L’avionneur a coupé les ponts avec des acheteurs en raison des sanctions visant la Russie

Des indésirables sont apparus dans le carnet de commandes de Bombardier dans la foulée de l’imposition des sanctions canadiennes à la Russie, obligeant l’avionneur à annuler des commandes de luxueux jets privés et à passer la liste de ses clients au peigne fin.

En raison de la forte demande dans l’aviation d’affaires, de nouveaux acheteurs n’ont pas tardé à lever la main pour acquérir ces appareils soudainement à vendre. Si la situation est « gérable », elle est délicate, a convenu le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel, mercredi, en marge de sa participation à un évènement organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).

« J’ai une douzaine d’avocats qui travaillent à temps plein sur ce dossier chez Bombardier juste pour nous assurer que nous faisons tout ce qu’il faut pour respecter des sanctions », a-t-il dit, au cours d’une mêlée de presse, en ajoutant qu’il y avait encore des « ajustements » à faire.

Le Canada a multiplié les sanctions à l’endroit de la Russie depuis le début de l’offensive militaire contre l’Ukraine. Plus de 700 personnes et entités sont actuellement visées. La liste comprend notamment des proches du régime de Vladimir Poutine, dont 14 oligarques et décideurs économiques.

Interrogé à plusieurs reprises, M. Martel a refusé de préciser le nombre d’annulations, les modèles concernés ainsi que l’identité des acheteurs avec qui l’entreprise avait coupé les ponts. Ce dernier a évoqué des clauses de confidentialité qui accompagnent les contrats d’achat des avions.

« Ce sont des gens à qui je ne peux plus vendre d’avions, qui sont couverts par les restrictions, s’est borné à dire M. Martel. On est capables de le gérer. »

Bombardier avait emboîté le pas à plusieurs entreprises en tournant le dos à la Russie le 4 mars dernier. L’avionneur dit avoir suspendu toutes ses activités avec des clients russes. Cela comprend les services après-vente, comme la distribution de pièces de remplacement.

Il s’agit de la partie la plus complexe, puisque les jets d’affaires appartenant aux milliardaires russes sont souvent enregistrés à l’extérieur du pays et que leur propriété est camouflée par des sociétés-écrans, par exemple.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Martel est le président-directeur général de Bombardier.

« Lorsque nous livrons des pièces, il faut s’assurer de savoir qui sera l’utilisateur final, a dit M. Martel. On met toutes les mesures en place. Quand on a un doute, on ne livre pas la pièce. »

Sur les quelque 5000 jets privés de Bombardier en service, environ 250 appartiennent à des clients russes, selon l’entreprise.

Une sortie prématurée

Le grand patron de Bombardier a également été contraint de commenter un sujet dont il ne souhaitait pas discuter sur la place publique : le renouvellement du contrat de travail d’environ 1800 syndiqués répartis entre l’usine d’assemblage du Challenger à Dorval et l’usine montréalaise de Saint-Laurent.

Un bulletin distribué par l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA) à ses membres en début de journée, mercredi, est venu brouiller les cartes. Le syndicat accuse l’employeur de rejeter la « quasi-totalité » des demandes salariales en plus d’exiger des « reculs importants » de « plusieurs millions ».

Interrogé sur la question, M. Martel a tenté de calmer le jeu.

« On n’a pas déposé d’offre encore, alors je pense que c’est prématuré de parler de la situation de ces négociations », a-t-il répondu. Je passe beaucoup de temps dans les usines, je parle aux employés deux ou trois fois par semaine. Je ne sens pas d’inquiétudes actuellement. »

Selon la partie syndicale, les pourparlers achoppent sur la question des salaires depuis le début du mois de février.

En raison du désaccord, l’AIMTA demande à la direction de lui présenter « sa meilleure offre monétaire » qui sera présentée aux membres, sans contrat de travail depuis le 4 décembre dernier. Le syndicat estime que cela permettra d’envoyer un message clair à l’employeur.

« Le 15 mars dernier, l’employeur nous a informés qu’il rejetait la quasi-totalité des demandes syndicales concernant les clauses salariales, écrivent l’agent d’affaires Éric Rancourt et le vice-président de la section locale 712 Christian Bertrand, dans un bulletin que La Presse a pu consulter. Ce dernier [l’employeur] espère plutôt obtenir des reculs importants [plusieurs millions sur trois ans]. »

M. Martel a estimé que cette affirmation était une « rumeur ».

En juillet dernier, les activités de l’usine torontoise Downsview de Bombardier avaient été perturbées par un débrayage de quelques jours. L’entreprise était parvenue à s’entendre avec Unifor, qui représentait environ 1200 salariés qui assemblent la famille d’avions Global.

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  • 13 800
    Dans le monde entier, Bombardier compte 13 800 employés dans ses usines et centres de services pour jets d’affaires.
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