Au moment où l’acquisition de Kansas City Southern (KCS) semble vouée au déraillement, le deuxième actionnaire du Canadien National (CN) veut une place au sein du conseil d’administration pour effectuer un ménage à la haute direction. De son côté, le plus gros actionnaire – Bill Gates – vient de vendre pour plus de 200 millions US d’actions du transporteur ferroviaire montréalais.

TCI Fund Management n’a pas mâché ses mots en faisant miroiter une guerre de circulaires. La firme londonienne, qui traîne une réputation de militante, a qualifié « d’incompétent » le conseil d’administration du plus grand chemin de fer au pays, en plus de traiter son président-directeur général Jean-Jacques Ruest de « faible ».

« Le conseil n’a plus de crédibilité, et il faut donc nommer de nouveaux administrateurs qui ont plus d’expérience et d’expertise dans le secteur ferroviaire, a souligné Chris Hohn, fondateur TCI. Le président devrait également être remplacé par [quelqu’un] qui a fait ses preuves. »

Le fonds spéculatif souhaiterait la tenue d’une assemblée annuelle des actionnaires pour faire élire cinq candidats au conseil d’administration avant de mettre en place un processus visant à remplacer M. Ruest.

TCI, qui détient une participation de 5,2 % dans le CN, en plus d’être le plus important actionnaire du Canadien Pacifique (CP), avait déjà manifesté, en mai dernier, son opposition à un regroupement entre le CN et KCS en raison des risques réglementaires aux États-Unis. La firme a retenu les services de Kingsdale Advisors au Canada pour l’épauler dans ses démarches.

« Je peux vous dire que des actionnaires se manifestent auprès de TCI en indiquant soutenir ses démarches », a fait valoir un porte-parole de Kingsdale, dans une déclaration, sans donner une idée de la proportion d’appuis récoltés.

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui avait appuyé les démarches du CN auprès de KCS et qui détient 1,66 % des actions du transporteur ferroviaire, n’a pas voulu commenter mardi.

De son côté, le CN a dit être « au fait » de la sortie de TCI, ajoutant accorder de « l’importance aux commentaires de tous ses actionnaires ».

Un mariage incertain

L’offensive de TCI survient au moment où KCS négocie de nouveau avec le CP à propos de son offre d’achat relevée à 31 milliards US et qui est sur la table jusqu’au 12 septembre.

Le transporteur ferroviaire de Calgary avait annoncé une entente avec KCS en mars dernier, avant de voir le CN lui damer le pion avec une offre valorisée à 33,6 milliards US.

Mais le mariage risque de ne jamais se concrétiser.

Le 31 août, le Surface Transportation Board (STB) – responsable des fusions dans le secteur ferroviaire aux États-Unis – a refusé la demande du CN de mettre sur pied une fiducie avec droit de vote.

Cela aurait permis au CN de détenir les actions de KCS pendant l’examen de la transaction, qui aurait pu s’échelonner jusqu’à la fin de 2022. Les actionnaires de l’entreprise américaine auraient également été payés plus rapidement plutôt que de devoir attendre la clôture de la transaction.

Les deux chemins de fer canadiens veulent mettre la main sur KCS en raison de ses actifs ferroviaires qui procurent un accès au Mexique. L’entreprise qui raflera le transporteur américain pourra exploiter un réseau reliant le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Si « les meilleurs jours » du transporteur montréalais sont devant lui, estime TCI, celui-ci doit « immédiatement » abandonner ses ambitions d’expansion pour se recentrer sur ses activités.

« L’offre pour KCS a révélé une profonde incompréhension de l’industrie et de l’environnement réglementaire [aux États-Unis] », croit la firme, qui souhaite voir Jim Vena, un ex-haut dirigeant du CN, aux commandes de l’entreprise.

La récente performance financière du CN a été affectée par plusieurs défis opérationnels qui ont précédé la pandémie, relate de son côté l’analyste Cherilyn Radbourne, de la TD, dans une note publiée mardi.

Elle fait notamment référence au déraillement survenu dans un tunnel à Sarnia, en Ontario, en juin 2019, à la grève de 8 jours en novembre 2019, ainsi qu’aux blocus ferroviaires, en février 2020.

« Je reconnais néanmoins que les investisseurs commencent à perdre patience et que la récente feuille de route [au CN et chez Union Pacific] du candidat de TCI au poste de PDG du CN, Jim Vena, de même que le succès des investisseurs militants dans l’industrie ferroviaire risquent de devenir hautement attrayants pour les actionnaires », ajoute-t-elle.

Le CP avait déjà obtenu le feu vert du STB afin de mettre sur pied une fiducie avec droit de vote, notamment en raison de sa plus petite taille. Contrairement au CN, le réseau du CP ne se chevauche pas avec celui de KCS au sud de la frontière. Un regroupement entre le CP et KCS serait ainsi examiné en vertu de règles moins strictes aux États-Unis.

Vente d’actions par Bill Gates

Plus gros actionnaire du CN, Bill Gates a vendu la semaine dernière pour plus de 200 millions US d’actions du transporteur ferroviaire montréalais.

Le cofondateur de Microsoft a vendu deux blocs de 841 114 actions du CN au cours des séances du 31 août et du 1er septembre. Un des blocs était détenu par la fondation qui porte son nom et celui de son ex-femme Melinda Gates, alors que l’autre bloc appartenait à son holding privé Cascade Investment.

Chaque bloc a été vendu pour un montant rapportant un peu plus de 100 millions US, selon des documents récemment déposés auprès des autorités boursières.

Cascade demeure le plus important actionnaire avec une participation supérieure à 10 %. La Fondation Bill et Melinda Gates détient une participation d’un peu moins de 2 %, qui fait néanmoins de l’organisme caritatif un des 10 principaux actionnaires.