Avouant ne pas encore comprendre la cause de la panne informatique ayant plongé l’organisation en situation de crise, le nouveau PDG de la Banque Laurentienne arrive en poste avec la ferme intention de stabiliser les choses.

« L’objectif premier est de régler cette crise », dit Éric Provost en entrevue.

Le dirigeant de 49 ans a reçu un appel durant la fin de semaine l’informant que le plan de succession de la banque était activé et qu’il prenait la relève de Rania Llewellyn à la tête de la banque.

L’appel passé à Éric Provost venait du nouveau président du conseil d’administration, Michael Boychuk, nouvellement nommé pour succéder à Michael Mueller.

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Le nouveau PDG de la Banque Laurentienne, Éric Provost

Aucune raison n’a été fournie pour expliquer les départs de Rania Llewellyn et de Michael Mueller.

« L’élément déclencheur de ces changements semble être davantage lié aux problèmes de systèmes de la banque, mais il est difficile de croire que le résultat de la récente révision stratégique n’a pas également joué un rôle », commente l’analyste Meny Grauman, de la Scotia.

Son collègue Marcel McLean, de la TD, estime que les changements pourraient bien être liés à des désaccords potentiels en haut lieu au sujet du processus de révision stratégique s’étant soldé à la mi-septembre avec la décision d’accélérer l’évolution du plan stratégique actuel.

La banque avait indiqué le 14 septembre que le conseil d’administration, appuyé par l’équipe de direction, a conclu à l’unanimité qu’accélérer l’évolution du plan stratégique était la meilleure voie à suivre pour maximiser la valeur pour les actionnaires.

De l’aveu même d’Éric Provost, la panne a créé beaucoup d’angoisse et de frustrations chez les clients. Celui qui était responsable des services bancaires aux particuliers et aux entreprises avant sa nomination au poste de PDG se dit « très conscient que le lien de confiance a été mis à rude épreuve ».

Une mise à jour de routine ayant mal tourné a eu des conséquences sur les paiements de factures, les dépôts et les transferts de fonds pour de nombreux clients.

« J’espère que nous allons perdre le moins de clients possible », dit Éric Provost. La Banque Laurentienne compte environ 400 000 clients à ses services aux particuliers, la grande majorité au Québec.

Il promet d’être un leader visible au Québec dès que la crise sera chose du passé. « Je vais m’impliquer au niveau du réseau de succursales pour m’assurer qu’on rebâtit ce lien de confiance qui a pu être endommagé avec la semaine qu’on vient de connaître. L’équipe travaille encore sans relâche pour qu’on puisse conclure cet épisode douloureux. »

S’il assure que les systèmes de la banque sont maintenant fonctionnels, Éric Provost précise qu’il y a encore des ratés touchant « quelques petites fonctionnalités au niveau des transferts de fonds et du service aux entreprises, mais rien de majeur ».

« Il y a encore des cas particuliers où l’on va retrouver des clients qui ont réalisé des transactions la semaine dernière [dépôts, retraits, transferts], mais qui malheureusement ne sont pas reflétés encore dans les profils des clients », ajoute-t-il.

« J’ai espoir que les choses vont se régler à court terme. Mais je ne ferai pas de promesses sur un délai précis du rétablissement à 100 %. Les équipes travaillent jour et nuit pour arriver à ce moment-là et on va faire en sorte que ce soit le plus tôt possible. »

Vers une analyse rétrospective

Si les frais bancaires mensuels perçus pour septembre seront renversés et les frais encourus par les clients en raison de la panne seront remboursés, Éric Provost dit avoir mandaté une équipe pour « travailler sur des mesures supplémentaires qui pourraient être considérées » afin d’atténuer les impacts sur la clientèle.

La mise à jour à l’origine des ennuis informatiques devait permettre d’augmenter la capacité du système. « Il y aura un post-mortem pour comprendre ce qui est arrivé et prendre les décisions nécessaires pour ne plus que ça arrive. On va regarder la séquence des évènements et ce qui s’est produit », dit Éric Provost.

Une fois que la décision de faire marche arrière a été prise lors de la mise à jour, Éric Provost explique qu’il y a eu beaucoup de travail à réaliser manuellement pour assurer le respect des séquences sur le plan des transactions bancaires. « C’est ce qui a créé les retards », dit-il.

Les investisseurs ont fait reculer l’action de la Laurentienne de 6 %, à 28,48 $, à Toronto au cours de la première séance de la semaine. Si le titre est en baisse d’environ 30 % depuis deux mois dans la foulée de la conclusion du processus de révision stratégique, il se retrouve aujourd’hui au même niveau qu’il y a un an.

Une perception négative

« La panne informatique apparaît clairement comme un problème important pour les clients pour nécessiter un changement à la direction aussi soudain, si évidemment c’est bel et bien l’unique raison ayant mené aux changements », commente l’analyste Darko Mihelic, chez RBC.

Chez Keefe, Bruyette & Woods, Mike Rizvanovic perçoit pour sa part les changements de façon négative puisqu’ils introduisent encore plus d’incertitude entourant la direction stratégique future de la banque. Il dit s’attendre à ce que les investisseurs se placent sur les lignes de touche en attendant plus de clarté au sujet des orientations stratégiques de l’organisation.

La banque n’a pas encore quantifié l’impact financier de la panne, mais Meny Grauman, de la Scotia, croit qu’il sera significatif au moins pour le trimestre en cours.

Une demande d’autorisation d’action collective a par ailleurs été déposée contre la Banque Laurentienne par le cabinet Lambert Avocats. Cette demande vise à obtenir une indemnisation pour les clients ayant été privés des services en raison de la panne.

Quelques dates importantes

30 octobre 2020 : entrée en poste de Rania Llewellyn au poste de PDG

21 avril 2021 : dissolution officielle du syndicat des employés de la banque

11 juillet 2023 : la banque révèle qu’elle procède à une revue de ses options stratégiques

14 septembre 2023 : la banque conclut la révision des options stratégiques en maintenant le cap avec son plan actuel

24 septembre 2023 : une mise à jour de routine paralyse le système informatique et provoque une crise

2 octobre 2023 : entrée en poste d’Éric Provost comme PDG