Une entreprise ne peut déduire l’aide gouvernementale obtenue pour effectuer de la recherche et développement (R et D) dès sa réception, estime la Cour d’appel fédérale. En déboutant la multinationale québécoise CAE dans une récente décision, le tribunal risque de décourager d’autres entreprises d'opter pour la stratégie du spécialiste des simulateurs de vol et de la formation de pilotes.

CAE contestait une facture fiscale d’au moins 12 millions depuis 2016. Le différend entre la société et le fisc canadien concernait essentiellement le moment où il est possible de déduire l’argent reçu d’Ottawa pour l’aider à réaliser de la R et D.

Des crédits d’impôt à l’investissement figuraient aussi parmi les points en litige.

« Tout cela était assimilé à une subvention du gouvernement, affirme le professeur de droit fiscal à l’Université Laval André Lareau. Le dénouement me rassure, me réconforte. C’est la bonne décision qui est rendue. »

L’expert craignait un effet domino en cas de victoire de CAE.

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En septembre 2021, la Cour canadienne de l’impôt conclut que les sommes obtenues par CAE en 2012 et en 2013 – les années au cœur de la dispute – constituaient une forme de soutien gouvernemental et qu’elles ne pouvaient être déduites immédiatement.

Selon le cadre en vigueur, une entreprise peut déduire ses dépenses en R et D, ce qui réduit sa facture fiscale, au moment où elle effectue ces dépenses. Par contre, elle ne peut pas déduire de l’« aide gouvernementale ».

CAE souhaitait entre autres déduire 82 millions reçus du gouvernement fédéral dans le cadre du projet Falcon. Ce programme annoncé en 2009 était destiné à transposer des technologies existantes à d’autres secteurs de l’aéronautique.

Le gouvernement fédéral avait contribué par le truchement d’un versement de 250 millions qui sera remboursé progressivement d’ici 2029.

Peu de détails

La décision rendue le 19 octobre dernier par le juge Richard Boivin, de la Cour d’appel fédérale, ne se penche pas sur les motifs évoqués par la multinationale dans sa demande d’appel. Le magistrat se limite à dire que le juge de première instance s’est « bien dirigé en appliquant les principes jurisprudentiels faisant autorité en la matière ».

« Ainsi, l’appelante, malgré ses habiles représentations, ne nous a pas convaincus que le juge de la CCI [Cour canadienne de l’impôt] a erré, peut-on lire. Ni dans la jurisprudence ni dans la loi, sommes-nous en mesure de trouver une assise à la thèse avancée par l’appelante. »

Par l’entremise de sa vice-présidente aux affaires publiques et aux communications mondiales, Samantha Golinski, CAE a dit être déçue de la tournure des évènements. La société pourrait se tourner vers la Cour suprême du Canada, mais rien ne garantit que sa demande serait entendue par le plus haut tribunal du pays.

« La décision rendue par le tribunal ne modifie pas l’échéancier de nos remboursements », a précisé Mme Golinski, pour préciser que CAE n’avait pas retenu de paiements pendant son litige avec l’Agence du revenu du Canada.

Fait rarissime, l’entreprise avait obtenu dans le cadre de cette affaire une ordonnance complète de confidentialité sur tous les documents pendant un peu moins de deux ans. Il y avait deux raisons : la protection des secrets commerciaux en R et D et l’entente entre CAE et Ottawa à propos du projet Falcon, qui comporte elle-même une clause de confidentialité.

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    Source : CAE