Bombardier, son président et chef de la direction Éric Martel, le président du conseil Pierre Beaudoin et l’ex-président et chef de la direction Alain Bellemare sont visés par une demande d’autorisation d’exercer une action collective. La somme réclamée pourrait atteindre 170 millions.

Selon la requête obtenue par La Presse, au moins 22 employés auraient été bernés par Bombardier et son Régime d’unités d’actions incessibles (UAI).

Les UAI en question permettent de recevoir des actions de classe B de Bombardier ou un paiement en espèces équivalent à la valeur des UAI, et ce, à une date d’acquisition prédéterminée. Cet incitatif financier visait à « retenir les dirigeants et autres employés clés qui contribuent particulièrement à créer de la valeur économique », rapporte la requête pilotée par l’avocat Jean-Philippe Caron du cabinet Calex.

Jusqu’ici, 22 personnes concernées par cette affaire ont été identifiées. Celles-ci ont reçu un total de 5 000 009 UAI en novembre 2020, précise la requête déposée en Cour supérieure vendredi. Mais au total, il y a 2 289 785 UAI en circulation.

  • Pierre Beaudoin, président du conseil d’administration de Bombardier

    PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

    Pierre Beaudoin, président du conseil d’administration de Bombardier

  • Éric Martel, PDG de Bombardier

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    Éric Martel, PDG de Bombardier

  • Alain Bellemare, ancien PDG de Bombardier

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    Alain Bellemare, ancien PDG de Bombardier

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Or, deux mois plus tôt, soit le 16 septembre 2020, Bombardier et Alstom avaient signé une entente selon laquelle Alstom achèterait l’entièreté des actions de Bombardier Transport. En janvier, la transaction a été officialisée et les employés ont été transférés chez Alstom.

Cinq jours après leur transfert, les employés de Bombardier ont reçu un courriel du service des ressources humaines leur indiquant, selon la requête, que leur participation au Régime d’UAI était terminée, et ce, rétroactivement à la date de la vente de la division Transport à Alstom. De plus, leur a-t-on appris, la valeur de leurs UAI serait revue à la baisse. Pourquoi ? Parce qu’ils n’étaient plus employés par Bombardier.

  • Copie de la lettre caviardée annonçant les octrois d’UAI à un employé

    IMAGE FOURNIE À LA PRESSE

    Copie de la lettre caviardée annonçant les octrois d’UAI à un employé

  • Extrait d’un courriel reçu par un employé de Bombardier ayant eu droit à des UAI. Le courriel a été traité à des fins de confidentialité et de lisibilité.

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    Extrait d’un courriel reçu par un employé de Bombardier ayant eu droit à des UAI. Le courriel a été traité à des fins de confidentialité et de lisibilité.

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« Il est manifeste que Beaudoin, Martel et Bellemare savaient que les membres n’avaient aucune expectative de convertir le nombre total d’UAI octroyées, et ce en raison de leur interprétation de la conséquence d’une vente d’actifs sur le régime et la convention d’octroi », écrit le cabinet Calex.

13 millions pour 22 personnes

En somme, les 22 membres actuels de l’action collective n’ont accumulé que 8 % des UAI octroyées, ce qui totalise « un manque à gagner total de près de 13 000 000 $ », calculent les avocats au dossier. « Tout laisse présager que les octrois [d’UAI aux employés] visaient à les garder accrochés et à les motiver à donner leur maximum dans le cadre de ladite transaction », ajoute-t-on.

Selon la requête, Bombardier considère que ses employés « auraient fait l’objet d’une fin d’emploi sans motif valable, ce qui aurait prétendument mené à la fin du lien d’emploi et donc à une acquisition anticipée de certaines UAI et à une expiration d’une autre tranche d’UAI ».

MCaron soutient plutôt que les contrats d’emploi sont demeurés en vigueur.

L’article 2097 du Code civil du Québec prévoit expressément que l’aliénation d’une entreprise ou la modification d’une structure juridique par fusion ou autrement ne met pas fin à un contrat de travail.

Extrait du document soumis au tribunal

La requête judiciaire rappelle que Bombardier a vendu le projet C Series, les avions CRJ et Q Series, ses divisions Aérostructures et Transport au fil des ans en raison de problèmes financiers sévères. Cela aurait fait passer le nombre d’employés permanents à temps plein de 57 854 à 13 259, entre 2018 et 2021. Les employés concernés par cette affaire pourraient donc être assez nombreux, mais leur nombre est inconnu pour le moment.

Le représentant du groupe, Jérôme Gauthier, a commencé à travailler pour Bombardier en 1996. Il y a occupé diverses fonctions au sein du service des finances, même après la vente de la division Transport à Alstom. En novembre 2020, il avait obtenu 83 334 UAI dont la date d’acquisition devait être le 10 novembre 2023.

« En utilisant la valeur d’une action de catégorie B de Bombardier en date des présentes, laquelle est d’approximativement 70,00 $, M. Gauthier serait en droit d’obtenir une somme totale de 233 335 $ », précise la requête.

Calex souhaite que le Tribunal condamne Bombardier à payer des dommages et intérêts ainsi que des dommages punitifs et exemplaires aux membres du groupe.