L’acquéreur des actifs de Lithium Amérique du Nord (LAN), en Abitibi, prend les bouchées doubles pour se positionner comme le premier producteur de spodumène en Amérique du Nord.

Si on inclut l’achat des actifs de LAN en août dernier, Sayona Québec a investi 200 millions en 2021. L’argent a servi à la remise en état des installations de La Corne, aux activités de forage et à l’acquisition d’une nouvelle propriété à la Baie-James.

« Nous avons doublé notre capacité de production, a souligné Brett Lynch, directeur général de Sayona Mining, dans une récente présentation lors de l’évènement Québec Mines et Énergie. Nous sommes maintenant le plus grand détenteur de ressources de lithium en Amérique du Nord. Cela nous donne la capacité, théoriquement, de produire jusqu’à 60 000 tonnes d’hydroxyde de lithium. »

Le spodumène, ou concentré de lithium, sert à faire des produits transformés comme le carbonate de lithium et l’hydroxyde de lithium, lesquels servent à la fabrication de batteries au lithium-ion, au cœur de l’électrification des transports.

M. Lynch a insisté sur l’importance d’atteindre rapidement une masse critique afin de convaincre les fabricants de batteries et les constructeurs automobiles de s’approvisionner auprès de sa société.

Le patron de Sayona Mining a également parlé des avantages comparatifs du Québec dans la production de spodumène et des produits du lithium à valeur ajoutée comme le carbonate et l’hydroxyde en raison principalement de la richesse de ses gisements, de son hydroélectricité propre et à bon marché et de sa relative proximité géographique avec les donneurs d’ordres.

Le prix du spodumène est passé de 500 $ US la tonne à 2000 $ US la tonne cet automne en réaction aux investissements annoncés de la part des constructeurs automobiles et des gouvernements dans l’électrification des véhicules.

Sayona Mining, une société d’exploration minière cotée à la Bourse d’Australie et au NASDAQ, détient 75 % de Sayona Québec. L’autre tranche de 25 % appartient à Piedmont Lithium, une entreprise américaine qui a dans ses cartons la transformation du spodumène en carbonate de lithium et en hydroxyde de lithium en Caroline du Nord. Piedmont a un contrat direct avec Tesla pour l’approvisionnement en hydroxyde.

La communauté algonquine de Pikogan, près d’Amos, détient près de 1 % des actions de Sayona Mining à la suite de l’entente intervenue entre la Première Nation et la société d’exploration minière.

Acquisitions et projets

Le 1er décembre dernier, Sayona a dévoilé des résultats de forage que la société a qualifié de prometteurs à son projet d’Authier à La Motte. Elle y projette l’exploitation d’une mine à ciel ouvert. Le minerai partirait ensuite se faire traiter chez LAN à La Corne, à environ 80 km de la mine. Une étude du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement doit se tenir en 2022 sur le projet Authier, lequel divise la municipalité de La Motte. Des citoyens craignent pour l’intégrité de l’esker Saint-Mathieu-Berry, à proximité de la future mine.

Fin septembre, Sayona a annoncé l’acquisition de 60 % du projet Moblan Lithiumà 130 km au nord-ouest de Chibougamau. C'est aussi à proximité du projet minier Whabouchi de Nemaska Lithium, près du village cri de Nemaska. Elle a payé 86,5 millions US. L’objectif est de créer un second pôle de production de lithium dans le Nord-du-Québec, après celui de l’Abitibi. L’autre tranche de 40 % est toujours détenue par SOQUEM, filiale d’Investissement Québec. Au préalable, Sayona avait amassé 88 millions US sur les marchés pour financer l’acquisition de Moblan.

En août dernier, Sayona finalisait l’achat des actifs de LAN à La Corne, la société s’étant placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Un groupe d’acheteurs québécois, mené par Pierre Gauthier, PDG de Central America Nickel, et par Benoit La Salle, président du conseil de SRG Mining, a contesté sans succès la transaction devant les tribunaux.

Investissement Québec (IQ), qui a de grandes ambitions dans la filière batterie, confirme avoir perdu 63 millions avec la déconvenue de LAN version 1.0.

« [La perte] pourra être compensée par les bénéfices économiques associés à la relance de la mine et à la transformation du spodumène au Québec », soutient l’organisme dans un courriel.

IQ pourrait aussi investir de nouvelles sommes, s’il faut en croire l’inscription récente de Sayona au registre des lobbyistes. « Les représentations visent également à obtenir les aides financières disponibles pour le développement de la mine de lithium de l’entreprise située à La Corne », y lit-on. IQ fait partie du lot des ministères et organisations gouvernementales sondés par la minière.

Plan d’action à venir

Sayona repose dorénavant sur deux pôles : un en Abitibi et l’autre dans le Nord-du-Québec, autour de Moblan.

Pour ce qui est du pôle en Abitibi, il s’agit d’« un pôle orienté sur le développement du complexe minier de La Corne, un complexe minier appuyé par deux projets que [la société] développe en parallèle, qui sont à différents stades de développement, le projet Authier à La Motte et le projet Tansim dans la communauté de Moffet [au Témiscamingue] », a expliqué Guy Laliberté, chef de la direction de Sayona au Québec, à cette même conférence Québec Mines et Énergie.

« [À La Corne], on s’affaire à investir entre 47 et 63 millions pour remettre à jour le concentrateur au niveau des équipements de production, mais aussi une mise à niveau au niveau environnemental, a-t-il signalé. On devrait terminer cette remise en production au premier trimestre de 2023.

« Il y a également un secteur carbonate [à La Corne] et on a récemment reçu une évaluation de Hatch pour une remise en état, projet qui sera évalué à 285 millions si on allait de l’avant, a-t-il poursuivi. Ça nous amènerait à devenir producteurs de carbonate à la mi-2025, mais c’est définitivement quelque chose qu’on étudie. À ça s’ajoutent d’autres options, c’est-à-dire que l’on peut faire de l’hydroxyde sur place ou à l’extérieur de La Corne. Alors on attend le 21 janvier un autre rapport de Hatch en ce sens-là. Et en 2022, on devrait prendre une décision sur la deuxième transformation très certainement. »

Avec la collaboration de Julien Arsenault, La Presse

Une version antérieure de l'article parlait de façon erroné du village cri de Whabouchi, alors que c'est le nom d'un projet minier. Le village cri à proximité est Nemaska.