Alors que la sécheresse menace la production hydroélectrique au Manitoba, en Saskatchewan, en Californie et ailleurs dans le monde, Hydro-Québec se prépare au contraire à recevoir plus d’eau en raison de l’impact à long terme des changements climatiques.

Dans son premier Plan d’adaptation aux changements climatiques rendu public jeudi, la société d’État prévoit qu’à long terme, la température moyenne continuera d’augmenter au Québec et que les précipitations seront aussi plus abondantes sur l’ensemble de son territoire.

Pour un producteur d’électricité qui dépend de la quantité d’eau disponible, l’augmentation prévisible des précipitations est plutôt une bonne nouvelle, et c’est la raison pour laquelle Hydro-Québec peut envisager d’augmenter la performance de ses centrales existantes au cours des prochaines années, convient la société d’État.

L’augmentation prévue des précipitations pourrait toutefois être accompagnée d’une hausse des épisodes climatiques extrêmes, verglas, tempête de vent et inondations, auxquels il faut se préparer, a expliqué Philippe Bourke, l’ancien président du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement qui est maintenant responsable du développement durable d’Hydro-Québec, lors de la présentation du plan.

Quand j’ai commencé ma carrière d’environnementaliste, il y avait peu d’exemples concrets des effets des changements climatiques, alors qu’aujourd’hui, les exemples ne manquent pas.

Philippe Bourke, responsable du développement durable d’Hydro-Québec

Il a rappelé qu’en mai dernier, un phénomène météo connu sous le nom de derecho a frappé le Québec, provoquant des chutes d’arbres et des pannes d’électricité qui ont coûté 70 millions à Hydro-Québec. C’est l’évènement climatique le plus coûteux depuis la crise du verglas en 1998.

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Les chutes d’arbres et les pannes d’électricité survenues en mai dernier ont coûté 70 millions à Hydro-Québec.

Plus d’eau

D’ici la fin du siècle, le Québec recevra plus de précipitations sous forme de neige, de pluie ou de pluie verglaçante, prévoit le scénario extrême du plan. C’est la vallée du Saint-Laurent, donc le territoire le plus densément peuplé, qui recevra la plus grande partie de ces précipitations. Montréal, par exemple, devrait recevoir en moyenne 114 mm de plus par année entre 2041 et 2070, davantage sous forme de pluie et moins sous forme de neige. « La gestion des pluies extrêmes pourrait ainsi devenir un enjeu pour plusieurs infrastructures », prévoit Hydro-Québec.

De même, les vents violents qui accompagnent les épisodes de précipitations extrêmes exigent un renforcement du réseau de transport et l’installation de pylônes antichute en cascades dans les endroits stratégiques.

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Avec l'augmentation des précipitations et du niveau d'eau dans les rivières, Hydro-Québec envisage une hausse de la performance de ses centrales au cours des prochaines années.

Plus chaud

La température moyenne continuera d’augmenter sur l’ensemble du territoire, avec des variations plus importantes dans le Nord. Les prévisions pointent vers une augmentation des températures de 7,1 °C à Salluit, dans le Nord-du-Québec et de 5,8 °C à Montréal. À la Baie-James, les journées de 30 °C ont toujours été rarissimes, mais elles se multiplieront au cours des prochaines années.

Cette augmentation de la température moyenne a de nombreux impacts sur le réseau d’Hydro-Québec, qui sera plus sollicité en été, en raison des besoins croissants de climatisation. Le réseau de transport pourrait aussi souffrir de la chaleur extrême, parce que sa performance baisse à mesure que la chaleur augmente. Les lignes surchauffent et s’étirent quand les températures dépassent les 30 °C.

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Il y a 1,9 million de poteaux dans le réseau de distribution d’électricité d'Hydro-Québec.

Hausse des populations de pics

Le réseau de distribution est aussi affecté par les changements climatiques de nombreuses façons. La croissance plus rapide de la végétation exige plus d’entretien préventif. Les poteaux de bois du réseau de distribution sont de plus en plus attaqués par l’humidité, les fourmis charpentières et les pics. La population de grands pics a par exemple augmenté de 23 % entre 1989 et 2004 à cause de la hausse moyenne des températures. Il y a 1,9 million de poteaux dans le réseau de distribution d’électricité. Le coût de remplacement des poteaux de bois étant estimé à 5500 $, certains d’entre eux pourraient être remplacés par des poteaux en composite pour allonger leur durée de vie.

Plus cher

L’adaptation d’une entreprise comme Hydro-Québec aux effets des changements coûtera cher. Les dépenses liées à la maîtrise de la végétation ont doublé au cours des dernières années. Chaque dollar dépensé pour prévenir l’impact des changements climatiques se traduit par des économies de 10 $ à 15 $ à long terme, a fait valoir Philippe Bourke, le responsable du premier plan d’intégration aux changements climatiques d’Hydro-Québec.

Il n’y a pas de budget spécifiquement lié aux interventions prévues dans le plan. Les coûts associés sont intégrés au budget annuel d’investissement d’Hydro-Québec, qui a prévu d’augmenter dans les prochaines années. L’an dernier, Hydro-Québec a investi 4,2 milliards dans son réseau, dont la plus grande partie a été consacrée à la modernisation et à l’entretien des installations.