WestJet a annulé jeudi plus de 100 vols après que les pourparlers avec le syndicat de ses pilotes ont atteint une « impasse cruciale », jetant dans la tourmente les plans de voyage de milliers de passagers avant le long week-end de mai.

Quelque 1800 pilotes du transporteur et de sa filiale Swoop sont sur le point de déclencher une grève à 3 h, heure des Rocheuses (5 h, heure de l’Est) conformément au préavis de grève présenté lundi par le syndicat de l’Air Line Pilots Association (ALPA).

WestJet a publié un communiqué tôt jeudi pour indiquer que les négociations se trouvaient dans une « impasse ».

« Nous sommes toujours dans une impasse cruciale avec le syndicat et nous n’avons d’autre choix que de commencer à prendre les mesures douloureuses de préparation à la réalité d’un arrêt de travail », a affirmé le président et chef de la direction du groupe WestJet, Alexis von Hoensbroech, dans un communiqué.

Les voyageurs potentiels ont exprimé leur frustration sur les réseaux sociaux jeudi, certains affirmant qu’ils étaient restés coincés sur la ligne de service client pendant des heures et d’autres publiant des captures d’écran témoignant de problèmes dans le traitement des remboursements.

Raahina Somani s’est retrouvée prise à Calgary, alors qu’elle revenait d’Edmonton pour se rendre à Vancouver, WestJet ayant annulé son vol de jeudi soir.

« Tout est déjà réservé. Je ne sais pas vraiment ce que nous allons faire », a déploré l’étudiante à la maîtrise, notant que les options avec d’autres lignes aériennes étaient de plus en plus rares et plus coûteuses. « Les prix sont devenus si élevés. Pour ma grand-mère, mon père et moi, cela coûtera plus de 1000 $. »

Mme Somani, 23 ans, a indiqué que sa famille avait loué une voiture dans le but de retourner à Edmonton vendredi — après avoir passé la nuit avec sa famille à Calgary, car leur hôtel était rempli — et de prendre un vol de retour d’Air Canada au cours du week-end.

« Mon père est un peu stressé parce qu’il prend certains médicaments […] et puis la sœur de ma grand-mère arrive (à Vancouver) de l’extérieur de la ville demain, parce que leur frère est en fait à peu près sur son lit de mort […] donc c’est un peu impératif pour qu’elle revienne au plus vite », a-t-elle expliqué.

Les passagers disent avoir reçu des courriels indiquant qu’un arrêt de travail pourrait entraîner un changement d’itinéraire qui « pourrait » leur donner droit à une indemnisation. « Si nécessaire, des arrangements de voyage alternatifs vous seront proposés », bien qu’aucun n’ait été proposé de façon proactive, a affirmé Mme Somani.

Retombées « préjudiciables pour la marque »

WestJet a commencé à immobiliser la majeure partie de sa flotte en utilisant une « approche mesurée, progressive et sécuritaire », a écrit la société de Calgary dans son communiqué.

Jeudi en milieu d’après-midi, le transporteur avait annulé 111 vols, soit 31 % de ceux prévus pour la journée, selon le service de suivi FlightAware. La grande majorité de ces vols partait de Calgary ou de l’aéroport Pearson de Toronto, avec des liaisons vers Londres ou Las Vegas, Barcelone et Saskatoon.

Jusqu’à présent, 29 vols, soit 8 % de ceux prévus vendredi, ont été annulés. Les passagers ne peuvent désormais pas effectuer de réservation en ligne pour les vols WestJet sur les principales routes telles que Calgary-Vancouver et Toronto-Calgary jusqu’à mardi.

La compagnie aérienne a précisé qu’elle continuerait d’exploiter ses services régionaux, y compris la flotte de 47 avions de WestJet Encore et WestJet Link, qui relie sa plaque tournante de Calgary à de plus petites villes de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Les pilotes régionaux ne sont pas impliqués dans la négociation actuelle.

Les retombées pourraient être « extrêmement préjudiciables pour la marque WestJet » et à ses finances, ainsi qu’à la carrière des pilotes, a estimé Duncan Dee, ancien chef de l’exploitation chez Air Canada.

« Vous pouvez vous en sortir soit en héros, soit en zéro. Et dans ce cas particulier, la direction de WestJet et leurs syndicats courent un très grand risque de s’en sortir comme des zéros — et les héros pourraient très bien être les autres compagnies aériennes qui vont prendre le relais », a-t-il fait valoir lors d’un entretien téléphonique.

En 1998, une grève des pilotes de 13 jours à Air Canada a immobilisé 650 vols et 60 000 passagers par jour, ce qui a coûté 133 millions à la compagnie.

Profiter du mécontentement

Les transporteurs rivaux ont cherché à profiter de l’incertitude et du mécontentement des clients cette semaine.

Porter Airlines, qui a récemment lancé une expansion à travers le pays, a annoncé jeudi qu’elle égalerait le statut de récompenses WestJet des passagers « avec l’un de nos niveaux VIPorter Grand voyageur ». Le concurrent de Swoop, Flair Airlines, a annoncé qu’il ajouterait des vols à ses liaisons Vancouver-Calgary et Vancouver-Edmonton, invitant même, sur la page d’accueil anglophone de son site web, les voyageurs à ne pas rater leur long week-end à l’aide d’un calembour en référence à la grève — « Don’t strike out your long weekend ».

WestJet et Swoop exploitent 130 avions 737 à fuselage étroit et sept appareils 787 Dreamliner à fuselage large — dont la plupart devront être immobilisés en cas de grève — selon le registre des aéronefs civils de Transports Canada.

Avec plus de 4000 vols prévus au cours des sept prochains jours, WestJet représente 28 % du marché intérieur du Canada, tandis qu’Air Canada en transporte 47 %, selon la société de données de vol Cirium.

Le ministre fédéral du Travail et le médiateur en chef du gouvernement ainsi que le PDG de WestJet et les dirigeants du syndicat des pilotes se sont rendus dans un hôtel près de l’aéroport de Toronto pour travailler à un accord.

Bernard Lewall, qui dirige la section de WestJet du syndicat de l’Air Line Pilot Association (ALPA), a indiqué que les salaires, les horaires et la sécurité d’emploi restaient des points de litige. Selon lui, les pilotes de WestJet gagnent environ la moitié de ce que gagnent certains de leurs homologues américains. De son côté, l’entreprise a qualifié jeudi que les attentes salariales du syndicat de « déraisonnables », faisant valoir qu’elles « nuiraient de manière permanente à la viabilité financière de l’avenir du groupe ».

La ligne aérienne a conseillé aux voyageurs de vérifier le statut de leur vol avant de partir pour l’aéroport et de visiter la page web des mises à jour des clients de WestJet ou le site web de Swoop pour obtenir plus d’informations sur le statut des vols et les modifications aux voyages.