Deux semaines après qu’un actionnaire militant de Gildan a révélé sa stratégie visant à doubler les profits par action du fabricant montréalais de vêtements d’ici cinq ans, c’était au tour du nouveau PDG de Gildan, lundi, de présenter sa vision et ses cibles financières.

Pour stimuler la croissance, Vince Tyra entend notamment optimiser la chaîne d’approvisionnement, accorder une attention particulière à certains marchés internationaux, l’Europe de l’Ouest par exemple, et mettre à profit les marques propres à Gildan (comme American Apparel et Comfort Colors).

Sa stratégie fait aussi état de rachats d’actions et d’une croissance du dividende.

Vince Tyra concède en entrevue que la firme d’investissement américaine Browning West a présenté au début d’avril un plan de rachat d’actions plus ambitieux.

« Nous adoptons une approche plus conservatrice avec notre levier financier. Je ne suis pas à l’aise avec l’idée d’augmenter le niveau d’endettement dans le seul but de stimuler les rachats d’actions afin de potentiellement avoir un impact sur le multiple d’évaluation », dit-il.

Vince Tyra promet par ailleurs de présenter à l’automne un plan stratégique plus exhaustif.

Le dévoilement des priorités stratégiques du nouveau patron de Gildan survient à quelques semaines seulement de l’assemblée des actionnaires prévue à la fin de mai et après que l’entreprise eut révélé le mois dernier être en pourparlers avec des acquéreurs potentiels.

À cet effet, Vince Tyra indique simplement qu’un comité spécial s’occupe du processus et qu’il n’en fait pas partie. Il n’a donc pas été possible de savoir si des propositions jugées intéressantes ont été reçues en date d’aujourd’hui.

PHOTO TIRÉE D'UNE CAPTURE D’ÉCRAN

Le PDG de Gildan, Vince Tyra, en vidéoconférence avec La Presse lundi soir.

Vince Tyra maintient les prévisions pour l’exercice en cours, alors que sur un horizon à moyen terme, c’est-à-dire 2025-2028, il anticipe un taux de croissance annuel composé des ventes dans le milieu d’une fourchette à un seul chiffre.

Pour cette période, il table sur des marges opérationnelles ajustées dans une fourchette cible de 18 % à 21 %, sur une croissance annuelle du bénéfice dilué par action ajusté entre le haut d’une fourchette à un seul chiffre et le bas d’une fourchette à deux chiffres, et entrevoit des dépenses d’investissement en pourcentage des ventes autour de 5 % par an en moyenne.

Sa présentation marque ses 90 jours à la barre de l’entreprise. Il a été nommé PDG le 11 décembre et est entré en fonction le 15 janvier.

Au début d’avril, Browning West – qui détient une participation d’environ 5 % dans Gildan – avait indiqué que son approche pourrait pousser l’action de Gildan à plus de 100 $ US d’ici cinq ans, un niveau 175 % plus élevé qu’aujourd’hui.

Browning West a dévoilé ce plan pour convaincre les actionnaires de soutenir sa campagne visant à reconstituer le conseil d’administration de Gildan et à ramener l’ex-PDG Glenn Chamandy aux commandes.

Le conseil de Gildan a licencié Glenn Chamandy en décembre pour des questions de succession et de stratégie. Il a été remplacé par Vince Tyra, un ancien dirigeant de Fruit of the Loom.

Dans les jours qui ont suivi le congédiement de Glenn Chamandy, Browning West a lancé une cabale visant à infirmer la décision. Plusieurs actionnaires institutionnels détenant ensemble environ 35 % des actions de l’entreprise, dont le gestionnaire d’actifs montréalais Jarislowsky Fraser, se sont tour à tour prononcés publiquement en faveur du retour de Glenn Chamandy.

Le plan de Browning West met notamment l’accent sur le déplacement de la fabrication de certains produits comme les t-shirts, par exemple, du Honduras vers le Bangladesh, où les coûts sont moins élevés, et utiliserait la capacité excédentaire du Honduras pour des vêtements molletonnés. Une hausse des rachats d’actions et l’utilisation de l’effet de levier pour accroître le rendement pour les actionnaires sont aussi au nombre des initiatives envisagées.

L’approche prévoit également l’introduction d’un plan de rémunération qui fixe des objectifs adaptés à l’ensemble des opportunités spécifiques de l’entreprise et l’attribution d’actions à tous les employés.

Maintenant que Browning West et Vince Tyra ont étalé leur vision de l’avenir pour Gildan, les actionnaires ont le choix entre ces deux options et peut-être aussi une proposition d’achat, advenant qu’une telle éventualité se concrétise d’ici la tenue de l’assemblée des actionnaires prévue à la fin de mai.

L’analyste Martin Landry, de la firme Stifel/GMP, juge que le plan de Vince Tyra manque de substance et de détails et qu’il est peu probable qu’il influence le vote des investisseurs. « La probabilité que Glenn Chamandy soit réintégré dans ses fonctions reste donc inchangée. »

Malgré le retour probable de Glenn Chamandy, cet expert s’attend à ce que l’action de Gildan soit sous pression à court terme. Il est probable, selon lui, que la firme d’investissement Coliseum Capital (qui appuie le conseil de Gildan) vende sa participation de 5 %.

Le plan communiqué remet également en question l’évaluation faite par un acquéreur potentiel puisque la direction anticipe une expansion des marges limitée, voire inexistante.

La question se pose donc à savoir combien un acquéreur potentiel serait prêt à payer, croit Martin Landry, alors que le plan de Browning West est trop optimiste et presqu’irréaliste, laissant peu de marge d’erreur.

Entre-temps, Gildan présentera le 1er mai sa performance financière de début d’exercice. L’entreprise a indiqué lundi que ses ventes des trois premiers mois de l’année devraient se chiffrer à environ 695 millions US, en baisse d’approximativement 1 % sur un an.