La plateforme montréalaise de commerce électronique RenoRun, spécialisée dans la vente et la livraison de matériaux de construction aux entrepreneurs, se prépare pour le pire et licencie 43 % de son effectif.

La direction a annoncé la nouvelle à ses employés jeudi matin. C’est 210 des quelque 500 employés de l’entreprise qui perdent leur emploi. La décision touche 80 employés au Québec.

L’entreprise avait déjà licencié 12 % de son effectif à l’été, soit 72 employés, dans un effort de réduction de coûts qui s’est de toute évidence révélé insuffisant.

Tous les services sont touchés : opérations, ventes, marketing, technologie, etc.

RenoRun était en croissance accélérée et avait bouclé une ronde de financement de 142 millions US en février dernier. L’effectif était passé de 135 employés en janvier l’an dernier à plus de 500 en début d’année.

Nous avons plus que doublé nos ventes chaque année depuis cinq ans. Depuis le début de cette année cependant, le contexte commercial dans lequel nous opérons a fondamentalement changé.

Eamonn O’Rourke, fondateur et PDG de RenoRun

« De façon plus spécifique, le niveau d’incertitude sur le plan macroéconomique et dans le secteur du capital de risque fait en sorte que nous devons nous préparer pour le pire et donc réduire nos dépenses », précise-t-il.

Eamonn O’Rourke ajoute que RenoRun tente de maximiser ce que les fonds récoltés lors de la dernière ronde de financement permettent de réaliser. Il veut positionner l’entreprise pour l’« inévitable reprise » qui viendra une fois que l’incertitude entourant les dépenses des consommateurs se dissipera.

S'attendant à une potentielle récession, Eamonn O’Rourke estime que la tempête pourrait durer de 12 à 24 mois et soutient que RenoRun doit atteindre la rentabilité plus rapidement que prévu. « Dans le contexte actuel, la croissance n’est pas aussi importante que la rentabilité », dit le PDG et cofondateur de l’entreprise.

Si elle veut convaincre des investisseurs de participer à une nouvelle ronde de financement, RenoRun devra prouver qu’il existe toujours suffisamment de demande pour les services offerts. Cela implique que l’entreprise devra de nouveau générer de la croissance.

CAPTURE D’ÉCRAN

Le grand patron de RenoRun, Eamonn O’Rourke, en téléconférence avec La Presse

Présente dans six marchés (Montréal, Toronto, Boston, Chicago, Philadelphie et Washington), RenoRun a été fondée il y a cinq ans. D’autres marchés devaient être percés cette année. Une inscription en Bourse était même dans les cartons. Ces projets sont maintenant sur la glace.

Les licenciements chez RenoRun s’ajoutent aux annonces du même genre faites cette année par plusieurs autres entreprises du secteur des technologies au pays. L’entreprise d’Ottawa Shopify a par exemple annoncé la mise à pied de 10 % de son effectif à l’été. Whealthsimple, Clearco et d’autres entreprises ont aussi récemment fait des mises à pied.

L’incertitude économique est notamment alimentée par la forte inflation et la montée des taux d’intérêt, ce qui contribue à faire craindre pour le financement de certaines entreprises en particulier dans le secteur technologique. Ces entreprises sont sensibles aux hausses de taux d’intérêt entre autres parce que plus les taux montent, plus la valeur accordée par les investisseurs aux flux monétaires futurs de ces entreprises baisse.

Mission

Évoquant la confidentialité, Eamonn O’Rourke n’a pas souhaité dévoiler le chiffre d’affaires de l’entreprise.

RenoRun a pour mission de faciliter la vie des entrepreneurs en construction en leur livrant des matériaux sur demande.

L’entreprise soutient qu’elle peut livrer la journée même et travaille avec des fabricants et des distributeurs pour fournir à ses clients du bois d’œuvre, du gypse, de l’isolant, de la quincaillerie, etc.

La ronde de financement bouclée en février avait été menée par la firme d’investissement new-yorkaise Tiger Global Management avec la participation, notamment, d’Investissement Québec, du Fonds pour les femmes en technologie de la BDC, Desjardins Capital, Nicola Wealth, et Exportation et développement Canada.

Des investisseurs existants de RenoRun, tels Inovia Capital et Silicon Valley Bank, avaient aussi participé à ce financement. Des cadres de l’entreprise Sonder et les fondateurs de Marché Goodfood avaient quant à eux agi à titre d’investisseurs stratégiques dans l’opération.