C’est la triste histoire d’une licorne déchue.

Après avoir été considérée comme une jeune pousse prometteuse depuis sa fondation en 2012 et avoir réussi à atteindre les 150 millions US en capital-risque de la Silicon Valley, de la Caisse de dépôt et placement du Québec et de Real Ventures, Breather a vendu tous ses actifs à son concurrent américain Industrious National Management.

La somme obtenue pour cette transaction qui sera bouclée cette semaine, selon des sources citées par le Globe and Mail et The Logic : 3 millions US.

« La pandémie a été difficile pour de nombreuses entreprises du secteur du crédit-bail commercial, a réagi par courriel John Stokes, associé au fonds montréalais Real Ventures. Bien que ce ne soit pas le résultat que nous avions espéré pour Breather, nous sommes fiers de la façon dont toute l’équipe a navigué à travers les défis imprévus de la COVID-19, et du fait que la marque et le service Breather vont continuer. »

Il a été impossible de joindre des responsables de Breather, qui n’ont pas rappelé La Presse. La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui n’a pas révélé le montant de son investissement dans Breather, a indiqué qu’elle ne commenterait pas le dossier.

De 16 000 clients à 0

Il s’agit vraisemblablement de l’épisode final d’une rapide descente aux enfers pour Breather, spécialisée dans la location d’espaces de travail à court terme. Début 2019, l’entreprise fondée par Julien Smith et Caterina Rizzi comptait 16 000 clients, dont Apple et Google, et proposait des espaces de travail à Montréal, Toronto, Ottawa, New York, Boston, Chicago, San Francisco et Londres. Au total, elle louait 315 locaux aux États-Unis, 40 au Royaume-Uni et 79 au Canada, qu’elle sous-louait par la suite pour une journée ou quelques heures à des travailleurs autonomes ou des entreprises. Ses revenus cette année-là, alors que Julien Smith avait laissé son poste de PDG à un ancien cadre d’eBay, Bryan Murphy, étaient estimés à 35 millions US.

Breather avait auparavant attiré l’attention de fonds américains comme Valar Ventures, dirigé par le cofondateur de PayPal et premier investisseur de Facebook Peter Thiel, et Menlo Ventures.

Au Québec, la firme de capital-risque Real Ventures avait participé en 2015 à une ronde de financement totalisant 20 millions US, puis la Caisse de dépôt avait embarqué en 2018 pour une nouvelle levée de fonds de 60 millions.

Bourse et pandémie

Le premier nuage dans le ciel prometteur de la location d’espaces de travail est apparu en août 2019, quand WeWork a tenté une entrée en Bourse qui s’est soldée par un échec retentissant et le congédiement de son PDG, Adam Neumann, ainsi que le licenciement de 2400 employés quelques mois plus tard. La valeur anticipée de l’entreprise est passée en un mois de 47 à 10 milliards US.

Surtout, note Forbes dans une analyse publiée en décembre 2020, cette débâcle a refroidi l’ardeur des investisseurs pour les entreprises dans ce domaine. Coup sur coup, des entreprises comme Convene, Knotel et Primary ont été prises dans la tourmente, multipliant les licenciements et peinant à attirer les capitaux.

La pandémie, avec la demande de locaux de bureau en chute libre, est ensuite venue donner le coup de grâce à Breather. En décembre 2020, l’entreprise a annoncé la faillite de ses filiales américaine et britannique et l’abandon des 355 espaces loués. Les 79 locaux canadiens ne devaient être conservés qu’à moyen terme. De 120 employés, le personnel a été réduit à 30.

Technologie et marque à vendre

Le PDG, Bryan Murphy, a alors annoncé au Globe and Mail un changement de vocation pour Breather, qui deviendrait un fournisseur de solutions technologiques à la Airbnb. « Breather dans sa forme actuelle en tant qu’opérateur n’a pas de sens et, franchement, je ne crois pas que ça ait jamais eu de sens », a-t-il déclaré au quotidien torontois.

L’entreprise est au ralenti depuis ces annonces – son dernier message sur son compte Facebook date d’août 2020 et personne ne répond au siège social, avenue De Gaspé à Montréal.

Selon The Logic, c’est le 20 avril dernier qu’Industrious, une entreprise privée qui compte une centaine d’espaces aux États-Unis et un à Singapour, a manifesté son intérêt pour acquérir les actifs de Breather. L’offre de 3 millions US a été soumise et acceptée par les propriétaires. Pour cette somme, Industrious obtient le droit d’utiliser la marque de commerce de Breather, sa plateforme informatique de réservation et son équipe d’une dizaine de développeurs.