Fraîchement sorti de la protection de ses créanciers, le détaillant Reitmans a versé l’équivalent de 2,3 millions en primes à ses hauts dirigeants, ses employés et ses administrateurs qui lui sont demeurés fidèles durant deux années difficiles.

La société a dévoilé cette information dans des documents réglementaires remis à ses actionnaires à la fin mai. « Le montant précis attribué à chaque bénéficiaire variait selon l’ancienneté de celui-ci, le poste qu’il occupait et l’ampleur perçue de son apport pendant la procédure [de restructuration] », peut-on lire dans la circulaire.

De ce montant, les cinq plus hauts dirigeants de l’entreprise se sont partagé 580 000 $, dont 200 000 $ sont allés au président et chef de la direction, Stephen Reitmans. Sept administrateurs ont reçu chacun 25 000 $, pour un montant de 175 000 $.

Ébranlée par les restrictions sanitaires, Reitmans s’était placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) en mai 2020. La société est sortie de la procédure de restructuration en janvier dernier, forte de l’appui de 98 % des créanciers à son plan d’arrangement.

Accorder des primes une fois qu’on quitte la protection de ses créanciers est une pratique normale, estime le président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), François Dauphin.

On veut récompenser les gens qui n’ont pas quitté le navire alors que le navire coulait. C’est de bonne guerre, dans une certaine mesure, de remercier les gens qui ont permis de maintenir le navire à flot et de traverser la tempête.

François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques

Michel Magnan, expert en gouvernance et professeur à l’Université Concordia, abonde dans le même sens. « Cette pratique de verser une prime forfaitaire est relativement courante dans un contexte de sortie réussie d’un processus de restructuration », écrit-il dans un courriel.

Lorsqu’une entreprise se retrouve dans une situation financière précaire, certains employés clés peuvent avoir renoncé à des composantes de leur rémunération qu’ils auraient pu obtenir en temps normal. « Certains employés ont pu faire des sacrifices », souligne M. Dauphin.

Malgré les difficultés qu’a connues le secteur du commerce de détail pendant la pandémie, l’industrie doit également composer avec la rareté de main-d’œuvre, explique-t-il. « Dans ce sens-là, je crois qu’il y a plusieurs facteurs qui militent en faveur de cette pratique. »

La prime pourrait même être dans l’intérêt de certains créanciers qui gagnent à ce que l’entreprise redémarre sur des bases solides, ajoute l’expert en rémunération.

M. Dauphin estime que les montants en question sont raisonnables. Il note que les deux tiers des 2,3 millions accordés ont été à des gestionnaires intermédiaires et des employés.

Rémunération en hausse

La rémunération totale des cinq plus hauts dirigeants de Reitmans a augmenté de 35 % à 2,57 millions pour l’exercice 2022 (terminé le 29 janvier 2022), toujours selon la circulaire de la société.

Le président et chef de la direction, Stephen Reitmans, qui est aussi le petit-fils du fondateur, a vu sa rémunération totale grimper de 30 % à 1,07 million.

En avril dernier, la société a décidé de renouveler le programme de rémunération sous forme d’options d’achat. Les 2,05 millions d’options accordées ont un prix d’exercice de 1,50 $ et expireront le 26 mai 2025.

Pour que les options enrichissent les dirigeants à qui elles seront accordées, le cours de l’action devra excéder le prix d’exercice de 1,50 $ avant leur échéance. En après-midi, le prix de l’action était de 1,11 $, en baisse de 4 cents, ou 3,48 %, à la Bourse de Toronto.