Bombardier pourrait voir les portes du marché russe se refermer avec l’escalade des sanctions imposées à la Russie dans la foulée de son invasion de l’Ukraine, un élément qui viendrait s’ajouter à la liste des écueils susceptibles de ralentir son redressement.

En moyenne, l’entreprise réalise entre 5 % et 6 % de ses ventes annuelles – qui ont été de 6,1 milliards US l’an dernier – auprès de clients russes. Bombardier est le constructeur d’avions d’affaires le plus exposé à la Russie et aux membres de la Communauté des États indépendants, avec une part de marché d’environ 30 %, selon le courtier ArcosJet, établi à Dubaï.

La crise ukrainienne s’est invitée à la journée des investisseurs organisée par Bombardier, jeudi, qui a réitéré les cibles de son plan qui doit culminer en 2025. Pour l’instant, le constructeur exclusivement recentré vers les jets d’affaires ne compte aucun client visé par les sanctions canadiennes. Celles-ci concernent notamment les élites russes, qui ont les moyens de s’offrir des avions privés.

« Vous savez, les sanctions évoluent d’une journée à l’autre, a affirmé le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel.

Il est clair que si on a des [clients] affectés par des sanctions, on ne livrera pas [d’appareils] à ces gens-là.

Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

Pour Bombardier, cette incertitude géopolitique s’ajoute aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement, à l’imposition d’une potentielle taxe au Canada pour les produits de luxe comme les jets privés – qui freinerait déjà les ventes selon Bombardier – et à l’arrivée prochaine sur le marché de nouveaux jets construits par des concurrents comme Gulfstream et Dassault.

Même si la multinationale n’a aucun contrôle sur ces éléments, M. Martel estime que le plan de son équipe est à l’épreuve des imprévus. En dépit d’un marché vigoureux dans l’aviation d’affaires, Bombardier n’a pas relevé ses cibles pour 2025.

« Notre carnet de commandes est bien garni et notre position nous permet [d’encaisser] des soubresauts s’il y en a », a dit M. Martel, au cours d’une visioconférence.

Bombardier n’exploite aucun centre de service en Russie ou en Ukraine. Son ancienne division ferroviaire, qui appartient désormais à Alstom, exportait du matériel roulant dans le marché russe.

« Ce n’est pas un chiffre insignifiant », souligne Brian Foley, de la firme Brian Foley Associates, à propos des revenus générés par Bombardier en Russie. « Le temps nous dira si la situation actuelle perdurera. C’est quelque chose à suivre sur le radar. »

Avec un ratio de nouvelles commandes par rapport au nombre de livraisons de 1,5 en 2021, l’analyste croit qu’à court terme, une baisse du volume d’affaires en Russie sera contrebalancée par la vigueur de la demande en Amérique du Nord et en Europe.

Selon WingX, la Russie et l’Ukraine représentent près de 10 % de tous les vols des exploitants européens de jets d’affaires. La crise actuelle pourrait ainsi avoir de « graves conséquences économiques », ce qui plombera la demande, estime la firme de données, dans une note récente.

Flexibilité accrue

Avec une situation financière qui s’améliore, Bombardier s’attend à pouvoir consacrer 600 millions US par année d’ici 2025 pour financer de nouveaux projets « stratégiques » ou continuer à réduire sa dette.

Il s’agit d’une augmentation notable, alors que M. Martel répétait que l’enveloppe était d’environ 250 millions US. Cela ne signifie pas pour autant que l’avionneur s’apprête à développer un nouvel avion, a-t-il prévenu.

« On dit qu’on aura la flexibilité d’être capables d’aller de l’avant avec un nouveau programme, a expliqué M. Martel. Il ne faut pas voir que l’on ne fera rien avant 2025. Je ne dis pas non plus qu’on va faire quelque chose avant 2025. »

La concurrence s’annonce plus féroce au cours des prochaines années, avec l’arrivée de nouveaux jets construits par des concurrents, mais la haute direction de Bombardier estime qu’elle a du temps devant elle.

Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, abonde dans le même sens, avec un bémol.

« Nous croyons que l’entreprise devra potentiellement investir […] pour remplacer son Challenger 650 », affirme l’analyste, dans un rapport.

Plusieurs analystes estiment que cette plateforme émanant de la fin des années 1970 aura besoin d’une cure de rajeunissement ou qu’elle devra être remplacée par un nouvel avion. M. Martel voit les choses d’un autre œil. À son avis, le Challenger 650 est un appareil « dont les gens aiment douter », à l’exception des « clients » de Bombardier.

Même si l’avionneur n’a pas réservé de mauvaise surprise aux investisseurs, son action a retraité de trois cents, ou environ 2 %, à la Bourse de Toronto, pour clôturer à 1,52 $.

En savoir plus
  • 5000
    Bombardier compte actuellement quelque 5000 appareils en service dans le monde
    BOMBARDIER