Le fournisseur québécois de logiciels d’aide à la conduite LeddarTech a fait ses débuts boursiers dans la volatilité vendredi au NASDAQ.

LeddarTech est devenue une entreprise publique en fusionnant avec Prospector Capital, une société d’acquisition à vocation spécifique dont les actions étaient déjà au NASDAQ. L’opération permettant à LeddarTech de lever 66 millions US s’est réalisée à un prix de 10 $ US.

À sa toute première séance boursière, l’action de LeddarTech a clôturé à 4,19 $ US vendredi au NASDAQ.

La volatilité n’étonne pas le grand patron de LeddarTech, Frantz Saintellemy. « Le marché a potentiellement réagi en raison des bons de souscription qui donnent une action supplémentaire aux actionnaires ayant investi avant l’entrée en Bourse de LeddarTech. Ça a possiblement eu un effet », dit-il.

« C’était vraiment excitant, cette première journée », poursuit-il.

PHOTO FOURNIE PAR LEDDARTECH

Frantz Saintellemy, grand patron de LeddarTech

Il y a beaucoup d’activité autour du titre, ce qui montre qu’il y a de l’intérêt pour ce qu’on fait. On reçoit beaucoup d’appels d’analystes, de journalistes et d’investisseurs désireux d’entendre l’histoire de LeddarTech.

Frantz Saintellemy, chef de la direction de LeddarTech

Le successeur de Charles Boulanger au poste de chef de la direction explique que LeddarTech souhaitait aller en Bourse pour offrir à ses actionnaires de longue date un instrument plus liquide pour leurs actions, mais aussi pour avoir accès à un marché qui permettra éventuellement de lever des capitaux pour financer des projets futurs.

Première inscription québécoise en plus de 24 mois

Il y a eu peu d’entrées en Bourse depuis deux ans. La dernière grande entreprise québécoise à avoir réalisé un premier appel public à l’épargne (PAPE) pour inscrire ses actions à la Bourse de Toronto est Coveo, une entreprise de Québec spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée au commerce électronique. C’était à l’automne 2021.

L’évaluation des entreprises non rentables est devenue moins généreuse avec la montée des taux d’intérêt et il est périlleux de juger de l’évaluation qu’accorde le marché à LeddarTech, selon Charles-Antoine Bérubé, analyste chez Medici, un gestionnaire d’actifs de Saint-Bruno-de-Montarville.

« C’est vraiment difficile à évaluer parce que l’entreprise n’est pas encore rentable et n’a pas non plus de revenus tirés de ses logiciels. On doit donc l’évaluer sur des perspectives futures sans trop savoir ce que l’entreprise saura générer comme revenus et profits », dit-il.

Charles-Antoine Bérubé rappelle que dans le groupe des entreprises ayant fait le saut en Bourse au cours des dernières années, certaines connaissent déjà des ennuis sur les marchés. Il cite des entreprises comme les constructeurs de véhicules électriques Lion et Rivian.

« Beaucoup d’investisseurs ont acheté près des sommets en Bourse et se retrouvent aujourd’hui avec des pertes de plus de 80 % », dit Charles-Antoine Bérubé.

Il y a toujours un risque important lié à un investissement dans une entreprise qui fait son entrée en Bourse.

Charles-Antoine Bérubé, analyste

Pour qu’un investisseur puisse affirmer que LeddarTech est un bon investissement ou non à sa valeur boursière actuelle, il doit être en mesure d’évaluer la technologie de l’entreprise, dit l’analyste.

« C’est difficile à dire puisque nous ne sommes pas des spécialistes dans le domaine. Pour investir dans LeddarTech, il faut pouvoir dire que la technologie est meilleure que celle de la concurrence et pouvoir affirmer qu’il y a un marché pour cette technologie. Actuellement, le modèle d’affaires n’est pas prouvé. Il faut aussi savoir si la concurrence est en train de développer quelque chose de mieux ou non. C’est loin d’être simple comme investissement. »

Pour toutes ces raisons, cet analyste préfère passer son tour. Il souligne néanmoins qu’il est « très positif » de voir une entreprise québécoise entrer en Bourse avec la belle mission de développer des technologies d’aide à la conduite qui seront peut-être un jour commercialisées à grande échelle pour contribuer à sauver des vies sur les routes.

Le modèle d’affaires de LeddarTech repose sur la vente de ses logiciels avec service, ce qui doit générer des revenus récurrents. L’entreprise n’a pas encore de clients commerciaux. La direction espère que des revenus commenceront à se concrétiser au cours des prochaines années lorsque les clients passeront à l’étape de la production.

L’entreprise prévoit annoncer de nouveaux produits au CES (Consumer Electronics Show) le mois prochain à Las Vegas. Frantz Saintellemy s’attend à ce que ces produits révolutionnent l’industrie dans la façon dont les logiciels sont intégrés.

Le marché des systèmes avancés d’aide à la conduite serait évalué, selon lui, à 200 milliards US d’ici 2030, alors que le marché pour les logiciels de LeddarTech serait évalué à 32 milliards US d’ici 2035.

L’acteur dominant de l’industrie aujourd’hui est Mobileye, une entreprise dont les actions sont également inscrites au NASDAQ.