La dernière vente aux enchères des morceaux de spectre sans fil de bande moyenne du gouvernement fédéral, qui a pris fin le mois dernier, aura des conséquences sur les prix et la qualité des services de téléphonie cellulaire et des services internet des Canadiens, disent des experts.

Les enchères, les premières depuis 2021, se sont étendues pendant un mois. Vingt-deux entreprises s’étaient qualifiées pour y participer.

Le gouvernement fédéral dit avoir attribué 4099 licences lors de la vente aux enchères qui lui a rapporté environ 2,6 milliards. Selon lui, les enchères de 3800 MHz marquaient une étape clé dans son plan visant à rendre le spectre disponible pour les services 5G et la connectivité rurale.

Gregory Taylor, un professeur agrégé de l’Université de Calgary, dit que le déploiement du 5G est une bonne façon de transférer rapidement et loin des données.

Il ajoute que ces enchères permettent au gouvernement fédéral d’augmenter ses revenus au moment où les Canadiens aspirent à de meilleurs services de téléphonie moins coûteux.

Cet argent peut ensuite être utilisé pour améliorer ces services, notamment dans les régions éloignées.

Le Pr Taylor rappelle que la 5G était considérée, il n’y a pas si longtemps, comme le nec plus ultra de la technologie. Certains osaient prédire que les connexions attendraient la vitesse de la lumière, mais cela ne s’est pas réalisé. Le professeur avance qu’un tel essor aurait nécessité « des tours de transmissions sur chaque lampadaire » afin de pouvoir transférer des quantités énormes de données.

Le déploiement de la 5G sur la fréquence de 3800 MHz est une solution raisonnable, « même si la connexion ne sera pas aussi rapide que ce qui était annoncé il y a quatre ou cinq ans ».

Mark Goldberg, un consultant en télécommunication, qualifie cette solution de « parfaite ».

« [Cette fréquence] n’est ni trop basse ni trop élevée. Elle procure une bonne couverture et une bonne capacité. C’est vraiment important puisque les gens utilisent plus les données de nos jours, explique-t-il. Nos réseaux de 5G ne sont pas aussi rapides que ceux aux États-Unis. On en a imputé la faute à l’éventail du spectre. En conséquence, cette solution permettra aux fournisseurs de service de rattraper en bonne partie leurs concurrents américains. »

Des licences partagées

Telus Communications a obtenu le plus grand nombre de licences dans les résultats provisoires, ayant obtenu 1430 licences pour près de 620 millions. Bell Canada a obtenu 939 licences pour 518 millions, suivie par Rogers Communications, qui a investi 475 millions pour acquérir 860 licences.

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Vidéotron, filiale de Québecor Média, qui cherchait à se consolider comme quatrième opérateur national après l’achat de Freedom Mobile, a dépensé près de 300 millions pour obtenir 305 licences.

Selon John Lawford, directeur général du Centre de défense pour l’intérêt public, Vidéotron devait « prendre des risques » et se lancer dans un investissement important pour gagner des parts de marché.

« On pourrait voir plus de tours appartenant à Vidéotron. L’entreprise n’aura pas à conclure des accords d’itinérance avec Telus ou Rogers dans l’Ouest. Elle pourra étendre ses activités plus rapidement dans l’ouest. »

Plusieurs autres petites entreprises ont aussi participé aux enchères, mais M. Lawford croit que Vidéotron est la seule des nouveaux arrivants qui peut réellement espérer à un bel avenir.

Cogeco Communications a annoncé un investissement de 190 millions pour acquérir 99 licences.

Le gouvernement fédéral a déclaré que cette enchère était « un jalon important de son plan visant à stimuler la concurrence dans le marché des services sans fil ». Le Pr Taylor juge que ce processus avantage les plus importants fournisseurs qui peuvent le plus investir pour obtenir des licences pour leurs réseaux déjà existants.

« Les plus petites entreprises ne peuvent pas égaler les mises. Elles peuvent à peine atteindre la mise initiale, dit-il. Et vont-elles vraiment utiliser ces licences ou les ont-elles achetées pour pouvoir les vendre plus tard. »

Le défi pour les plus petits fournisseurs de service n’est pas seulement de pouvoir surenchérir contre les grandes entreprises, lance Matt Hatfield, le directeur général d’OpenMedia, un groupe de pression qui défend l’accès à internet.

Même lorsqu’une entreprise indépendante réussit son enchère, établir ensuite un réseau local opérationnel et abordable est souvent irréaliste.

M. Hattfield juge que la solution la plus facile pour ces entreprises est de garder leurs licences pendant un certain temps et de tenter leur chance. Dans trois, cinq ou sept ans, elles pourront reconnaître leur échec et dire que le moment de vendre à Rogers ou à Bell est venu, dit-il.

« Il est toujours irréaliste pour un gouvernement d’espérer que de plus petites entreprises pourront établir un réseau qui pourra concurrencer directement le “ Big Three ”. »