Avec l’objectif de faire baisser les prix des services de télécommunications au pays, Ottawa autorise l’achat de Shaw par Rogers et le transfert des licences sans fil de Shaw à Vidéotron.

Le ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, attache toutefois des conditions et prévoit des pénalités pouvant atteindre des centaines de millions de dollars en cas de non-respect de ces conditions.

« J’ai obtenu des engagements sans précédent et juridiquement contraignants de la part de Rogers et de Vidéotron. Après avoir imposé des conditions strictes, les licences de Freedom Mobile seront transférées à Vidéotron », a dit le ministre.

François-Philippe Champagne précise que ce transfert vise à assurer que Vidéotron puisse opérer à long terme en tant que quatrième acteur national, rivaliser avec les trois grandes entreprises et entraîner une baisse des prix partout au pays.

Si les Canadiens ne commencent pas à voir une réduction significative des prix dans un délai raisonnable, je n’aurai d’autre choix que d’utiliser d’autres pouvoirs législatifs et réglementaires afin de faire baisser les prix.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Avec Freedom, la principale filiale de Québecor pourra élargir sa portée en Ontario et dans l’Ouest canadien.

Le ministre s’attend notamment à ce que Vidéotron offre ailleurs au pays sur une période de 10 ans des forfaits comparables à ceux offerts au Québec, c’est-à-dire au moins 20 % plus abordables que ceux offerts par les autres grands acteurs en date du 10 février 2023. Vidéotron s’engage à verser au gouvernement 25 millions pour chaque année où l’objectif ne sera pas atteint, jusqu’à concurrence de 200 millions.

Vidéotron devra investir plus de 150 millions dans les infrastructures de Freedom pour permettre à 90 % des clients d’avoir accès au réseau 5G d’ici deux ans et étendre le service mobile au Manitoba par le biais d’un accord d’opérateur de réseau mobile virtuel (MVNO) ou par d’autres moyens.

Ottawa s’attend aussi à ce que Vidéotron augmente de 10 % les données allouées aux clients de Freedom Mobile à titre de bonus à court terme, tout en investissant pour faire baisser les prix en général.

PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, vendredi matin durant l’annonce

Rogers est également soumis à des engagements l’obligeant à réaliser des investissements « majeurs » pour améliorer la connectivité dans les cinq prochaines années (créer 3000 emplois dans l’ouest du pays, étendre l’accès à l’internet à large bande, etc.).

En cas de non-respect des conditions, les sanctions auxquelles s’expose Rogers pourraient atteindre 1 milliard de dollars.

Les propos du ministre Champagne n’ont pas convaincu les conservateurs et les néo-démocrates qui prédisent plutôt que cette fusion mènera à une hausse des prix. Les libéraux pensent qu’il y a « trop de compétition dans l’industrie de la téléphonie mobile et de l’internet », s’est moqué le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, lors de la période des questions.

« Quand commenceront-ils à défendre les consommateurs au lieu de défendre la hausse des prix et les oligarques d’entreprises coûteuses ? », a-t-il demandé.

Le député néo-démocrate Peter Julian a accusé les libéraux d’avoir donné « le feu vert à Rogers et Shaw pour qu’ils continuent d’escroquer les Canadiens ». Le Nouveau Parti démocratique (NPD) anticipe également d’importantes mises à pied.

On paie déjà parmi les prix les plus chers au monde. Les libéraux laissent les chefs d’entreprise s’enrichir sur le dos des familles canadiennes.

Peter Julian, député du NPD

« Non seulement on aura un quatrième joueur national, mais on a imposé 21 conditions sans précédent, a rétorqué le ministre Champagne en chambre. On sera là pour être sûrs que ce contrat-là sera respecté pour baisser les prix au Canada. »

Seul le Bloc québécois s’est réjoui de cette fusion qui permet à Vidéotron de prendre de l’expansion à l’extérieur du Québec. « Je pense que ce sont des conditions qui sont raisonnables, a réagi la députée Kristina Michaud. Je pense que c’est une bonne nouvelle. C’est ce qu’on voulait au Bloc québécois, une saine concurrence, et c’est un peu ce qui se passe. »

Cette approbation d’Ottawa représentait le dernier obstacle à la conclusion du rachat de Shaw par Rogers, une transaction évaluée à 26 milliards de dollars en incluant la dette. Le projet de regroupement de Rogers et Shaw avait été annoncé il y a exactement deux ans. Reportée plusieurs fois, la date limite des transactions proposées avait récemment été repoussée au 31 mars.

En raison des inquiétudes des autorités réglementaires en matière de concurrence, Rogers et Shaw avaient accepté l’année dernière de céder Freedom Mobile à Québecor pour 3 milliards.

Le Bureau de la concurrence s’opposait à la fusion de Rogers et Shaw, mais le Tribunal de la concurrence a jugé à la fin de décembre que la transaction n’empêcherait ou ne réduirait probablement pas considérablement la concurrence. La Cour d’appel fédérale a par la suite rejeté la contestation du Bureau de la concurrence.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) avait, de son côté, donné le feu vert à l’acquisition des services de radiodiffusion de Shaw par Rogers en mars 2022.

Avec Mylène Crête, La Presse