De l’aveu même de leurs dirigeants, les enseignes à bas prix comme Super C et Maxi font le plein de nouveaux clients préoccupés par la hausse du coût des aliments.

Et pour séduire ces consommateurs habitués aux épiceries traditionnelles, les enseignes à bas prix, qui ont ouvert de nouveaux magasins en 2022 et qui continueront sur leur lancée en 2023, tentent de se défaire de l’image « d’entrepôt » accolée à leur peau depuis des années.

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L’enseigne Super C est sur une lancée et a dépassé le cap des 100 magasins en 2022.

Super C, propriété de Metro, a inauguré son 100e magasin au début de novembre et a ouvert récemment son 101e à Beauharnois. Pour 2023, l’enseigne rouge et jaune comptera cinq nouveaux magasins. S’il ne s’agit pas d’un record d’ouvertures, Metro parle tout de même d’une « bonne année » pour son enseigne à bas prix.

Du côté de Maxi, ce sont 12 nouvelles épiceries — dont 11 étaient anciennement des Provigo — qui sont apparues dans le paysage québécois. Loblaw, qui gère la chaîne, a l’intention d’en ouvrir tout autant l’an prochain. « Depuis les 20 dernières années, ce n’est jamais arrivé qu’on ouvre autant de magasins », affirme Patrick Blanchette, vice-président, exploitation, de Maxi, au cours d’un entretien téléphonique. Pour le marché montréalais, où les grands sites se font plus rares, l’enseigne que l’on associe à l’humoriste Martin Matte a également l’intention d’aménager de plus petites épiceries d’environ 20 000 pieds carrés. « Parfois, il faut s’adapter selon l’espace disponible. C’est l’un de nos projets en 2023 : être capable d’adapter un concept. »

Augmentation de la clientèle

« On voit depuis un certain temps que notre nombre de transactions augmente énormément en magasin, ajoute M. Blanchette. On voit que le panier augmente. Mes directeurs de magasins me disent qu’ils voient des clients qu’ils ne voyaient pas auparavant. On voit que ça bouge. Pour nous, c’est sûr que c’est profitable. »

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Les enseignes à bas prix accueillent de plus en plus de clients.

Combien de nouveaux clients optent désormais pour Maxi ? « Ce sont des milliers de clients de plus qu’on voit dans nos magasins chaque semaine », répond-il sans plus de précisions.

Le président de Loblaw, Galen G. Weston, indiquait récemment qu’il y avait plus de Mercedes et de Range Rover dans les stationnements des magasins Maxi qu’auparavant.

Bien qu’il n’ait pas non plus révélé de chiffres concernant la hausse du nombre de consommateurs qui passent les portes de ses magasins, Jean-Guy Tremblay, vice-président principal de Super C, reconnaît lui aussi que l’enseigne enregistre « d’excellents résultats » et a « le vent dans les voiles ».

Actuellement, c’est sûr qu’on bénéficie du contexte où les consommateurs sont soucieux de l’économie.

Jean-Guy Tremblay, vice-président principal de Super C

« Avec l’accélération de la transition vers les enseignes à escompte comme Super C, toutes les enseignes veulent protéger leur part de marché, alors elles sont agressives », avait pour sa part déclaré il y a quelques semaines le président et chef de la direction de Metro, Eric La Flèche, lors d’une conférence avec les analystes pour discuter des résultats du quatrième trimestre de l’exercice 2022 de la société.

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Les clients sont de moins en moins fidèles à une enseigne, note Jordan LeBel, professeur titulaire en marketing alimentaire. Ils peuvent autant aller à une enseigne de luxe un jour que dans un magasin à escompte le lendemain.

Professeur titulaire en marketing alimentaire à l’Université Concordia, Jordan LeBel note de son côté que les clients sont de moins en moins fidèles à une enseigne. « Le même client qui va chez Holt Renfrew peut aller chez Winners le lendemain, illustre-t-il. On veut tous étirer notre dollar. Il y a un croisement entre les genres. »

Exit « l’entrepôt »

Et pour « retenir » ces nouveaux venus qui déambulent désormais dans leurs allées, les enseignes à bas prix tentent de se défaire de cette image « d’entrepôt » à laquelle on les associe souvent. « Avant, les clients venaient chez Maxi pour acheter du papier de toilette et du cannage, illustre M. Blanchette. Maintenant, je vois qu’ils viennent magasiner pour leurs repas des sept jours de la semaine. »

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Maxi compte maintenant 15 magasins avec un comptoir de charcuteries, une façon d’améliorer l’expérience pour le consommateur.

Maxi a rénové une quinzaine de ses magasins afin de les rendre plus attrayants. Et les succursales nouvellement construites ou reconverties en Maxi après avoir été exploitées sous les couleurs de Provigo sont, elles aussi, aménagées différemment. C’est notamment le cas du magasin Maxi — anciennement Provigo — inauguré officiellement cet automne dans le quartier Parc-Extension. La Presse l’a visité en compagnie de M. Blanchette.

« On veut rendre notre concept un peu plus chaleureux. On a changé les couleurs de nos magasins, plus d’éclairage, plus d’espace pour le client, moins le look entrepôt », décrit-il. Et ce sont maintenant 15 magasins qui disposent d’un comptoir de charcuteries où les clients peuvent se faire couper du jambon ou d’autres viandes froides au lieu d’acheter des produits préemballés.

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Patrick Blanchette, vice-président exploitation de Maxi

Le client qui vient des bannières conventionnelles, on veut l’attirer avec ces choses-là : l’offre de produits naturels et organiques, les viandes, les produits du Québec, le service au comptoir du déli, plus d’espace sur les planchers pour circuler, moins de palettage.

Patrick Blanchette, vice-président, exploitation, de Maxi

L’épicerie Maxi située au coin de la rue Jean-Talon et de l’avenue du Parc est également la première à disposer d’un comptoir à sushis préparés sur place. On y aménagera bientôt un café.

« Souvent, chez nous, on dit : Super C, c’est le secret le mieux gardé au Québec, ajoute pour sa part Jean-Guy Tremblay, avec un sourire dans la voix. Il y a des gens qui ont une perception de ce que c’était il y a 20 ans, 25 ans. À l’époque de Super Carnaval, c’était des magasins qui faisaient plus entrepôt. »

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Les enseignes à escompte veulent se séparer de l’image qu’elles sont de vastes entrepôts et veulent attirer les clients avec des produits frais ou biologiques, notamment.

Metro est devenu propriétaire de 14 épiceries Super Carnaval en 1987. Elles ont ensuite changé de nom en 1991 pour devenir Super C. « Au-delà de la bannière à escompte, Super C, c’est une épicerie », souligne-t-il. Plusieurs fois au cours de l’entrevue, M. Tremblay a vanté l’offre de fruits et légumes.

« On est la seule bannière à escompte qui a des bouchers pour couper la viande en magasin », souligne-t-il également.

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Super C est la seule bannière à escompte qui a des bouchers pour couper la viande en magasin, souligne Jean-Guy Tremblay, vice-président principal de Super C.

L’efficacité et le prix comptent sans doute parmi les principaux atouts de Super C, selon Jean-Guy Tremblay. « Quand tu rentres chez Super C, il n’y a pas de flafla », lance-t-il en rappelant également que l’enseigne ne retient les services d’aucun emballeur, que toutes les succursales disposent de caisses en libre-service et de balances pour permettre aux clients de peser eux-mêmes leurs fruits et légumes, réduisant le temps d’attente lorsque vient le temps de payer.

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Super C mise sur l’efficacité et le prix : pas d’emballeurs et beaucoup de caisses en libre-service.

À l’épicerie comme à la Bourse

« L’année 2022 a été un tremplin pour les bannières à escompte », affirme Jordan LeBel. Et rien n’indique que l’engouement envers ces supermarchés qui se présentent comme une solution économique s’essoufflera, estime-t-il.

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Selon le professeur en marketing alimentaire Jordan LeBel, l’épicerie fait office de baromètre pour mesurer l’humeur des consommateurs.

Avec l’inflation et l’incertitude économique, le professeur estime que le supermarché fait en quelque sorte office de baromètre pour mesurer l’humeur des gens. « Je demande si le supermarché n’est pas en train de devenir la nouvelle Bourse où l’on voit changer en temps réel l’humeur du consommateur. »

« C’est comme si les consommateurs qui entendent de mauvaises nouvelles sur la hausse des prix se disent : ‟cette semaine, on va aller chez Maxi ou Super C au lieu d’aller au IGA Extra ou chez Metro Plus”. La réaction se fait au jour le jour, comme sur les marchés boursiers. »

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Un nouveau supermarché Super C à Saint-Jérôme

Super C

  • Enseigne gérée par Metro depuis 1987
  • Nombre de magasins : 101
  • Nombre d’employés : 7000
  • Vice-président principal : Jean-Guy Tremblay

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Le nouveau supermarché Maxi dans le quartier Parc-Extension

Maxi

  • Enseigne gérée par Loblaw
  • Fondation : 1984
  • Nombre de magasins : 127
  • Nombre d’employés : 11 000
  • Vice-président, exploitation : Patrick Blanchette