Ottawa voit en Volkswagen – qui construira une usine de batteries en Ontario – l’exemple d’une résistance au protectionnisme américain. Dans le secteur québécois du transport électrique, qui plaide pour une stratégie renforcée à l’offensive de Washington, on aurait aimé être rassuré davantage.

En lever de rideau du Sommet international des transports électriques et intelligents (TEI), qui réunit quelque 1200 représentants à Montréal jusqu’à mercredi, c’est le constructeur automobile allemand qui a attiré l’attention.

Volkswagen a confirmé lundi les informations de La Presse diffusées en décembre dernier qu’elle construira une méga-usine de batteries pour véhicules électriques en Ontario, plus précisément à St. Thomas.

Ce projet multimilliardaire, dont la valeur n’a pas encore été dévoilée, est le « plus gros investissement de l’histoire automobile du Canada », selon le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Ce dernier considère l’annonce comme une « grande nouvelle » pour le Québec, où l’on jette les bases d’un écosystème regroupant les fabricants des principaux éléments d’une batterie pour véhicules électriques, comme les cathodes ainsi que les anodes.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, REUTERS

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, François-Philippe Champagne (à gauche), et le premier ministre Justin Trudeau (deuxième à droite) parlent avec des étudiants au Sommet international des transports électriques et intelligents (TEI), lundi au Palais des congrès de Montréal.

« On parle de 60 % de la valeur d’une batterie, a dit M. Champagne, en point de presse. Ce client-là [Volkswagen] sera du côté de l’Ontario. Quand on grossit l’écosystème et qu’on amène de grands acteurs, ça amène le succès. »

Une politique inquiétante

L’arrivée de Volkswagen en territoire canadien survient alors que l’Inflation Reduction Act (IRA) – loi de l’administration Biden dotée d’une enveloppe de 370 milliards US pour appuyer entre autres tout ce qui concerne la production de batteries pour véhicules électriques – inquiète. Certains craignent que les subventions américaines ne viennent court-circuiter des projets de la filière des batteries prévus de ce côté-ci de la frontière.

En mettant la table à une allocution du premier ministre Justin Trudeau, la présidente-directrice générale de Propulsion Québec, Sarah Houde, a voulu passer un message.

« Nos partenaires commerciaux, que ce soit l’Union européenne ainsi que les États-Unis, adoptent des politiques industrielles vertes, a dit Mme Houde, en plaidant pour le même genre d’initiative au Canada. Ils identifient leurs secteurs prioritaires et y consacrent des efforts. »

Un rapport rédigé par de hauts fonctionnaires fédéraux l’automne dernier obtenu par La Presse révélait que les États-Unis pourraient dérober des projets au Canada dans la filière des batteries pour véhicules électriques grâce à l’IRA.

Signaux timides

M. Trudeau n’a pas répondu à la requête de Mme Houde quand il s’est adressé aux participants du sommet. Il s’est plutôt félicité des avancées réalisées en matière d’électrification des transports jusqu’à présent et que son gouvernement allait « continuer à faire les investissements nécessaires pour réussir ».

Interrogé sur la nécessité d’élaborer une riposte à l’IRA en conférence de presse, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a répondu qu’on « ne peut pas tout faire ».

Ce que nous nous sommes donné comme objectif, c’est de rester concurrentiels par rapport à ce qui se passe aux États-Unis, mais de façon sélective.

François-Philippe Champagne, ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Le ministre québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, est allé un peu plus loin au cours d’une annonce ayant précédé celle de Volkswagen. Si le plan Biden le « tient réveillé de temps en temps », le ministre n’anticipe pas une réplique d’Ottawa dans le budget fédéral qui sera présenté dans deux semaines.

« Dans les heures qui ont suivi le dépôt de l’IRA, j’ai eu plusieurs discussions avec M. Champagne et le ministère des Finances, a dit M. Fitzgibbon. Le budget sort le 28 mars et on regardera ce qu’il y a dedans, mais aujourd’hui, il n’y a pas d’IRA canadien. »

Le ministre québécois estime que l’approche au cas par cas préconisée par Québec et Ottawa permet d’offrir des mesures – soutien financier, tarifs hydroélectriques avantageux, etc. – capables de rivaliser avec le plan américain. M. Fitzgibbon a évoqué « quatre ou cinq dossiers » où il n’avait rien à envier à la stratégie de Washington.

Même si elle « préfère quand les annonces sont faites au Québec », Mme Houde s’est réjouie de l’arrivée de Volkswagen au pays. La présidente-directrice générale de Propulsion Québec est d’accord avec M. Champagne, qui estime que la nouvelle constitue un « vote de confiance » pour l’écosystème canadien du transport électrique.

En savoir plus
  • 9000 employés
    C’est l’effectif de l’industrie québécoise du transport électrique.
    propulsion québec