans les infrastructures, l’immobilier et les placements privés.

Un exemple d’investissement local ayant un impact économique est le REM, dit-il.