(Munich) Le patron de Volkswagen, Herbert Diess, a jugé lundi « impossible » d’accélérer davantage la transition électrique engagée par le géant de l’automobile, regrettant, dans un entretien à l’AFP, que le gouvernement allemand ait freiné cette évolution en maintenant les subventions pour le diesel.

« Nous changeons rapidement. Est-ce que nous pourrions être plus rapides ? Non, c’est impossible », a expliqué M. Diess lundi, en marge du salon de l’automobile allemand (IAA) à Munich.

Cette transformation « compliquée » demande « tellement d’investissements » et la création d’importantes capacités de production qu’elle nécessitera plusieurs années, a-t-il détaillé dans une interview accordée à l’AFP et au Financial Times.

De nombreux constructeurs se sont engagés à progressivement à tourner le dos aux moteurs thermiques alors que la Commission européenne pousse à la fin de ces technologies d’ici 2035.

Volkswagen, qui investit des dizaines de milliards d’euros dans le projet, compte vendre 50 % de véhicules électriques d’ici 2030. Dix ans plus tard, la proportion doit quasiment atteindre 100 % sur ses principaux marchés. Sa marque de luxe Audi sera entièrement électrique dès 2033.

« Quelqu’un peut-il être plus rapide que nous ? J’ai mes doutes », a expliqué M. Diess.  

Mais le tournant électrique a aussi « définitivement » été ralenti par les pouvoirs publics, a-t-il jugé.

« Pour cette transition, vous avez besoin du bon environnement » dépourvu de diesel au prix artificiellement bas, a détaillé le patron du deuxième constructeur mondial.

Merkel, gage de « stabilité »

S’il garde d’Angela Merkel, qui se retirera de la scène politique à l’issue des élections législatives du 26 septembre, un souvenir positif, « elle aurait pu être plus décisive dans certains domaines », notamment sur l’électrification.

« Dans l’ensemble, nous sommes très heureux de la stabilité qu’elle a apportée et du soutien au secteur en matière de relations internationales », notamment pour « maintenir la compétitivité » face à la Chine et aux États-Unis, a souligné Herbert Diess, à la tête du groupe depuis 2018.

Désormais, le marché électrique allemand « va bien », mais « je suis plus inquiet pour l’Europe de l’Est ou du Sud, où le chemin sera encore long. »

Alors que les défenseurs allemands du climat ont annoncé une offensive judiciaire contre Volkswagen, Daimler et BMW pour forcer les constructeurs à cesser de vendre des modèles thermiques en 2030, M. Diess juge « légèrement injuste » que cela vise la branche automobile.

« Je comprends la volonté de poursuivre ceux qui réalisent des bénéfices en brûlant des énergies fossiles », affirme l’Autrichien de 62 ans, selon lequel cependant les États producteurs de pétrole, comme l’Arabie saoudite, ou les entreprises, sont plus directement concernés par les critiques.

« Pas d’alternative » à l’électrique

En pleine campagne électorale allemande, M. Diess, un des grands patrons de l’industrie allemande, s’est dit « très content » que « la plupart des partis prennent le changement climatique au sérieux ».

« Quelle que soit l’issue des élections, je pense que nous pouvons faire avec », a-t-il indiqué. « Je dirais que les différences ne sont plus aussi grandes qu’auparavant. »

Ayant résolument engagé Volkswagen sur l’électrique face à laquelle « il n’y a pas d’alternative », M. Diess estime que ceux qui souhaitent développer le moteur à hydrogène comme énergie alternative, comme le candidat conservateur à la succession d’Angela Merkel, Armin Laschet, négligent les enjeux scientifiques.

Le grand patron estime que « l’électrification est la voie d’avenir », la seule à moyen terme, et que la technologie hydrogène ne révolutionnera pas le marché des véhicules particuliers.

Dans ce virage colossal, l’industrie affronte toutefois actuellement des problèmes d’approvisionnement en puces électroniques avec un « soulagement » espéré « vers fin septembre ».

« Nous pensions que la situation allait s’améliorer après les congés d’été », mais une nouvelle hausse des infections à la COVID-19 en Malaisie, important fournisseur de composants, a déjoué les prévisions.

La pénurie de semi-conducteurs a particulièrement affecté la Chine, où les ventes de Volkswagen étaient récemment à la peine. Le groupe y « investit beaucoup », selon le PDG, qui se dit « confiant » dans la capacité du groupe à défendre ses positions sur ce marché stratégique.

« La Chine n’a probablement pas besoin de Volkswagen, mais Volkswagen a beaucoup besoin de la Chine », a-t-il résumé.