La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a tenté d’apaiser la tempête linguistique qui l’ébranle en offrant mardi un aperçu des progrès en français réalisés par sa nouvelle présidente-directrice générale. Reste à voir comment Tracy Robinson s’y prendra pour respecter ses engagements en la matière.

En poste depuis le 28 février dernier, celle-ci a fait allusion à la controverse ayant provoqué un déluge de critiques à l’endroit du plus important chemin de fer au pays. Mme Robinson a réitéré qu’il était « important » qu’un administrateur francophone siège au conseil d’administration de l’entreprise établie à Montréal et assujettie à la Loi sur les langues officielles.

Ce n’est plus le cas depuis la démission récente Jean Charest pour briguer la direction du Parti conservateur du Canada, et l’on ignore toujours quand la société corrigera le tir. La Presse avait révélé que le CN n’avait pas cru bon de proposer la candidature d’un francophone pour remplacer l’ex-premier ministre québécois, ce qui a déclenché un tollé.

« Je peaufine mon français et je le pratique depuis mon arrivée [à Montréal], a expliqué Mme Robinson, mardi, à l’occasion de la présentation des résultats du premier trimestre. Je veux m’assurer que toute personne puisse communiquer avec le CN dans la langue de son choix. »

PHOTO TIRÉE DE LINKEDIN

Tracy Robinson, présidente-directrice générale du CN

Celle qui a succédé à Jean-Jacques Ruest a fait ces remarques dans la langue de Molière alors que le conseil d’administration de l’entreprise a donné le coup d’envoi au processus visant à recruter un administrateur francophone. La conclusion est attendue dans les « prochains mois ».

Le CN n’a offert aucun échéancier. Le chemin de fer avait affirmé que les mandats de deux de ses administrateurs actuels tiraient à leur fin, mais il n’est pas clair pour l’instant si ces derniers seront remplacés par des candidats francophones. L’assemblée annuelle du CN est prévue le 20 mai.

« Il y a eu du damage control », souligne Marie-Soleil Tremblay, spécialiste de la gouvernance et professeure à l’École nationale d’administration publique.

On a entendu le message. Après cela, il faudra voir quel est le plan de match : est-ce que c’est juste de nommer une personne bilingue ou l’on veut avoir une réflexion plus poussée ?

Marie-Soleil Tremblay, spécialiste de la gouvernance

Sur l’aspect des communications dans les deux langues officielles du pays avec l’entreprise, Mme Robinson n’a pas dit comment elle comptait s’y prendre. Elle prend les commandes du CN alors que le syndicat des Teamsters se plaint depuis deux ans d’incidents linguistiques survenus au Québec. Le syndicat a interpellé la nouvelle dirigeante du transporteur ferroviaire au début du mois dans une lettre obtenue par La Presse. La dirigeante du CN n’a pas évoqué cette question.

Hiver difficile

À sa première conférence téléphonique avec les analystes financiers, Mme Robinson a été contrainte d’annoncer que le CN avait réduit ses prévisions pour l’exercice, en plus de présenter des profits en baisse pour les trois premiers mois de l’année.

« C’est un début d’année difficile », a-t-elle dit.

Le CN a attribué ses résultats financiers à la rigueur de l’hiver dans l’ouest du pays, à l’incertitude mondiale provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie ainsi qu’aux confinements en Chine en raison de la recrudescence des cas d’infection à la COVID-19.

À certains endroits dans l’ouest du pays, le froid mordant de janvier et de février a contraint l’entreprise à réduire la taille de ses trains et à utiliser davantage de locomotives pour transporter des marchandises, ce qui a nui à la performance.

Cette année, la croissance du profit ajusté par action devrait osciller entre 15 et 20 %, en recul par rapport à la cible précédente de 20 %. Le ratio d’exploitation – une mesure de l’efficacité du chemin de fer qui exprime les dépenses en tant que pourcentage des ventes nettes – devrait être d’environ 60 %, ce qui est moins ambitieux que son objectif précédent de 57 %.

Anthony Hatch, spécialiste du secteur ferroviaire au sein de la firme new-yorkaise ABH Consulting, n’a pas été alarmé par cette révision des prévisions.

« C’est correct, a-t-il écrit dans une note. Mme Robinson est arrivée il y a à peine 60 jours et tout le monde [dans l’industrie] a amorcé l’année lentement. »

Interrogée par les analystes, Mme Robinson s’est engagée à poursuivre le plan stratégique mis en place l’automne dernier par son prédécesseur, tout en se gardant d’ouvrir davantage son jeu, en expliquant qu’il lui fallait plus de temps.

« Je sais que vous voulez plus de détails sur le plan, mais nous y travaillons en ce moment et nous pourrons vous en dire plus lorsque nous aurons une meilleure idée [de ce qui sera décidé] », a répondu Mme Robinson.

Ce plan s’est déjà soldé par le licenciement de 1150 personnes. Des actifs jugés non essentiels, comme les navires de marchandises dans les Grands Lacs et l’entreprise de camionnage TransX, pourraient être vendus. Ces options sont toujours évaluées.

En savoir plus
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    Avant d’être embauchée au CN, Tracy Robinson a passé plus de sept ans chez TC Énergie. Elle a aussi travaillé pour le Canadien Pacifique pendant près de 30 ans.
    source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada