Une offre d’emploi publiée par le restaurant Au Pied de cochon à Montréal a suscité de vives réactions. Cette annonce indique que le prestigieux établissement mené par le chef Martin Picard recherche cinq cuisiniers qui se verront offrir un salaire horaire de 13,50 $, alors que la moyenne à l’embauche est de 18,22 $, selon l’Association Restauration Québec (ARQ).

À titre de comparaison, McDonald’s affiche des postes dont la rémunération varie entre 15 $ et 17 $ l’heure. Interrogé par La Presse, le copropriétaire du Pied de cochon, Marc Beaudin, a expliqué que le salaire pouvait ensuite varier en fonction de l’expérience des candidats qui se présentent. Selon un article publié sur le site de Radio-Canada, le chef Martin Picard a tenté d’éclaircir la situation en précisant que son équipe et lui auraient dû indiquer un salaire « à partir » de 13,50 $ de l’heure. Selon lui, l’histoire est « partie en vrille ».

C’est que l’annonce mise en ligne le 11 novembre sur le site Guichet-Emploi du gouvernement du Canada n’est pas passée inaperçue. Sur la page Facebook du restaurant, des internautes n’ont pas caché leur surprise et leur mécontentement. « Dites-moi que c’est une blague ça ! », peut-on notamment lire. « C’est ignoble. Personne ne peut vivre décemment à 13,50 $ de l’heure, et c’est drôlement ironique que ces gens soient embauchés pour travailler des produits qu’ils ne peuvent eux-mêmes se permettre », a pour sa part commenté un autre internaute sur la page Facebook de l’économiste Ianik Marcil, qui avait également partagé la nouvelle en mettant en opposition le prix d’un repas au Pied de cochon et le salaire horaire affiché pour de nouveaux cuisiniers.

« Avec la crise du logement qui a lieu partout au Québec et pas juste à Montréal, qui a les moyens d’aller travailler pour un salaire qui ne paye même pas son loyer au final ? », souligne-t-on également.

Pour sa part, M. Beaudin a tenu à rappeler qu’« il y en avait aussi [des gens payés] à 13,50 $ qui travaillent au McDo ». « Oui, j’aimerais ça pouvoir offrir des salaires à 17 $, 18 $, 20 $, 22 $ de l’heure », a-t-il indiqué au bout du fil.

C’est juste qu’à un moment donné, on n’y arrive pas au bout de l’année. On n’a pas cette marge-là d’augmenter les salaires de nos employés de 30 %, 40 %, 50 %.

Marc Beaudin, copropriétaire du Pied de cochon

M. Beaudin souligne par ailleurs qu’avec le partage des pourboires entre les employés en salle et ceux en cuisine, le salaire des gens aux fourneaux est un peu plus élevé. À noter que chaque établissement établit sa politique de partage des pourboires. Ce sont les serveurs qui décident s’ils en remettent une partie à leurs collègues. Le salaire moyen d’un employé en salle est de 12,87 $ (sans les pourboires), contre 19,40 $ pour celui en cuisine, selon les chiffres fournis par l’ARQ.

« Il n’y a pas personne [en cuisine], une fois qu’elle fait des pourboires au restaurant, qui gagne en bas de 16 $ [de l’heure], 17 $, 18 $, 19 $, assure M. Beaudin. Ça peut aller encore plus haut que ça. Les pourboires, ça dépend des ventes de la semaine, ce n’est pas un salaire garanti, étant donné que les ventes fluctuent d’une semaine à l’autre, reconnaît-il. Je peux vous dire que le restaurant est pas mal plein tout le temps. Les gens qui travaillent pour nous comme cuisinier, au bout du compte, à la fin d’un deux semaines, ils sont capables de payer leur loyer, de payer leur épicerie et tout le reste. »

Or, Martin Vézina, directeur des affaires publiques et gouvernementales de l’ARQ, souligne que le salaire moyen à l’embauche – qui est de 18,22 $ – n’inclut pas le partage des pourboires. À la lumière de cette donnée, Au Pied de cochon offre dans son annonce un salaire en deçà de la moyenne. « En pénurie de main-d’œuvre, c’est étonnant », a affirmé M. Vézina en faisant référence à la rémunération offerte par le restaurant de l’avenue Duluth.

Si ce dernier n’était pas à l’aise de commenter la situation, il a toutefois souligné que bon nombre de restaurateurs avaient haussé les salaires pour attirer des employés en cuisine ou encore pour conserver leur brigade. Le salaire moyen à l’embauche calculé par l’ARQ a augmenté de 15 % par rapport à 2019.

Les exploitants ont pigé dans leurs poches, ils ont fait des augmentations salariales. Ils n’ont pas le choix. On le voit, on en discute avec nos membres et les salaires sont à la hausse. Je serais étonnamment surpris que des exploitants réussissent à trouver des employés à 13,50 $.

Martin Vézina, directeur des affaires publiques et gouvernementales de l’ARQ

« Ce qui m’a fait sursauter, c’est que c’est quand même un restaurant luxueux. Ce n’est pas tout le monde qui peut se payer ce genre de repas là, rappelle pour sa part l’économiste Ianik Marcil. Qu’on paye un cuisinier au salaire minimum, c’est incroyable. »

« Même s’il y avait une prime, une distribution des pourboires, qu’on ait le culot d’annoncer un salaire aussi bas pour un travail qui est très exigeant, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Je ne veux pas viser ce restaurant en particulier. Dans l’ensemble de la restauration, il y a quelque chose qui tourne carré. »