Alstom n’a pas trouvé d’autres mauvaises surprises dans les contrats de Bombardier Transport, permettant à son action de reprendre du poil de la bête. Malgré tout, le placement de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans ce géant français pique du nez depuis que l’institution est son plus gros actionnaire.

Sa valeur a fléchi d’environ 1 milliard CAN depuis le 29 janvier – quand Alstom a officiellement accroché la division ferroviaire de Bombardier à ses wagons – lorsque l’on tient compte du recul boursier du titre de la multinationale française et du repli de l’euro (- 7 %) par rapport au dollar canadien.

« En tant qu’investisseur de long terme, c’est dans cette perspective que nous évaluons nos décisions d’investissement, a souligné la porte-parole de la CDPQ, Elena Gabysz, dans une déclaration envoyée par courriel. De plus, dans le cadre de cette transaction, nous avons négocié des engagements très importants pour le Québec. »

Le bas de laine des Québécois, qui détenait environ le tiers de Bombardier Transport, avait converti sa participation dans Alstom, en plus d’acheter plusieurs centaines de millions d’euros afin d’acheter 64,7 millions de titres du géant français à un prix de 40,67 euros – un investissement de 4,1 milliards CAN.

À la clôture de la transaction, le bloc d’actions valait quelque 4,5 milliards CAN puisque le titre du constructeur français de matériel roulant avait clôturé à 44,86 euros.

Des squelettes dans le carnet

Au fil des mois, le titre de la multinationale française a perdu des plumes à la Bourse de Paris. Le recul s’est accéléré depuis le 5 juillet dernier, lorsque la société avait prévu qu’elle mettrait trois ans à digérer l’ex-division ferroviaire de Bombardier, minée par de nombreux problèmes d’exécution.

La multinationale prévoyait que cela lui coûterait jusqu’à 2,7 milliards CAN au premier semestre, qui s’est terminé le 30 septembre. Mercredi, Alstom a indiqué que c’est finalement environ 2 milliards CAN qui ont été dépensés, en deçà de la fourchette évoquée.

« Il n’y a pas d’éléments cachés que nous n’avons pas vus, a affirmé le président-directeur général d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, au cours d’une conférence téléphonique avec les analystes, mercredi, afin de commenter la performance financière de l’entreprise. Nous contrôlons vraiment bien l’ensemble du portefeuille. »

PHOTO FRANÇOIS LO PRESTI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Henri Poupart-Lafarge, grand patron d’Alstom

Les investisseurs ont semblé rassurés. Sur le parquet de la Bourse parisienne, l’action d’Alstom a pris 9,75 % pour clôturer à 35,01 euros. Malgré tout, le repli est de 19 % depuis juillet et de l’ordre de 25 % pour l’année.

« Cette différence s’explique notamment par l’intégration des activités de Bombardier Transport qui nécessite plusieurs mois », a souligné Mme Gabrysz, en réponse à une question sur le cours actuel du titre d’Alstom par rapport au prix payé par la CDPQ pour ses titres.

Mince consolation pour l’investisseur institutionnel québécois : il a reçu un dividende de quelque 25 millions CAN en août dernier.

Alstom n’a pas dévoilé la liste des contrats problématiques. Dans le passé, Bombardier avait déjà montré du doigt d’importants projets en Suisse, en Allemagne, à Londres ainsi qu’à New York pour expliquer ses déboires.

Pas surprenant

Professeur au département de gestion de l’Université McGill, Karl Moore n’est pas étonné des avertissements lancés par Alstom depuis qu’elle est propriétaire de Bombardier Transport.

« On voit souvent des mauvaises nouvelles parce que l’acquéreur apprend des choses qu’il ignorait avant de devenir propriétaire, dit-il. C’est aussi une stratégie : divulguez toutes les mauvaises nouvelles rapidement parce que vous pouvez faire reporter le blâme sur les anciens dirigeants, à juste titre. »

Au fur et à mesure que les choses se stabiliseront, le titre d’Alstom devrait poursuivre sa remontée, a estimé M. Moore, qui ne s’est pas montré préoccupé à l’égard du placement de la CDPQ.

Sans se prononcer sur l’investissement de la Caisse, le professeur de stratégie à HEC Montréal Louis Hébert anticipe d’autres annonces importantes puisque la phase d’intégration n’est pas terminée.

« Bombardier avait de solides difficultés et Alstom était en bonne posture, mais pour combien de temps ? a-t-il souligné. Il y avait une logique stratégique derrière la transaction pour faire face aux concurrents asiatiques. Est-ce qu’elle va se transformer en profits ? On ne le sait pas encore. »

L’acquisition de Bombardier Transport devrait permettre à Alstom de générer des revenus annuels estimés à 24 milliards CAN, ce qui demeure toutefois loin du chiffre d’affaires de 43 milliards CAN du géant chinois CRRC – le numéro un dans l’industrie.

En tenant compte de l’intégration de Bombardier Transport, Alstom a affiché une perte nette de 37 millions CAN au premier semestre terminé le 30 septembre.