(Ottawa) Les législateurs ont réprimandé, lundi, le PDG d’Air Canada pour ses manquements « choquants » et « scandaleux » à l’égard des passagers handicapés.

Lors d’une audience d’un comité de la Chambre des communes sur les services destinés aux Canadiens handicapés, le patron d’Air Canada, Michael Rousseau, a été confronté à une avalanche de questions fondées sur des signalements faisant état de mauvais traitements envers les passagers au cours de la dernière année.

La vice-présidente conservatrice Tracy Gray a cité plusieurs incidents « choquants » : « Un monte-charge est tombé sur la tête d’une passagère, débranchant son respirateur ; Air Canada a oublié le fauteuil roulant de la dirigeante principale de l’accessibilité du Canada lors d’un vol pancanadien […] et un homme a été largué et blessé alors que le personnel d’Air Canada n’avait pas utilisé un ascenseur comme demandé. »

En août, un homme atteint de paralysie cérébrale spastique a été contraint de se traîner hors d’un avion, faute d’aide. Une situation que la députée du Bloc québécois, Louise Chabot, a qualifiée de « scandaleuse ».

La porte-parole du NPD en matière d’inclusion des personnes handicapées, Bonita Zarrillo, a demandé à M. Rousseau s’il avait déjà dû ramper dans une allée d’avion ou sortir sur un chariot de ravitaillement – en référence aux situations décrites – il a répondu « non, bien sûr que non ».

« Nous faisons des erreurs », a-t-il affirmé.

M. Rousseau a souligné un programme d’accessibilité accéléré annoncé en novembre ainsi que de nouvelles mesures visant à améliorer l’expérience de voyage de centaines de milliers de passagers handicapés.

La semaine dernière, le transporteur a formé un comité consultatif composé de clients handicapés et a mis en place un programme dans lequel un cordon porté par les voyageurs indiquera au personnel qu’ils pourraient avoir besoin d’aide.

« La grande majorité des clients qui demandent de l’aide en matière d’accessibilité à Air Canada ont une bonne expérience. Il existe des exceptions. Nous assumons la responsabilité de ces exceptions », a admis M. Rousseau. Il s’était excusé l’automne dernier pour les problèmes d’accessibilité de la compagnie aérienne.

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Michael Rousseau, PDG d’Air Canada

Mme Zarrillo a suggéré que les lacunes sont plus profondes que des faux pas occasionnels, affirmant que la « culture d’entreprise » d’Air Canada et le manque d’application de mesures fédérales expliquent les mauvais traitements, même après les réformes réglementaires des cinq dernières années.

Des failles dans la loi

La députée conservatrice Rosemarie Falk a demandé à M. Rousseau si la compagnie aérienne se conformait à toutes les réglementations. Il a d’abord évité une réponse ferme en répondant : « je ne peux pas répondre à cette question pour le moment ».

Après qu’il a finalement répondu par un « oui », Mme Falk a déclaré que les problèmes d’accessibilité de la compagnie aérienne dans un contexte de conformité alléguée à la loi suggéraient des « défauts majeurs » dans la Loi canadienne sur l’accessibilité, adoptée en 2019.

Toutefois, le député libéral Peter Fragiskatos a déclaré que le problème semblait résider davantage dans la mise en œuvre quotidienne de ces politiques que dans les règles ou les approches provenant de la haute direction.

Il a cité Jeff Preston, professeur agrégé d’études sur les handicaps l’Université King’s, qui a écrit qu’Air Canada dispose de cadres d’accessibilité à jour, mais qu’« aucune de ces politiques n’est adéquatement transférée du secteur juridique et corporatif vers la ligne de front. »

M. Rousseau a semblé d’accord avec cette affirmation : « Le problème principal, c’est l’incohérence. »

Des plaintes provenant de divers endroits

En décembre, le Comité paralympique canadien ainsi que certains para-athlètes ont exigé un meilleur transport vers les compétitions à l’étranger.

Cet appel faisait suite à des plaintes répétées d’athlètes paralympiques concernant de l’équipement endommagé ou cassé, en plus des vols retardés des compétiteurs canadiens qui se rendaient aux Jeux parapanaméricains au Chili, en novembre.

Le mois dernier, Air Canada a fait appel d’une décision du régulateur des transports du pays, qui vise à améliorer l’accessibilité pour les voyageurs handicapés. Si Air Canada remportait sa cause, le jugement annulerait l’obligation d’accommoder pleinement les passagers dont les fauteuils roulants sont trop grands pour entrer dans les soutes de l’avion.

Dans le cadre de son plan d’accessibilité sur trois ans, Air Canada s’est engagée à mettre en œuvre des mesures allant de la création d’un directeur de l’accessibilité à l’embarquement en priorité des passagers qui demandent une assistance.

L’entreprise montréalaise vise également à mettre en œuvre une formation annuelle et récurrente sur l’accessibilité – comme comment utiliser un support de transport – pour ses quelque 10 000 employés de l’aéroport. Il prévoit, en outre, d’inclure des aides à la mobilité dans une application permettant de suivre les bagages.

Les retards de vol – un problème persistant pour Air Canada, qui s’est classé dernier en matière de ponctualité l’année dernière sur 10 grands transporteurs nord-américains – affectent davantage les personnes handicapées, a reconnu M. Rousseau. Il a déclaré que les dernières mesures prises par l’entreprise visaient à « aider à atténuer cette préoccupation ».

Les défenseurs de l’accessibilité ont mis en évidence des lacunes dans la loi sur l’accessibilité du Canada qui, selon eux, permettent la persistance de problèmes dans des domaines allant de la consultation aux protocoles d’assistance.

Heather Walkus, qui dirige le Conseil des Canadiens avec déficiences, a souligné un manque de détails sur la façon de former le personnel. Elle a également cité une règle obligeant les entreprises sous réglementation fédérale à impliquer les personnes handicapées dans l’élaboration de politiques, de programmes et de services – une « réglementation aussi rigide que du beurre ».

« Vous pouvez envoyer un administrateur chez Tim Hortons pour parler à une personne en fauteuil roulant et vous avez consulté la communauté des personnes handicapées. Il s’agit d’une formalité à rayer de la liste », a-t-elle déclaré à La Presse Canadienne en novembre. Le groupe qu’elle dirige n’a pas été contacté par Air Canada au sujet de son nouveau plan d’accessibilité, a-t-elle confié.

Note aux lecteurs : Dans une version précédente, au 20e paragraphe, La Presse Canadienne écrivait « l’entreprise torontoise » en parlant d’Air Canada. En fait, il s’agit d’une entreprise montréalaise.